Ben si. "Zámek Hrádek u Nechanic". Je m'explique: "Nechanice" est un patelin à 85 km à l'est de Prague. Près de "Nechanice" se trouve un bled encore plus petit nommé "Hrádek", qui signifie en tchèque "petit château fort". Et donc à "petit château fort prés de Nechanice" il y a un palais (château mais pas fort), le fameux "palais du petit château fort prés de Nechanice". C'est fort non?
Quand on est arrivé devant, quand j'ai vu cette surprenante couleur rouge-rose-magenta, quand j'ai vu cette architecture tape-à-l'oeil-très-kitch, je me suis dit ben voilà, on est chez Mickeyland, les Etasuniens ont vomi un de leurs foutus parcs de répulsion en cette contrée. Et le parcours de golf tout autour ne faisait qu'accentuer ce sentiment de simulé, contrefait, artificiel et pu-pognon-ah-ma-chère. Bon, mais c'était l'extérieur, car fort heureusement, l'intérieur était autrement plus fantastique. Pas d'origine, enfin pas d'origine de sur place, parce que rapatrié des 4 coins de l'Europe (principalement Italie, Hollande, Autriche) mais d'origine quand même, genre ancien. Mais hein, commençons aussi par le début.
La construction du château fut confiée à l'architecte autrichien "Karl Fischer" dont la popularité est telle, qu'il est totalement inconnu des Wikipédia point-at, point-de, comme point-org (Wikipédia.org). Dingue, il n'y a pas plus d'information concernant ce pauvre bougre sur la toile mondiale qu'il n'y a d'andouille de Vire dans le frigo du grand mufti de Bab El-Oued. Et pourtant j'ai cherché... ("Karl Fischer", pas les andouilles). Et donc ce célèbre inconnu aurait posé la première pierre du castel le 13 juin 1841 et la construction aurait duré jusqu'en 1854. Paf, autre source d'information, et là on vous colle la construction entre 1839 et 1857. Sur l'instigateur de la construction par contre ils sont tous d'accord, il s'agit du comte "František Arnošt z Harrachu" (1799 - 1884), proche de l'empereur auquel il servait de confident comme de conseiller. En fait, cet édifice fut un rêve d'enfant. En 1824, il fut envoyé en France avec son pote "Jan Adolf II ze Schwarzenbergu" (1799-1888, il construira "Hluboká") pour le couronnement du roi Charles X. Pareil, z'avez le choix entre 3 dates pour le couronnement, le 21 juin 1823, le 21 mai 1825, ou le 29 mai 1825. C'est stupéfiant, sans dec. Bon, moi j'ai même 1824, encore mieux, maintenant ce n'est pas crucial pour notre histoire donc on s'en fout du couronnement de Charles X. Et donc après la grosse nouba dont nos 2 bougres mirent plusieurs jours à se relever, ils s'en décidèrent que si déjà ils étaient là, à l'ouest de l'Europe, qu'ils allaient en profiter pour visiter l'île Britannique que l'on disait peuplée d'indigènes louftingues. Et nos lascars de traverser Ze Channeul (en bateau, le tunnel n'existait pas encore) et de découvrir les fantastiques demeures romantico-gothiques dont les Brits ont le secret (et heureusement qu'ils ont ça les Brits, parce que leurs pils...) Et ce sont donc des gentilhommières comme Crewe Hall, Harlaxton Manor ou Windsor qui furent les sujets d'inspiration du "j'en veux un comme ça aussi". De retour en Bohême, 15 ans après l'impulsion, le caprice de François-Ernest ("František Arnošt") prenait forme. C'était d'ailleurs le premier caprice d'une série d'autres dans le même style car vous savez comment ça marche dans la haute: "Ouh ma chère, avez-vous seulement vu la splendide chaumière des z Harrachu, ouh ma chère, c'est d'un seyant, on dirait du Valentino Lacroix-Gaultier, c'êst mêrvêilleux prout-prout".
Et tout le monde en eut un. Le "Zámek Hrádek u Nechanic" fut construit en premier, ex nihilo, sur une vide pelouse bien vaste entourée de forêt (parce la comtesse aimait les sites entourés de bois) alors que les "Hluboká", "Orlík" et autres "Lednice" furent des re-constructions de demeures existantes dans le style "Valentino Lacroix-Gaultier, c'êst mêrvêilleux prout-prout". Juste avant la construction du notre, en 1839, François-Ernest retourna encore une fois en Albion afin de s'assurer que la mode n'aurait pas changé entre-temps (parce que vous savez ce que c'est les Brits et la mode), et une fois rassuré sur ce point, confia une étude de projet à l'architecte local "Edward Buckton Lamb". Ce dernier ayant refusé de se rendre dans un pays où à 17h l'on sert de la bière plutôt qu'une "nice cup o' tea", notre comte refourgua donc le projet à notre architecte autrichien, qui du reste étudia 2 ans sur l'île humide l'architecture Tudor romantico-gothique "Valentino Lacroix-Gaultier prout-prout".
