LE CHAT BOTTÉ
Dans un ancien temps,
A l’heure de sa mort,
Après avoir récité le confiteor,
Un meunier légua à ses enfants :
Le moulin
A Célestin,
L’âne
A Diane
Et son chaton
A Anton.
Ce dernier se dit :
« Les deux ainés
Pourront gagner
Leur vie.
Mais moi,
Anton, une fois
Le chat mangé,
Ma vie sera abrégée
Pour de bon ! »
Alors, le chat lui répond
Du tac au tac
«Mon maître, vous m’êtes agréable.
Donnez-moi un cordon, un sac
Et des bottes imperméables.
Vous allez voir la scène !
Je vais dans la garenne
Là-bas, y a pleins d’lapins.
J’vas en attraper un. »
Chat Botté met une carotte
Dans son piège et clac
Un lapin passe, rentre dans le sac
…Et grignote.
Tout à trac
Le chat chasseur
Tire sur le lacs
Pour le fermer
Et piéger le rongeur
Trop gourmet.
Tout fier, Chat Botté débarque
Au château du monarque.
Il lui fait grande révérence
Et dit : « Excellence,
Voici un lapin exquis
Que monsieur le marquis
De Carabas, mon maître,
M’a chargé de vous remettre. »
-« Tu le salueras
Et le remercieras. »
Le jour suivant, d’emblée,
Chat Botté pose le sac
Empli de grains de blé
Au milieu d’un champ. Clac !
Le mistigri
Prend deux perdrix.
Et va les apporter au roi.
Sachant qu’à chaque fois,
Il va recevoir
Un bon pourboire,
Le Chat assez vénal
Livrera au palais royal
Tous les gibiers qu’il a pris.
Un soir il apprit
Que le roi et sa fille allaient
Le lendemain se promener sur l’allée
Qui longea la rivière.
Aussitôt notre compère,
Ce chat profiteur et manipulateur
S’en va encourager
Son maître : «Allez nager
Demain à l’heure
Et à l’endroit magnifique
Que je vous indique.
Votre fortune sera faite
Et nous ferons la fête ! »
Cet ordre parait inouï
Au marquis, mais il obéit
Et sans rechigner
Accepte d’aller se baigner.
Le lendemain, à une minute près,
Le marquis est en place, fin prêt.
Passent alors en grand arroi
La princesse et le roi.
Alors, le Chat très efficace
Hurla : « Regardez, c’est Carabas.
…Au secours ! Il se noie ! »
Reconnaissant Chat Botté, le roi
Ordonna à ses gens :
-« Allez vite, c’est urgent !
Sauvez cet homme du courant. »
Alors, le Chat accourant
Auprès du roi, lui dit:
« Sire, des bandits
Viennent subrepticement
De voler les vêtements
De mon maître ! »
En fait,
Le chat venait
De les faire disparaître
En les cachant dans un boqueteau.
Le roi ordonna aussitôt
D’aller quérir un bel habit
Pour monsieur le marquis.
La fille du roi trouva
Le sieur de Carabas
Fort à son goût :
Il était beau, doux,
Bien fait. En un mot : rare.
De son côté,
Carabas lui avait jeté
Des regards
Si respectueux,
Et si affectueux
Qu’elle en devint immédiatement.
Amoureuse. Le roi, lui aussi conquis,
Pria donc le marquis
De venir discuter
En ses appartements.
Plus tard, Chat botté
Voyant un paysan qui fauchait
Lui dit : « Si le roi s’approchait
Et te demandait à qui
Est cette propriété,
Réponds-lui : au marquis,
Majesté. »
C’était bien deviné
La tête couronnée
Longeait ce pré
Peu de temps après
Et félicita Carabas :
-«Vous avez là
Un bien bel héritage. »
-«Sire, cette terre a l’avantage
De rapporter abondamment
Tous les ans.»
Ensuite, Chat Botté
Rencontra des moissonneurs :
-« Si vous n’allez pas avec célérité
Dire au roi, vous le voyez là-bas,
Que cette étendue de verdeur
Appartient à Carabas,
J’en serais vraiment très fâché
Et vous serez hachés
Par mes hommes
Comme
Chair de pâté. »
Par un curieux hasard, Sa Majesté
Avait justement porté
Ses pas
Vers cette terre,
Après avoir traversé la futaie.
Et il demanda quel en était
L’heureux propriétaire.
-« C’est le marquis de Carabas. ».
Alors le chat qui précédait l’équipage
Du monarque tenait toujours le même langage
A ceux qu’il croisait.
Et le roi se plaisait
De nouveau à féliciter
Carabas. Enfin, Chat Botté
S’approcha d’un superbe château
Bordé d’une grande pièce d’eau,
Propriété d’un ogre fort aisé
Et magicien à ses heures.
Les terres que le roi avait traversées
Tout à l’heure
Dépendaient aussi de ce château.
Chat botté, aussitôt
Demanda à être reçu
Par cet ogre-magicien et si cossu.
-« On m’a dit, est-ce faux,
Que vous savez sans bouger
Vous changer
En toutes sortes d’animaux,
En lion, en éléphant… ?»
L’air triomphant,
L’ogre répondit: « C’est vrai.
En voici la justification,
Regardez-moi de près :
Ne suis-je pas devenu un lion ? »
-« Avez-vous le pouvoir aussi
De vous transformer ainsi
En petits animaux : souris, rats… ?
Personne ne le croira !
C’est impossible ! »
L’ogre reprit : « Impossible ?
Voici : je me change en souris. »
Chat Botté sourit,
Se jette en un temps record
Sur la bestiole grise…Et la dévore !
Sur ces entrefaites,
Le roi arrivait en tête
De son cortège
Le chat, fin stratège,
Lui parla avec feinte politesse :
« Que votre Altesse
Nous fasse la grâce
D’entrer chez le sieur de Carabas. »
Le roi entra,
La princesse à son bras.
En leur honneur,
Fut servi à treize heures
Un repas très copieux
Et vraiment délicieux.
De ce déjeuner exquis,
Offert par le marquis,
Le roi sortit enchanté.
Comme il avait été aussi épaté
Par toutes les propriétés
Et les qualités
De Car abas, il lui proposa
Sans plus attendre,
De devenir son gendre.
Carabas accepta.
Le chat devint grand notable.
Mais il ne fut jamais plus capable
De courir après les souris
Ou de manger des rats même petits !