En lisant dernièrement Das Kapital de Viken Berberian, je songeais le plus souvent au Cendrillon d’Eric Reinhardt, dont j’ai déjà parlé et je commençais à percevoir les propriétés essentiellement romanesques de la macroéconomie. Dans un monde dont les lois ressemblent de plus en plus aux principes du marché (et cela dans une perspective parfaitement apolitique, entendons-nous bien), dans lequel il y a une interaction chimérique entre l’information et les cours quels qu’ils soient, il est évident que la littérature ne peut que s’approprier cet objet. Car c’est là le pouvoir, c’est là que l’homme peut exercer le plus facilement sa faiblesse.
Les deux auteurs prennent pour « héros » un analyste financier spécialiste des hedge funds, ces fonds spéculatifs à hauts risques qui sont d’ailleurs dans la tourmente de l’actualité. C’est là qu’est le pouvoir. C’est en maîtrisant le marché que l’on maîtrise le monde. C’est enmaîtrisant, en domptant l’information, que l’on peut maîtriser le marché. Il faut donc maîtriser l’information, faire l’information. La corrélation est tellement frappante qu’elle en devient surréelle. L’homme, depuis une cinquantaine d’année sait qu’il peut détruire l’humanité entière, prenant pour prétexte la guerre. Maintenant, un seul homme peut faire régresser l’humanité à l’âge de pierre, la forçant à contempler sa déchéance, sans qu’un seul coup de feu soit tiré, seulement en retirant une carte du château qu’il est en train de construire.
Assez naïvement peut-être, j’en conviens, je m’émerveille de telles possibilités. Ce sens de la responsabilité qui échappe à l’homme. C’est tout simplement vertigineux, et le vide, est le meilleur ami de l’homme.