Les CV parlent. Quand un recruteur les a en face de lui, il prend en général le temps de les écouter avec plus ou moins de succès. Peut-être serait-il important de s’attarder sur ce qu’ils peuvent dire. Cela permettra de comprendre un peu les destins que connaissent les CV auprès des différentes structures et cela donnera du temps à gagner aux recruteurs. Les patrons des PME trouveront ici un outil de lecture des candidats et les candidats un outil pour améliorer leurs candidatures.
Les CV « Je sais tout, j’ai toutes les compétences ! »
C’est la gamme de CV la plus régulière. Il s’agit de CV qui laissent l’impression que le candidat sait tout, parfois sur tout. Ces CV sont en général très généraux. Ils couvrent plusieurs champs de compétences, beaucoup trop en général. Le candidat laisse l’impression d’avoir fait beaucoup de choses et veut tout mettre sur ce CV pour convaincre effectivement le recruteur qu’il a fait beaucoup de choses. Ce CV ne s’appuie pas sur des actions précises. Ou plutôt, il a du mal à rendre compte de manière précise d’une action spécifique. L’employeur qui y recherche par exemple une compétence en gestion de projets communautaire va se trouver en face des formules du style « gestion de projets communautaires » sans bien comprendre en quoi cela a concrètement consisté. Et il aura une série de formules du même genre sans que le CV précise ce qu’il y a comme contenu dans ces formules. Et lorsque certains candidats se hasardent à « donner des détails » de l’expérience très globalisante qu’ils ont présenté, on se retrouve avec des détails sophistiqués et vraiment inutiles. Le moindre « bonjour » sera capitalisée comme une « expertise en salutations matinales ». Le moindre projet rédigé (surtout quand il s’est s’agit d’une très mauvaise rédaction et que la candidat n’a pas conscience de son ignorance sera transformée en « compétence en rédaction de projets ». Le moindre séminaire inutile et beaucoup plus intéressant pour gaspiller de l’argent que pour autre chose sera transcrit sur le CV et si vous voulez (d’ailleurs même si vous ne voulez pas), avec les sujets du séminaire, le nombre de participants et le menu de la pause café ! Un recruteur de mes amis me confiait lors d’une rencontre dans son bureau à Paris qu’il ne comprenait pas ce besoin d’indiquer sur le CV toutes ces expériences de deux ou trois jours complètement insignifiantes et qu’il retrouvait chez beaucoup de dossiers de candidatures en provenance d’Afrique. Et je dois lui reconnaître que c’est en Afrique francophone que j’ai le plus observé ce phénomène.
Les CV « Je sais tout, j’ai toutes les compétences » en général passent très peu. Ils ne sont pas souvent lus parce que la plupart du temps, ils sont trop longs, trop confus et pleins de détails complètement sordides et inutiles.
Les propriétaires de ces CV sont malheureusement ceux qui comprennent le moins pourquoi ils ne sont pas recrutés. Ils sont aussi ceux qui crient le plus à l’injustice de la vie. Mais en réalité, ils sont aussi les plus dangereux parce que finalement, la chose que crie le plus leur CV est qu’ils ne sont pas dans des dispositions d’apprendre, d’évoluer puisqu’ils savent tout.
Les CV « Je viens de sortir de fac »
Ce qui caractérise ces CV, c’est leur puérilité. La plupart sont plutôt fantaisistes. Copiés sur des modèles sur Internet, ils mettent l’accent sur la forme du CV plutôt que sur son contenu. C’est un peu normal puisque les candidats qui les font n’ont souvent pas grand chose à proposer. On y retrouve tout de même des mentions parfois étranges. Comme son expérience de gardien de but au collège pour un poste d’analyste informaticien…Et l’expérience de président de club au lycée est revendiquée pour un poste de coordination de projet communautaire. Une dernière emphase de ces postes est le diplôme. Dans certains pays, il existe même des imprimés de CV qui répondent exactement à cette logique, parce que destinés aux étudiants.
Le problème avec ces CV est qu’on retrouve peu une mise en exergue du savoir-faire pratique quand bien même il existe. L’accessoire est tellement mis en avant que les vraies qualités du candidats disparaissent.
