Phang - Sterckeman © Futuropolis - 2011
Louis est un petit garçon solitaire. Pas d’amis, pas de frère ni de sœur, il vit seul avec sa mère. Son père ? Il ne sait rien de lui alors il l’imagine et lui donne le visage de ses idoles. Sa mère est infirmière, généralement absente à la maison en raison de ses horaires de travail.
Un jour, elle se rend compte de l’isolement de son fils et décide de lui offrir un compagnon du quotidien. Elle lui achète un canari, l’oiseau meurt rapidement mais un lien fort avait déjà commencé à se tisser entre l’enfant et l’oiseau. Louis fait croire qu’il a enterré l’animal alors qu’il garde en secret son cadavre. Il le sort quand il est seul dans la maison et lui parle. L’oiseau est omniprésent dans sa solitude et dans ses rêves, il rempli ce vide laissé par ce père absent. Qui est-il ? Où vit-il ? Pourquoi n’est-il pas en France avec eux ?
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Tout d’abord, je tiens à remercier les Éditions Futuropolis pour cette découverte.
Découverte de deux auteurs pour commencer qui ont ici fait le choix d’un récit intimiste pour raconter cette tranche de vie. On remarquera rapidement la similitude entre le prénom de la scénariste, Loo Hui, et le prénom de l’enfant. D’ailleurs, elle explique en préface que ce récit contient des éléments biographiques. Elle dédie ce livres à ses proches qu’elle n’a jamais connu et qui sont morts suite au génocide cambodgien.
D’une manière abrupte et inattendue, mon père m’apprit que son frère cadet et trois de ses sœurs, ainsi que leurs familles, comptaient parmi les victimes de la tragédie cambodgienne. En quelques minutes, j’ai vu surgir puis disparaitre une partie de ma famille. Ces morts n’avaient jamais été un tabou. Mon père ne les évoquait pas parce que je ne posais pas les bonnes questions. (…) Mes oncles, mes tantes, mes cousins sont morts sans sépulture, enterrés sans cérémonie. Ce livre est pour eux.
Cet ouvrage est un bel objet. Du visuel de couverture incitatif et intriguant, au titre parfumé de nostalgie et la vision de cet enfant, enfin, lové sur un immense oiseau. De même, j’ai pris plaisir à toucher le papier de cet album, un Munken Pur 130g. doux, mat et agréable qui met en valeur les dessins de Michaël Sterckeman. Le trait est minimaliste, parfois grossier, assez lisse en apparence. Totalement au service du scénario, j’en ai réellement apprécié la discrétion, l’émotion et la pudeur qu’il dégage.
Quant aux mots de Loo Hui Phang, ils ont une portée impressionnante. A plusieurs reprises, j’ai eu peur que le récit ne devienne morbide et pathétique, mais la souffrance de cet enfant face à l’inconnu est sincère et formulée avec justesse. Un enfant en quête de lui-même, à la recherche de ses origines. Il est démuni face à la souffrance de sa mère qui pleure lorsqu’il la questionne sur son père. Elle élude, elle évite… elle fuit les réponses qu’elle doit lui donner. Pourquoi ? L’intrigue est ménagée et il faudra attendre le second tome de ce diptyque pour avoir les clés de compréhension. Un récit qui donne lieu à de nombreux monologues de Louis dans lesquels l’oiseau est son unique interlocuteur et des scènes de dialogues montrent l’enfant fuyant face à l’Autre mais, peu à peu, Louis va changer.
Je préfère être seul. En groupe, je me sens stupide.
Un petit garçon touchant qui ne se connait pas et ne se reconnait pas dans l’autre. Une narration qui oscille en permanence entre le monde onirique de Louis et sa réalité qui le dépasse.
Je partage cette lecture avec Mango et les participants aux
Touchée par cet album. Le ton est juste, le témoignage sincère, l’auteure se dévoile avec pudeur et crée un personnage-enfant très présent, mature. Une suite de diptyque que j’attends déjà…
Les premières planches sur Digibidi.
Extraits :
« Tu n’es pas obligé de me croire, mais je suis le premier de la classe. Maman n’a pas à se plaindre de moi. Avoir de bonnes notes, c’est comme être absent. On ne fait pas d’histoires. On est sage et silencieux. Il n’y a rien à ajouter » (Cent mille journées de prières).
« - Je sais, c’est pas terrible. Mais quand j’invente l’histoire de papa, j’ai l’impression de mieux le connaitre.
- Ça reste de l’invention.
- Les souvenirs et l’imagination, ça devient la même chose.
- Quand je n’ai plus de graines et que je m’imagine en train d’en manger, ça ne résout rien. J’ai toujours aussi faim (Cent mille journées de prières).
Cent mille journées de prières
Livre premier
Diptyque en cours
Éditeur : Futuropolis
Dessinateur : Michaël STERCKEMAN
Scénariste : Loo Hui PHANG
Dépôt légal : mai 2011
Bulles bulles bulles…
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