Véritable tour de force visuelle et scénique, cet Artist que voulait Michel Hazanavicius sera sans doute l’un des succès de fin d’année. Porté par un Dujardin étincelant, jouant comme un gamin dans une basse cour, ce film muet véritable hommage au cinéma d’hier et d’aujourd’hui, aura marqué Cannes 2011, jusqu’à en repartir avec la plus logique récompense, le prix d’interprétation pour notre Jean Dujardin national.
Hollywood, 1927. Georges Valentin est au sommet de la gloire, surfant sur le box office d’alors comme jamais. La découverte du cinéma parlant allant de paire avec une nouvelle génération d’acteurs, il croise sur son chemin la jeune Peppy Miller, enfant du cinéma en plein ascension, sans s’apercevoir qu’à défaut de changer, il sombrera dans les méandres de l’oubli. Histoire d’amour, et histoire de cinéma, comment ne pas rencontrer le public? Après deux OSS 117 jouissifs d’un bout à l’autre, Michel (le réalisateur) ne souhaitait visiblement pas remettre le couvert de suite, et a réussi à embarquer Thomas Langmann, le dernier nabab, pour un pari osé. Mais l’est il vraiment? Un film en noir et blanc, muet, face aux hordes de 3D et du numérique? On croirait presque David contre Goliath. Et pourtant, loin de vouloir débarquer sur les plages du cinéma d’auteur extrême, Michel blinde son récit.
De Dujardin d’abord, acteur populaire, jovial et talentueux, dont on sait que sa carrière est déjà bien fournie, et ne demande qu’à exploser au-delà de nos frontières (dans cette semaine post Cannes, on sait qu’il en a la possibilité dorénavant). D’une Bérénice Bejo, fragile comme un cœur, et d’une série de seconds rôles savamment choisis parmi l’élite des acteurs du vrai Hollywood, celui d’un certain cinéma, les frères Coen (John Goodman), le multitouche James Cromwell ou Malcolm McDowell en vrai clin d’oeil. Bref, tout est là pour supporter l’oeuvre souhaitée. Et Hazanavicius y apporte toute l’attention nécessaire, preuve s’il en est besoin qu’il sait y faire. Le film fourmille de détails, forcément visuel pour la plupart, et chaque détail enrichit le film. Difficile de tout détailler, dans cette reconstitution parfaite de l’époque, où seul le charme de ce temps ne saura rejaillir pleinement. Il suffit de suivre ce brave George Valentin dans sa quête pour rattraper son époque pour s’en convaincre ; l’émotion est là.
Porté par une musique omniprésente, intelligente elle-aussi, The Artist redonne des couleurs au cinéma français, qui sait quelquefois sortir de vrais pépites de son antre. Muet et donc accessible au plus grand nombre, voilà un film du XXIe, aussi bien plaisant pour les cinéphiles acharnés que pour le grand public, un poil désarçonné au départ. Dujardin, à l’aise dans son costume, livre une prestation qu’il faut reconnaitre exemplaire, et jusqu’à la fin chaque artiste présent devant et derrière la caméra aura su nous apporter l’ultime souffle de comédie. Que du bonheur, donc.