Les CV « je vous en supplie, si je n’ai pas ce boulot, je ne sais pas ce que je vais faire »
Ces CV se présentent très souvent sous la forme d’un copier-coller du profil de poste. Et quand il ne l’est pas, il tient quand même quelque chose de commun avec ceux qui le sont. Une lettre de motivation au ton particulièrement suppliant. C’est en général un contraste étrange entre un candidat qui veut absolument laisser l’impression qu’il est le candidat parfait et un candidat qui supplie pour qu’on le recrute. Le ton est souvent laudateur à l’endroit du recruteur alors que le CV lui-même a un ton très souvent insistant. C’est moi, c’est moi, prenez moi ! Il ne veut pas se laisser interroger. Il essaye de tout dire tel qu’il imagine que l’employeur veut écouter les choses. Si l’employeur demande par exemple deux pages et qu’il ne peut pas rentrer dans les deux pages (il diminuera jusqu’à la taille 8 la police des caractères (quand il a trop à dire) et augmentera jusqu’à la taille 16 (quand il n’a rien à dire). Les références seront parfois cherchées auprès d’employés même de la structure même s’ils ne sont capables de rien dire sur le candidat. Si jamais dans son parcours, il a rencontré une fois, l’entreprise ou la structure pour laquelle il postule, il est capable d’en faire l’évènement de l’année sur son CV. Ce CV racole sur tout et l’on sent bien qu’il est prêt à faire feu de tout bois pour gagner le poste. Le CV « je vous en supplie, si je n’ai pas ce boulot, je ne sais pas ce que je vais faire » est donc racoleur et plutôt ambigu. On y trouve souvent beaucoup d’informations fausses ou « arrangées » pour faire plaisir au recruteur.
Le CV « Je ne sais pas rédiger de CV »
Les CV « Je ne sais pas rédiger de CV » à la différence des autres qui se positionnent par rapport à une approche particulière (sur-dimensionner ses capacités, charmer par la puérilité ou racoler pour convaincre), ne se positionnent par rapport à rien du tout. Ils manquent complètent d’organisation et ne laissent aucune impression au recruteur. Ou plus, ils laissent l’impression que le candidat ne sait pas ce qu’il doit faire, ce qu’il doit mettre sur le CV. Les chronologies sont déformées. Les parties ne suivent aucune logique spécifique et les rubriques les moins importantes occupent beaucoup trop d’espace. A l’exemple des objectifs personnels qui sont allongés de façon kilométrique, de la description des compétences qui prend une moitié de page, de la liste de référence qui sont plus des CV des référents qu’autre chose. Parfois même un peu de fantaisie accompagne ces CV avec des photos style « maillot de bain à la plage », tenue super sexy modèle Beyonce, beau gosse aux grosses lunettes noires. L’alternance entre les détails et le général ne suit aucune logique, un peu comme si le candidat écrivait dès qu’une chose lui passe par la tête. C’est bien évidemment la majorité de ces CV que l’on laisse au tiroir et que les recrutent prient pour ne pas rencontrer.
Les CV « intéressants »
Il s’agit de CV bien organisés et précis. Le candidat présente très simplement son expérience et la lecture en est très simple. Dans beaucoup de cas, ces CV ne dépassent pas trois pages même pour les candidats ayant plusieurs années d’expériences. On va facilement d’un point à un autre sans se poser beaucoup de questions de compréhension. La description des expériences est très synthétique, mais facilement compréhensible. Le candidat n’entre pas dans les détails, mais il se fait comprendre. Il va droit au but et chaque partie du CV est très modérée. Seule la partie « expérience professionnelle » prend plus d’espace que les autres. Il connaitra par exemple 200 logiciels qu’il ne s’engagera pas à les citer tous, mais juste à mentionner ceux que l’appel à candidature a dit vouloir voir, parfois juste deux ou trois sur moins d’une ligne. Il n’essayera pas de faire rentrer toute sa vie dans le CV. Le candidat en général procède à des choix stratégiques pour ne faire ressortir que l’essentiel qui est intéressant pour un poste spécifique. Il n’encombre pas le recruteur de trop d’informations.
En général, si le candidat a un bon profil, il pourrait être moins compétent que d’autres, il sera plus intéressant. C’est aussi dans ce lot que l’on retrouve le plus de candidats sans problèmes, qui une fois recrutés s’attachent à leur boulot en apportant le moins de problèmes possibles à la structure. C’est dans ce lot que se retrouve la majorité des CV qui passent aux étapes d’entretiens et de recrutement.
Les CV « wouah ! Il me le faut ! »
Il s’agit en général de CV de personnes ayant déjà des expériences SPECIFIQUES ET PERTINENTES dans le domaine précis dans lequel le recruteur recrute. Ou alors de CV de candidats s’étant illustré ou s’étant fait un nom grâce par exemple aux méthodes décrites dans cet article. La première caractéristiques de ces CV est qu’ils sont intéressants. Mais ensuite, ils se démarquent des autres par la qualité de l’expérience ou des références. Parfois d’une seule page et rarement au delà de 03 pages (sauf quand ils sont remplis sous des modèles imposés par les structures qui recrutent), ils sont d’une clarté extraordinaire. J’ai rencontré de tels CV (je n’étais pas le recruteur, je l’avoue). Mais ils sont simplement éblouissants de précision, de qualité et de profondeur.
Dans tous ces groupes de CV, la vérité est qu’on peut retrouver des candidats véritablement adaptés. Mais ils ne savent pas simplement le dire. En fin de compte, rédiger un CV, ca s’apprend. Quand le recrutement coince, il ne faut pas hésiter à s’interroger et à demander de l’aide de la part des aînés qui dans le même secteur, ne manquent jamais d’emplois. Peut-être que le CV est entrain de crier quelque chose qui hors de votre maitrise.