P (iii)

- Sur la fin du monde ! Mais vous n’y pensez pas ! Pourquoi célébrer la Destruction par la littérature alors que tant d’autres choses, beaucoup plus belles et sensibles peuvent l’être, sublimées par la parole d’un honnête écrivain ? Pourquoi céder à tant de laideur, à la fin de la beauté, alors que le monde a besoin de réconfort ? Pourquoi ne tentez vous pas d’être utile au monde quand vous écrivez ? N’avez-vous pas conscience qu’on pourrait vous lire et comprendre ce que vous dites ? Vouloir célébrer la fin de tout, c’est mettre une ceinture d’explosifs autour de chaque lecteur, c’est de l’irresponsabilité envers l’humanité toute entière !

Voyons, sérieusement, cessez de vous préoccuper de cela. Il y a bien d’autres univers à découvrir, de sentiments à décrire, à magnifier, louer, élever, pour que la tâche vous occupe pour toute une vie. Une vie de travail, n’est-ce pas là ce que tout le monde cherche ? Voyez donc l’avantage que cela représente, un plan de carrière, un plan d’écriture étalé sur toute une vie, diagrammes de progression, une idée à la fois, sans précipitation. Vous ne vous rendez pas compte de ce que cela représente pour nous ?

Si tous les écrivains pensaient et agissaient comme vous, où irait le monde ?

Quid novi hodie ? Nihil….

A sa propre perte, justement, et vous ne pouvez pas en parler. C’est impossible, personne ne vous laissera faire. Le délitement généralisé que vous tentez de faire percevoir dans ce minable gribouillis que vous appelez roman n’est qu’une vue de l’esprit qui encombre votre espace sensitif, qui vous donne l’illusion de l’art, de la création, alors qu’en fait vous n’êtes qu’un immonde poseur de bombes, un déstabilisateur public, un provocateur même.

N’avez-vous pas seulement honte de penser de telles choses ? N’avez-vous pas conscience de ce sentiment qui devrait vous tirailler quand vous essayez, par vos écrits, de tirer l’Homme vers le bas ? De lui nuire, d’aller contre son évolution, vers le progrès, vers le bonheur ? Il ne s’agit pas de sainteté, il ne s’agit pas de descente aux enfers progressive, annoncée par de multiples vecteurs historiques, sociologiques, économiques, culturels et métaphysiques. Cette avalanche de déterminatifs à elle seule montre l’inanité de votre questionnement. Et la réponse que vous y faites bien semblant d’apporter.

Non vraiment, nous ne pouvons l’accepter, nous ne vous laisserons pas faire.

Vous n’êtes pas prêt pour le monde cher monsieur. Non, vous en êtes très loin.

Ouvrez les yeux.