Il y a tellement d’hommes autour d’Hélène, et elle ne sait tellement pas leur résister ! L’Opéra de Bordeaux présente cette semaine la Belle Hélène de Jacques Offenbach, dans une mise en scène délirante signée Frédéric Maragnani.
Oeuvre certainement la plus célèbre d’Offenbach, la Belle Hélène (1864), est une parodie des héros de la mythologie grecque dans le récit des événements qui allait aboutir à la célèbre guerre de Troie. Petit rappel pour ceux qui ont perdu leurs repères mythologiques : le coeur d’Hélène, la plus belle femme du monde, a été promis par Vénus au jeune Pâris, qui se rend à Sparte pour la conquérir. Mais les deux amants doivent se débarrasser de Ménélas, l’époux de la belle. De cette épopée tragique, Offenbach avait tiré une opérette comique au succès immédiat. Le metteur en scène bordelais Frédéric Maragnani s’en est emparé à son tour et signe avec elle sa première création à l’opéra. «C’est le directeur de l’Opéra de Bordeaux Thierry Fouquet qui me l’a proposé, explique-t-il. C’était une belle preuve d’ouverture car j’ai un profil atypique : je mets en scène du théâtre plutôt contemporain, j’ai monté peu de classique. J’ai trouvé que c’était une belle proposition, elle tombait au bon moment dans mon parcours de création et l’oeuvre s’y prêtait particulièrement. L’opérette permet une grande liberté ». Frédéric Maragnani ne s’est pas privé de la prendre.
Une histoire de désir
Bien loin de Sparte, il a installé ses personnages dans un décor associant, explique-t-il, des références à la Rome félinienne et à un Bordeaux contemporain et intemporel. Hélène et Pâris se pâment au pied de la caserne de la Benauge, qui y retrouve au passage un peu du lustre perdu. Les choeurs sont les habitants d’un quartier dont Ménélas est le caïd. Ils sont aux premières loges pour assister au bal ridicule des puissants. Dans cette microsociété humaine aux classes sociales bien définies, Frédéric Maragnani dessine une histoire de désir : « Hélène est une femme ordinaire qui veut s’émanciper. Une femme entre deux âges, qui s’est beaucoup amusée avant de se «caser». Maintenant elle s’ennuie et elle fantasme.» Objet du désir : le jeune et beau Pâris, cheveux gominés et pectoraux moulés.
Crescendo jusqu’au troisième acte
« C’est une Hélène très showbizz, très comédie musicale », sourit Frédéric Maragnani. Un curieux mélange en effet. L’Italie des 70’s certes, mais aussi un peu de Fièvre du samedi soir sur fond de décors acidulés et de perruques crêpées à la Hairspay ; une Hélène (Maria Riccarda Wesseling) aux allures de Dalida face à un Pâris (Sébastien Droy) plutôt Travolta ; des ballets simples et charmants, chorégraphiés par Faizal Zeghoudi et interprétés par quatre danseurs-éphèbes qui finissent en mini slip de bain dans un troisième acte qui ressemble à l’apothéose d’un délire qui a mis un peu de temps à s’installer. Sur scène, tout le monde a l’air de beaucoup s’amuser : les interprètes (mention spéciale au trio Briand/Ménélas, Ermelier/Calchas et Schirrer/Agamemnon) comme les musiciens de l’ONBA emmenés par Claude Schnitzler, qui vont jusqu’à singer les couacs d’une fanfare de quartier. Dans la salle, le public se laisse emporter avec plaisir. Pâris, déguisé en Chevalier blanc à longue cape et mèche rebelle, vient finalement enlever Hélène sur un triporteur rose vif. Après ça, on se demande à quoi ressemblerait le cheval de Troie.•
Sophie Lemaire
Ce soir, demain et vendredi à 20h, dimanche à 15h. Au Grand-Théâtre, 8-80€.