Le CE d’EDF à nouveau épinglé par la cour des comptes

Publié le 24 mai 2011 par Copeau @Contrepoints

La cour des comptes a publié lundi son rapport sur les institutions sociales (IS) des entreprises de l’industrie électrique et gazière (IEG), organismes remplaçant les comités d’entreprise au sein de cette industrie dominée par EDF et GDF-Suez. Une fois de plus, ce bastion CGT parasitant le consommateur avec un prélèvement de 1% des factures d’électricité et de gaz, est épinglé pour de graves et fondamentales déficiences dans sa gestion : absence de contrôle interne, coûts absurdement élevés, gouvernance unilatérale, organigramme structurel prolifique, prestations fantômes, formations « citoyennes », dépenses croissantes, réformes lacunaires ou cacophoniques…  Malgré des revenus 2009 de 710 M€ essentiellement captés, un manque à gagner de 160 M€ pour le régime général de la sécurité sociale, et des dotations d’urgence (24 M€ en 2009), de lourds déficits s’accumulent : 32 M€ en 2009, 60 M€ en 2010.

UN STATUT EXORBITANT HÉRITÉ DE 1946

Les IEG sont principalement constituées d’EDF et de GDF-Suez. Les IS de l’IEG constituent un dispositif exorbitant aux plans des statuts, de la gouvernance et du financement, mis en place en 1946 via le statut social des salariés de l’IEG.

  • Au plan des statuts, les IS de l’IEG ne sont pas organisées en CE par entreprise mais en institutions globales à  l’IEG. Chapeautant diverses organisations régionales d’action sociale, l’organisme national en est la caisse centrale des activités sociales (CCAS), qui fournit chaque année 3 millions de nuitées et 6 millions de repas « méridiens ».
  • Au plan de la gouvernance, les employeurs n’ont pas de visibilité sur leur fonctionnement, l’État en pratique n’exerce pas son pouvoir statutaire, et seuls les partenaires sociaux de  branche, bastion de la CGT, gèrent ces organismes.
  • Au plan financier, elles bénéficient d’un prélèvement de 1% du chiffre d’affaires IEG, bien plus que le minimum de 0,2% de la masse salariale perçu par les comités d’entreprises ordinaires.

 UNE GESTION OPAQUE, LACUNAIRE, ARCHAÏQUE, ET DÉFICITAIRE

La cour des comptes avait formulé 34 recommandations en 2007. Elle constate qu’une seule d’entre elles a été pleinement mise en œuvre : l’alignement de l’exercice comptable sur l’année civile alors que 22 n’ont pas du tout été suivies, notamment en matière de transparence et de rationalisation sociétale. La cour constate également l’absence de contrôle interne efficient, condition préalable à l’établissement régulier aussi bien qu’à la mise en oeuvre des orientations stratégiques. Ainsi en 2009 les IS de l’IEG ont-elles un revenu de 710 M€, dont 470 M€ prélevés sur le chiffre d’affaires IEG en hausse de 100 M€ depuis quelques années en raison de l’évolution des prix des énergies fossiles. On peut imaginer que ce prélèvement croisse encore dans les prochaines années, étant donnée l’annonce de la hausse programmée des tarifs d’EDF pour assumer les charges financières de son activité nucléaire.

La caisse centrale d’action sociale (CCAS)

A elle seule la CCAS dispose en 2009 d’un revenu de 540 M€ : 342 M€ issus du prélèvement de 1%, 147 M€ de participation des bénéficies aux activités sociales et 73 M€ de captations diverses. Malgré cette manne exorbitante et des rallonges d’urgence (24 M€ en 2009), la CCAS accumule des déficits croissants : 13 M€ en 2007, 33 M€ en 2009, 60 M€ en 2010… La trésorerie de la CCAS a chuté vertigineusement : partant de 116 M€ en mars 2007, elle n’était plus que de 8 M€ fin 2009.

La CCAS connait une dérive de ses dépenses. Ses salariés ont vu leur nombre et leur rémunération croître sans raison apparente.