Alors autant l'extérieur, bon, hein, copie d'originaux britanniques, couleur douteuse mais d'origine aussi, à l'instar des "Červený Hrádek u Sedlčan" ou des "Červená Lhota"... donc autant l'extérieur, que l'intérieur, c'est splendide. Et "František Arnošt" y mit le paquet, au point que la salle principale fut considérée en son temps comme la plus splendide du royaume (prout-prout). Considérons les choses dans l'ordre. Une fois passé le hall d'entrée en pierres brutes bien froides, nous arrivâmes dans la salle des chevaliers. Et là, paf, plein la vue du visiteur qu'il s'en prend dans ses mirettes. Coffrage en bois sculpté autour des murs, armures du XVII ème siècle, cheminée vénitienne (du XIII ème siècle j'ai ouï dire, mais sans certitude), bref, le visiteur est scié par la superfétation. Et de fabuleux, on passa au fantastique, dans la salle principale dite la salle dorée. L'entrée passe par une porte dont l'encadrement richement décoré de bois sculpté et de 2 colonnes massives a été prélevé au château "Hohenegg" (Autriche). Les murs sont recouverts de carreaux (plaquettes) en cuir de veau dorés à l'or fin 24 carats (XVII ème siècle, Belgique), comme le plafond (dorée à l'or fin 24 carats itou, mais du XVI ème siècle). L'âtre en marbre massif est une copie d'un âtre british, rien d'exceptionnel sinon son poids: 25 tonnes. Vous y verrez encore un piano-sans-plus du XIX ème, et une horloge rigolote du XVII ème siècle en forme d'aigle articulé qui fait coin-coin pouêt-pouêt et bat des ailes à chaque heure, comme le coq de l'horloge sur la place de la vieille ville de Prague. Selon la légende, il s'agirait d'un cadeau du Tsar de Russie à l'empereur Léopold 1er. Ce dernier l'aurait alors refourgué aux "z Harrachu" lorsqu'après 3 nuits blanches occasionnées par le stupide bestiau, il dut s'en défaire de façon diplomatique afin de ne pas offenser le ruskoff. Puis nous entrâmes dans la salle du petit-déjeuner (ah ouais?) dite "Mühlgrub" en référence à la marqueterie renaissance (de 1573) sur les murs et les plafonds importée du château de "Mühlgrub" (près de Linz, Autriche). Importées sont également les imposantes portes qui donnent dans le cabinet et le salon de Madame la comtesse (qui avait une pierre fine à la main), et dont la date 1572 est gravée dessus, les portes (imposantes). Pis d'autres salles, d'autres artefacts, d'autres lustres vénitiens, d'autres couillonneries "made in china" comme l'horloge dans la salle de billard qui sonne 24 mélodies différentes, une pour chaque heure du jour et de la nuit. Ou le réveil-canon que l'on chargeait de poudre (à canon), dont on remontait le ressort et réglait la minuterie, et qui au moment opportun allumait l'explosif à l'aide d'une pierre à feu sur le principe d'une arquebuse. J'te dis pas le réveil en douceur... Parmi les curiosités, la salle-à-bâfrer (sauf le p'tit-déj qui est dans la salle "Mühlgrub") qui contient une jolie chopine à vin de 1,5 litres. Tout invité des "z Harrachu" était invité à vider cul-sec le contenant de son contenu, et s'il y parvenait (cul-sec, 1,5 litres de vin), alors il pouvait à l'aide de sa bague de diamant graver son nom sur le verre afin que des imbéciles comme nous puissions apprécier l'exploit plusieurs siècles plus tard. Ouh ma chère, n'êst-ce pas mêrvêilleux prout-prout? Selon le guide, le verre comporterait 25 signatures plus ou moins lisibles (ben tiens), sans plus de précision, ni sur les signataires, ni sur leurs manières dans la suite du dîner. Pis y a les peintures de la bibliothèque. C'est dément. Une douzaine de peintures du XVIII ème siècle qui présentent des morphologies et des pathologies humaines. Ouah la tronche des bougres, le visage déformé par la chtouille léprosée, une horreur Thérèse. Curieusement, le guide n'avait pas la moindre idée de l'origine des tableaux: étude médicale, sujet d'enseignement, délire artistique? En 1866 le palais fut transformé par les Prussiens en lazaret lors de la guerre austro-prussienne. Heureusement, les "z Harrachu" les avaient entendus venir de loin (c'est gueulard un Prussien, tiens, écoutez-voir sur les pistes de ski dans les Alpes) aussi la famille eut le temps de planquer les richesses, puis les remettre en place une fois le calme revenu afin que vous puissiez les admirer aujourd'hui. Ces richesses sont donc de l'ameublement, des tableaux, de la céramique-verre-porcelaine, de la vaisselle en étain-faïence, des horloges-coucous-réveils-pendules, des armes-armures, de la décoration d'encadrement de portes-fenêtres, du luminaire de Venise et d'ailleurs, de la tapisserie, du sanitaire, des interrupteurs électriques fin XIX ème, des statues, des plantes exotiques (ah comtesse, si vous saviez ce que votre plante me fait), et tout un tas d'autres fourbis qui confèrent à la demeure une apparence de confort, de quiétude, et de tact dans la décoration.
