Une de mes plus grandes difficultés comme intervenant dans les organisations en Afrique a toujours été la représentation de l’employeur par l’employé et celle de l’employé par l’employeur. Dans cette relation que je trouve unique et extraordinaire, mon constat est que l’alchimie est incomplète…Et je n’arrive pas à me satisfaire des éclairages que j’ai lu et parcouru jusqu’ici. Je lance donc cette série sur ces relations et les peurs qui les encadrent, donnant inéluctablement le destin que nous connaissons de plusieurs de ces organisations.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais commencer par élaguer le discours qui concerne ce post. De quoi parlons nous ? Ce sera l’objet de cette première partie qui est essentiellement théorique.
Tout le monde sait qu’une organisation est avant tout un groupe…c’est à dire un ensemble d’individus mis ensemble autour d’un objectif ET dans un contexte précis. Les psychologues et les sociologues disent qu’une organisation est un groupe secondaire…Laissons les à leurs savants mots. Et disons de notre côté qu’une organisation n’est pas un simple groupe comme ce qu’on peut observer quand on voit des amis jouer au football ou des filles marcher ensemble et se raconter les dernières bêtises des garçons. L’organisation se caractérise par un caractère solennel, institutionnel autour d’une vision et d’un ENSEMBLE de ressources qui s’orientent vers cette vision. De ce point de vue les individus dans l’organisation sont une ressource, c’est à dire une composante alors que dans le groupe simple, elles sont ce qui fait qu’un groupe est un groupe. Dans une organisation, les individus sont quelque chose de fondamental, mais ils sont avant tout quelque chose…dans un groupe..ils ne sont pas quelque chose…ils sont TOUT ce qui fait le groupe. Et pour parler comme les Husserliens, dans un groupe les individus sont l’essentiel alors que dans une organisation ils sont un phénomène.
Avant de recevoir quelques bombes atomiques pour ce postulat, je vais continuer en précisant que la réalité de la question des individus dans une organsiation a des formes qui sont différentes en fonction de la taille et du type d’organisations. Dans une grosse entreprise par exemple, disons avec une cinquantaine de personnes ou une centaine de personnes, on n’a pas le même type de configuration qu’avec une organisation d’une vingtaine de personnes.
Un milliard de théories et d’écrits au moins existent sur les grosses organisations. Mais en Afrique, le secteur entrepreneurial émergeant est surtout fait de toutes petites entreprises, entre 01 et 20 individus. C’est donc de cela dont nous allons parler.
Dans une une grande organisation, il existe au moins trois types de niveaux où se placent les individus. Nous allons les appeler par souci de compréhension les niveaux d’appartenance individuelle : les patrons au sommet, les cadres, et les autres…Parfois, on a même plusieurs niveaux intermédiaires (les cadres, les experts, etc.). Dans les petites organisations, le niveau intermédiaire, celui des cadres ou des experts est très souvent peu sensible. Nous avons donc globalement les patrons et les autres.
Dans une grande organisation, les niveaux d’appartenance individuelle sont perçus en rapport avec les fonctions de l’organisation. Celles-ci varient d’une organisation à une autre même si on peut trouver des points convergents. Dans les petites organisations, la perspective et la représentation des niveaux d’appartenance individuelle ont tendance à se simplifier autour de deux concepts : l’employeur et l’employé. Il y a un sommet qui est identifié immédiatement comme employeur et un niveau en dessous qui est identifié immédiatement comme employé.
Si vous entrez dans une grande entreprise, vous devrez faire beaucoup de chemin avant d’arriver à un univers de perception et d’expression psychologique et institutionnel fait d’employeurs et d’employés. Dans une petite organisation, dès le seuil de la porte, vous aurez l’employeur et l’employé. Je serais malhonnête de ne pas dire que des exceptions existent et peu objectif de ne pas préciser que ceci est surtout vrai en contexte africain.
Pour en revenir donc à la compréhension ddu facteur humain dans les organisations africaines, il faut dire que pour les petites organisations, la composante humaine est surtout constituée autour d’une cristallisation psychologique sur l’employeur et l’employé.
En fondant la composante humaine sur le dualisme simpliste employeur/employé, les petites organisations africaines donnent une autre perspective d’analyse aux organisations. Une perspective qui ne mérite pas d’être évacuée avec la première étude sur Daimler, Peugeot, Bell, Ecobank, MTN ou autres organisations dont la structuration psychologique est radicalement différente.
Nous entrerons dans des analyses plus pratiques dès la deuxième partie de cette réflexion.