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chagrin d'amour

Publié le 24 mai 2011 par Dubruel

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   Dès le lycée, j’étais en fait,

Une manière de poète

Mais je ne publiais pas.

Après le bac français,

De nouveau, j’essayais.

Cela ne réussit pas.

J’avais écrit un volume de vers,

Sans en vendre un exemplaire.

Je commis ensuite une revue

Qui ne fut jamais lue.

Puis, je devins amoureux d’Eva.

Ma passion, je ne la conterai pas.

Elle avait les traits fins,

Les yeux bleus, le nez aquilin

Et des dents diamantines.

Cela eut fait une belle vitrine !

Nous fûmes bientôt mariés.

Que je fus romancier,

Elle n’avait cure.

Elle ne pensait qu’aux affaires

Prospères,

Celles qui procurent

Bonheur et argent.

J’achetai donc à Nogent

La Librairie des Mousquetaires.

Le magasin devint salon littéraire.

Les lettrés y causaient

Poésie, politique. On glosait.

Ma femme dirigeait la vente.

Moi, dans une pièce attenante,

J’écrivais un nouveau roman.

Nos habitués étaient Froment

Un grand garçon,

Un beau garçon,

Aux yeux complimenteurs,

Barbet, professeur,

Deux voisins, Labarre et Jofathe,

Et le général marquis de Brémate,

Chef du parti royaliste,

Soixante-seize ans, héraldiste.

Or, un jour, faisant des courses,

Je passais rue de la Bourse.

Soudain, je vis sortir d’une porte

Une femme accorte

Ressemblant à Eva.

Je pensais : « Que ferait-elle là 

Puisqu’elle avait entrepris

A la librairie

Un nouvel aménagement ? 

Ce n’est pas elle assurément… »

Mais elle se retourna par hasard:

-« Tiens, te voilà, c’est bizarre, 

…J’étais justement venue

Chez le menuisier Cornu

Commander nos étagères.»

Oh, la mensongère !

-« Tu rentres à la boutique? »

-« Mais oui, mon cher Eric. »

Je la quittai et partis.

Pourquoi avait-elle menti ?

J’eus alors le vif sentiment

Qu’elle avait un amant.

Depuis, quand je devais sortir,

Je pensais : « Il va venir, le satyre.»

J’étais jaloux. Aucune hésitation.

Ha, comme je comprends l’Inquisition !

J’écraserais ses mains coupables

Dans des étaux redoutables.

Allons, parle, avoue !

Non ? Alors, dans l’eau qui bout,

Je lui plongerais les pieds

Jusqu’à l’estropier.

Parfois Eva déjeunait à l’extérieur.

J’ai donc acheté le serveur.

Et imaginais la scène : J’entrais.

Une table du restaurant séparait

Les deux amants.

Le coupable était sûrement Froment.

De cent coups de canne, je l’assommais

Mais,

A la brasserie, où je me rendis

Le garçon vendu me répondit

En m’indiquant une porte dérobée :

« C’est là, dans ce salon privé. »

J’avais bien choisi mon moment !

Elle n’embrassait pas Froment,

Mais Brémate !

Devant l’aristocrate,

Je restais abasourdi.

Ma femme s’était amourachée

D’un marquis engourdi,

D’un général ventru, débauché !

Les femmes se donnent aux jeunes, aux vieux,

Pourvu qu’ils soient riches ou glorieux.

-« Qu’as-tu fait, dis ? »

-« Je suis parti. »


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