Récapitulons les récentes nouvelles sur le front de la dette publique en Europe :
* le malade grec se porte encore plus mal depuis qu'on lui a prescrit un plan de rigueur il y a 1 an. Le rendement de ses titres de dette atteint 15 % par an sur dix ans, 23 % sur deux ans ! Il est vrai que malgré toutes les mesures d'austérité prises depuis quelques mois, le déficit public de la Grèce a atteint 10,5 % du PIB en 2010, soit plus que les 9,4 % attendus, et la dette 142,8 % du PIB... Et comme à l'accoutumée, les agences de notation ont joué leur rôle de croque-mort, l'agence de notation Standard & Poor's abaissant de B à BB- la note souveraine de la Grèce. Celle-ci se retrouve donc aujourd'hui au même niveau de risque financier que l'Argentine ou la République dominicaine...
* toujours au sujet du malade grec, les 110 milliards d'euros de prêts n'ayant pas suffi à calmer les tensions sur le marché de sa dette - la Grèce ne pouvant raisonnablement pas emprunter sur les marchés dans les conditions rappelées plus haut -, la pays bénéficiera d'environ 50 ou 60 milliards d'euros d'aide supplémentaire. Le tout, en échange d'un énième plan de rigueur qui comportera des suppressions de postes de fonctionnaires, des hausses d'impôts, etc. Mais heureusement, la BCE veille au grain et s'oppose catégoriquement à une restructuration de la dette grecque qui pourrait faire perdre un seul euro aux gentils investisseurs privés qui se sont gavés de titres grecs à hauts rendements. Et si certains pensaient encore que la troïka aide la Grèce au nom de la solidarité, je leur rappellerai juste que Standard and Poor's a dégradé vendredi la note de la dette à long terme du groupe Crédit agricole, en raison précisément de son exposition en Grèce...
* Lundi 23 mai, l'agence de notation Fitch a fait trembler la Belgique en abaissant non pas la note de sa dette mais sa perspective de "stable" à "négative", en raison essentiellement de la difficulté de la Belgique à parvenir à équilibrer ses comptes publics au regard de sa situation politique. Tout est dans la subtilité des mots, comme pour l'Italie à qui elle a réservé le même sort au nom des "faibles possibilités de croissance...
* Mario Draghi, l'actuel gouverneur de la banque centrale d'Italie et ancien banquier d'affaires chez Goldman Sachs (décidément on en revient toujours aux mêmes dans ce monde), est quasiment assuré de prendre la succession de Jean-Claude Trichet depuis qu'Angela Merkel l'a adoubé. Au vu du profil du personnage et de ses déclarations, on peut s'attendre à une ligne dure à la BCE exclusivement orientée vers la lutte contre l'inflation... au détriment de la lutte contre le chômage !
Le constat est sans appel : les plans de rigueur imposés partout en Europe ont tué tout espoir de reprise économique et empêché le chômage de baisser durablement ! Mais ce constat n'entame absolument pas la motivation idéologique du FMI, de l'UE et de la BCE, qui n'hésitent pas à prescrire une dose encore plus forte d'austérité. A tel point que Paul Krugman, prix Nobel d'économie, cite désormais l'Europe en exemple pour expliquer à ses concitoyens américains que les plans de rigueur constituent une politique économique inefficace et mortifère !
Et les choses ne sont pas prêtes d'évoluer dans le bon sens, car on apprend que Christine Lagarde sera candidate à la succession de Dominique Strauss-Kahn à la tête du FMI. Et si pour une fois on y envoyait un ministre d'un grand pays émergent ? Cachez cette révolution du système que les économies développées ne sauraient voir me répondront les dirigeants de l'Union européenne...
Pour finir, la chaîne locale TV8 vient de mettre en ligne le petit reportage que son journaliste avait réalisé au sujet de ma conférence-dédicace sur les plans de rigueur. Cette vidéo, disponible pendant quelques jours seulement, est visible en cliquant sur la photo ci-dessous (le reportage s'intitule "un économiste révolté", on se demande pourquoi ?) :