Lufthansa se retire d’Italie sur le pointe des pieds
C’est une cuisante leçon pour tout le monde et pas uniquement pour le Ťgroupeť allemand : Lufthansa Italia ferme boutique, sur un constat d’échec, trois ans ŕ peine aprčs s’ętre mise en place. Il apparaît que l’idée était tout ŕ la fois sympathique et vouée ŕ l’échec, d’autant qu’elle tablait secrčtement sur la fin annoncée d’Alitalia. Un scénario qui s’est révélé bancal, la compagnie nationale italienne ayant survécu ŕ sa descente aux enfers, en partie grâce ŕ Air France. Restructurée, assainie, elle connaît un nouveau départ.
Arrivée aux limites d’une politique de croissance externe qui semblait tenir de la fuite en avant, Lufthansa se voyait non seulement numéro 1 européen (elle l’est devenue) mais aussi en mesure de tisser une toile serrée de filiales devant lui permettre d’installer durablement sa suprématie. Mais, en Italie, elle s’est incontestablement trompée, dans la mesure oů elle a non seulement sous-estimé les capacités ŕ rebondir d’Alitalia mais aussi le grand dynamisme commercial d’EasyJet. Cette derničre a elle aussi beaucoup investi en Italie, mais cela en offrant une grille tarifaire autrement séduisante. Lufthansa Italia présentait des tarifs ŕ 100 ou 129 euros comme de solides opportunités alors que la clientčle trouvait moins cher sous pavillon britannique.
Dans le męme temps, les stratčges allemands ont négligé des facteurs culturels. Ils ont cru que la réputation de grande qualité du produit Lufthansa serait un gage de succčs, ce qui n’était pas suffisant. La rigueur germanique sied mal aux exigences latines.
Cet échec montre également les limites de la déréglementation aérienne intra-européenne. La notion de libre établissement ŕ travers l’Europe des Vingt-Sept est une réalité réglementaire mais elle ne permet pas tout, les passagers, au-delŕ de la recherche des tarifs les plus bas, ayant des exigences bien réelles. Ils n’attendent pas une quelconque qualité de service en vol mais apprécient néanmoins d’ętre accueillis dans leur langue. Si EasyJet était vraiment capable d’ętre francophone, sans doute gagnerait-elle de nouvelles parts de marché sur le réseau intérieur français.
Les spécialistes constatent par ailleurs que Lufthansa ne joue pas tout ŕ fait franc jeu. Son implantation dans la Péninsule est un échec mais elle évite soigneusement de le reconnaître, préférant évoquer un réaménagement (Ťreshapingť) qui consiste ŕ passer le flambeau ŕ la discrčte compagnie régionale Air Dolomiti, petite filiale transalpine qui exploite des ATR 72 et Embraer E-195. Lufthansa Italia, pour sa part, disposait de huit Airbus A319 qui seront réintégrés dans la flotte de la maison-mčre ou d’autres filiales, fin octobre.
Commentaire minimal formulé ŕ Francfort : il est difficile de créer un réseau européen profitable sous une marque distincte. Une remarque qui n’est pas fondée dans la mesure oů le montage germano-italien était entičrement basé sur l’image d’excellence de Lufthansa et la partie se termine par un échec et mat. Il y a bien eu erreur d’appréciation, ce qui n’avait pas été le cas, par exemple en Belgique. Brussels Airlines est passée sous pavillon allemand mais c’est ŕ peine si la clientčle s’en rend compte, la transition ayant été menée en douceur et avec une grande prudence.
On attend ŕ présent l’inévitable commentaire sarcastique de Michael O’Leary. Le patron de Ryanair prend un malin plaisir ŕ tenir ŕ jour une liste des échecs enregistrés par le transport aérien européen et plus particuličrement sur le marché des low cost. C’est sans doute avec délectation qu’il ajoutera Lufthansa Italia ŕ ce tableau d’honneur.
Pierre Sparaco-AeroMorning
(1) Echec et mat