A ma droite, nous avons donc les Graystone, père, mère et fille, dont le patriarche Daniel (le bien trop rare Eric Stoltz), sorte de croisement entre Bill Gates et Mark Zuckerberg, a fait fortune en inventant de l’holoband, un monde virtuel faisant fureur auprès de la jeunesse branchée. Sa femme Amanda (Paula Malcomson) est quant à elle une chirurgienne plastique de renom. Quant à leur fille de 16 ans Zoe (Alessandra Torresani), si elle a pris de son père le génie informatique (elle a créé un avatar parfait et autonome d’elle-même dans le monde virtuel), elle a néanmoins pris ses distances avec celui-ci en rejoignant en secret une confrérie vénérant un dieu unique. A ma gauche, nous avons les Adams, ou plutôt les Adama, nom qui n’est pas inconnu aux fans de Battlestar Galactica. Joseph Adama (Esai Morales), avocat de renom, est en effet le père du futur général Bill Adama, qui prendra la tête des survivants humains dans Battlestar Galactica. Les destins de ces deux familles seront intrinsèquement liés lorsqu’un attentat à la bombe dans le métro aérien tuera Zoe ainsi que la femme et la fille d’Adama. Un drame qui poussera Daniel Graystone, avec l’aide d’Adama, à créer un corps cybernétique capable d’héberger la réplique virtuelle de sa fille : le tout premier Cylon.
Dès les premières minutes, Caprica se démarque totalement de son ainée. Finit les plongées dans l’espace infinie et les batailles spatiales, finis les décors d’intérieur de vaisseaux. Ici, tout se passe sur une planète ressemblant grandement à la nôtre, malgré quelques détails futuristes (l’holoband, les Cylons). Le rythme de la série est différent, les personnages principaux plus nombreux, et la narration beaucoup plus éclatée. Mais là où Caprica ressemble clairement à Battlestar Galactica, c’est dans son ampleur, tant visuelle que scénaristique, dans le développement de personnages attachants et intéressants, ainsi que dans ses thématiques passionnantes, reflet de notre société. Le pilote de la série est à cet égard une réussite hallucinante, exposant avec une fluidité exemplaire les enjeux du show, tout en demeurant excitant dans ses révélations (les fans de Battlestar Galactica seront aux anges) et ses rebondissements (le tragique attentat dans le métro, qui prend tout le monde de court). Un premier épisode tout simplement parfait qui laisse augurer du meilleur pour la suite.
Et la suite ne déçoit pas, bien au contraire, Caprica se révélant encore plus recherchée visuellement et thématiquement que sa grande sœur. Les créateurs du show se sont clairement fait plaisir, s’amusant à explorer différent genres cinématographiques: la science-fiction (les scènes impliquant les Cylons, le côté Matrix de l’intrigue dans le monde virtuel dans lequel Zoe Graystone et Tamara Adama deviennent des Elus invincibles), la saga mafieuse (dans les relations entre la famille Adama et la mafia de la planète Tauron dont ils sont originaires), le thriller financier, le film d’espionnage, etc. Un savoureux mélange qui aurait pu s’avérer vite indigeste, mais passe au contraire parfaitement. De même, à l’instar de Battlestar Galactica, Caprica développe de nombreux personnages complexes et interprétés avec conviction par des acteurs excellents. Mention spéciale à la jeune Alessandra Torresani qui malgré son jeune âge possède déjà un charisme phénoménal. Enfin, Caprica ne serait pas vraiment une série de Ronald D. Moore sans des thématiques fouillées. Et encore une fois, il est difficile de faire la fine bouche devant une série brassant autant de concepts et thématiques, que ce soit religieux (les scénaristes s’attaquent directement au problème du terrorisme religieux), scientifiques (le monde virtuel, la robotique), ou philosophiques (la dépendance au monde virtuel, la question de la spécificité de l’âme humaine)…
Malheureusement, malgré la grande réussite artistique que constitue cette série, les audiences n’auront pas été suffisantes pour la chaîne Syfy, qui a décidé d’annuler celle-ci au terme de la première saison. Néanmoins, les fans seront un peu réconfortés d’apprendre que dans les dernières minutes de l’ultime épisode, les scénaristes ont eu la bonne idée de résumer en quelques images ce qu’aurait dû être la suite de la série. Une initiative certes un peu frustrante, mais dénotant un respect assez rare des fans pour être souligné. Espérons que la prochaine série dérivée de cet univers, Battlestar Galactica : Blood and Chrome, connaisse un destin moins funeste…
Note : 9/10