Dans la famille des célébrités "z Harrachu", je voudrais Isabelle-Catherine (1601-1654, parfois Catherine-Isabelle), soeur de l'énergique cardinal "Arnošt Vojtěch z Harrachu" (en tableau dans la salle des chevaliers), qui eut l'honneur d'épouser (elle, pas le cardinal) en 1623 en seconde noce cette immonde fripouille d'Albrecht Venceslas Eusebius ("z Valdštejna", en tableau aussi dans la salle des chevaliers) dont elle hérita une partie de la fortune (le palais Waldstein "Valdštejnský palác" en particulier) après son assassina. Ensuite et toujours dans la même famille, je voudrais "Jan Nepomuk z Harrachu" (1828–1909), grand patriote, homme politique, supporter du renouveau national et pousseur de réalisations grandioses comme le Théâtre National, la cathédrale tri-saintale... un gars bien, contrairement à son petit fils et homonyme, mort en 1945 dans un camp de prisonniers parce que soldat de la "Wehrmacht", collaborateur et membre du parti nazi, griefs sur la base desquels ses domaines furent confisqués dans le cadre des décrets "Beneš". Du coup, le château est aujourd'hui propriété de l'état, malgré que le descendant "Ernst Harrach" (citoyen autrichien) ait vainement tenté de le récupérer lors des restitutions post révolutionnaires (requête jugée injustifiée par les instances judiciaires puisque les restitutions concernaient les confiscations iniques con-munistes, aucunement celles licites d'après-guerre).
Bon, pis comme chuis curieux, chuis aussi allé voir les dépendances, plus loin, hors des sentiers battus par les golfeurs. Avant s'y trouvait les étables, les écuries, les hangars à carrosse, les habitations des administrateurs du domaine, et accessoirement aussi le théâtre du château. J'te dis pas l'état aujourd'hui, forcément, ça appartient à l'état qui s'en fout. Et attends, y a des gens qui habitent là dedans. Véridique, il y a des sonnettes, et un gueux en bleu de travail en est sorti alors que je prenais des photos. Bon, allez derrière l'édifice, au sud, et appréciez le parcours de golf, la fantastique terrasse pour prendre des pastagas en plein été (ah et tiens, comtesse, votre balcon saille dangereusement) ainsi que la grosse armoirie des "z Harrachu" en plein milieu de la façade du palais. Pour l'anecdote, le blason se compose de 3 plumes d'autruche (Hongrie, forcément) symétriquement plantées dans un besant d'or, le tout sur fond rouge. La légende raconte qu'un ancêtre serait parti en croisade sur la terre sainte (vers le XIII ème siècle), puis mortellement blessé au combat, il serait tombé de son cheval et son casque orné de 3 plumes d'autruche aurait alors baigné dans une marre de sang. Bon, une autre moins héroïque de légende raconte qu'un ancêtre serait parti en beuverie sur la commune d'à côté (vers 18h), puis mortellement bourré au retour, il serait tombé sur son groin dans le poulailler et son corps orné de 3 plumes de poule aurait alors baigné dans la marre à cochons. Bon, j'vous laisse choisir, mais les 2 légendes tiennent debout (contrairement à l'ancêtre bourré).
Pis c'est tout. Je pense vous avoir tout dit. Donc en conclusion, si vous vous perdez dans le coin de "Hradec Králové", allez faire un tour au "palais du petit château fort prés de Nechanice". Maintenant si vous ne vous y perdez pas, alors n'y allez pas exprès, parce que ça ne vaut pas toute cette peine non plus (d'autant plus qu'on ne peut pas y photographier). Mais ne dite pas à ma chérie d'amour que j'ai écrit ça, vous lui feriez de la peine.