La CCAS est en outre devenue une véritable holding de centres de vacances, dont la plupart des SCI filles sont malades, et même mourantes pour certaines. De plus en plus mal entretenus, pas forcément adaptés à la demande, ceux-ci sont de plus en plus désertés par les salariés de l’IEG, au profit de vacances libres ou de vacances proposées par le CCAS en faisant appel à des prestataires extérieurs. La crise a sans doute aussi modéré les appétits des vacanciers. La CCAS achète néanmoins beaucoup et de plus en plus de « lits » de villégiature (26 M€ en 2005, 47 M€ en 2009) mais ceux-ci restent souvent vides (20% ne seraient jamais occupés) ce qui est d’autant plus fâcheux qu’ils ont été généralement achetés au prix fort, alors que ce types d’achat donne habituellement lieu à de substantielles négociations…

S’avèrent aussi douteusement utiles les opérations financières de rachats fermes ou conditionnels de sociétés liées à André Triganot, frère UDF du socialiste Gilbert Trigano, faisant de la CCAS l’étonnant opérateur de campings, fabrication de toiles de tentes, ou social tour operator boudé par les comités d’entreprises des autres secteurs de l’industrie. Or une partie de ces engagements se manifeste à l’issue de l’année 2009, alors que la trésorerie de la CCAS a vertigineusement fondu…

Les caisses régionales d’actions sociales

La réorganisation structurelle impulsée en 2007 s’est faite sans réduction des coûts au niveau local, le nouvel organigramme des IS de l’EIG s’avèrant même plus complexe en 2011 !

L’IFOREP

L’IFOREP, couteux institut de formation satellite de la CCAS aux formations financées mais « finalement non réalisées » et autres « factures sommaires » , a été contre la recommandation de la cour maintenue, alors que son activité de recherche est à présent nulle et son monopole de fait auprès de la CCAS supprimé. Le motif invoqué pour le maintien de cette coûteuse structure est qu’il dispenserait « non seulement une formation professionnelle, mais aussi une formation « citoyenne et humaine », sans équivalent chez les organismes de formation du marché. » S’agissant d’une telle formation entre les mains de la CGT, au sein d’un de ses bastions les plus durs et les plus lourds de chantage politique potentiel, on en a des sueurs froides. La cour des comptes, modestement, propose que cette formation résiduelle soit directement assumée par le CCAS, les formations professionnelles classiques pouvant être attribuées au marché concurrentiel.

La CAMIEG

Quant à la CAMIEG, créée pour regrouper les activités d’assurance maladie et les rapprocher de la CPAM des Hauts de Seine, son bilan est en demi teinte. Ce rapprochement a permis de réduire de façon spectaculaire les coûts de fonctionnement, ceux ci passant de 45 M€ à … 20 M€ ! Que n’a-t-on mis en oeuvre cette idée avant ! Cependant la transition est cacophonique, avec 500 000 réclamations, des mois de retard pour nombre de rembourssements, 10 000 retraités considérés comme actifs… Au passage, la transition révèle « l’insuffisance des pratiques antérieures : doublons, données d’identification et d’affiliation défaillantes. » Au final, le commissaire aux comptes refuse de certifier les comptes de la CAMIEG.

Au demeurant, la création de la CAMIEG n’a pas mis fin aux dérogations dont bénéficient les employeurs des IEG en matière de cotisations, ce qui entraîne un manque à gagner, pour la branche maladie du régime général, évalué par la Cour à 160 M€ environ pour 2009. Un dispositif analogue en matière de cotisations famille a entraîné un avantage injustifié pour les employeurs des IEG de plus de 50 M€ pour cette même année.

CONCLUSION

La cour des comptes ne cache pas sa déception devant l’inaction de chacun des acteurs : État, fédérations d’employeurs, organisations représentant les salariés.  Elle souligne les graves lacunes comptables, structurelles et stratégiques des institutions sociales de l’industrie électrique et gazière. Elle constate que les dépenses dérivent, le service aux usagers se dégrade et les déficits s’accumulent.

Peut-être ces dérives dans les dépenses ne sont-elles pas perdues pour tout le monde ? Les mauvaises langues diront qu’en ce moment le PCF connaît de gros problèmes financiers… De fait, la CCAS est empêtrée dans une suite de scandales financiers depuis 2004, qui ont déjà conduit à une dizaine de mises en examens.

Coté recettes, certains prévoient un doublement du prix des vacances proposées par le CCAS dans les années qui viennent… si les vacanciers en veulent toujours.

C’est dans ce contexte délétère que le 12 mai Jean-Pierre Crémona le directeur général de la CCAS a annoncé sa démission.