Moins de cours de français, désintérêt pour l'orthographe et la syntaxe... les règles du langage se perdent. Au risque d'appauvrir la pensée et de créer de nouveaux ghettos.
" Cette union n'auré pas lieu d'être, avec cette homme auquel elle ne représente rien pour lui [...] La mort a une marche inexorable et que malgré la vanitée des efforts humain, elle est imortelle [...] Derrière c'est lunette on pouvait apercevoir des yeux bleu. Elle était perturbait.[...] La carte est un outil rassemble des informations qu'il est impossible de voir sur le terrain il est donc avantageux de se limiter qu'à une surface bien délimitée [...] Les fenêtres de l'atmosphère c'est comme quand les rayons passe à travers sans qu'à travers on le voie. "
A la lecture de ces extraits authentiques de copies ordinaires de lycéens et d'étudiants, force est de reconnaître que la guerre de l'orthographe est dépassée. Phrases sans verbe ou bégayantes, conjugaisons farfelues, pronoms incohérents, accords inexistants : au-delà de la forme, le sens même est touché. A tel point qu'à la dernière rentrée dix-neuf universités lançaient un programme de remise à niveau en français pour leurs étudiants de première année. Plus grave : à lire les rapports de jury, les futurs instituteurs, à bac +4, seraient eux aussi fâchés avec une langue dont ils auront à inculquer les bases aux enfants. En 2009, à Toulouse, on constate " l'absence de connaissances grammaticales simples chez la plupart des candidats " ou des " erreurs d'orthographe grammaticale grossières et inacceptables ". Dans ces conditions, le phénomène paraît difficilement réversible.
Mais que fait l'école ? Une étude récente prouve que les cinquièmes de 2005 sont au niveau des CM2 de 1985 et met en évidence l'explosion des fautes grammaticales (1). Confondre le verbe " ont " et le pronom " on ", ne pas accorder le verbe avec son sujet, autant d'indices que le fonctionnement basique de la langue échappe aux élèves. Selon Danièle Manesse, professeur en sciences du langage, qui travaille depuis trente ans avec les jeunes dans les quartiers populaires, " l'enseignement de la langue s'y trouve encore davantage en déshérence : ce sont les troisièmes qui ont le niveau CM2 " !
"En grammaire, il y a non seulement
des choses à comprendre,
mais aussi des choses à apprendre."
Les causes ? Un seul chiffre, effrayant : entre 1976 et aujourd'hui, les horaires dévolus au français entre le CM2 et la troisième ont diminué de 800 heures, soit l'équivalent d'une année et demie de cours de français ! La leçon régulière de grammaire, enseignée comme une matière distincte de l'étude de texte, a disparu avec le " décloisonnement " au collège, en 1995, et avec l'" observation réfléchie de la langue " à l'école primaire, en 2002. Danièle Manesse dénonce l'impasse de ces méthodes : " On a négligé la mémorisation et la répétition. En grammaire, il y a non seulement des choses à comprendre, mais aussi des choses à apprendre. " Eric Pellet, enseignant en grammaire, linguistique et auteur de manuels (2), constate que la réforme des programmes des années 1990 a introduit " des notions savantes mal stabilisées, déformées, très mal adaptées au niveau des élèves ". De fait, les sixièmes s'échinaient à comprendre la " progression thématique " ou l'" énonciation " d'un texte avant de savoir analyser une phrase.
Les nouveaux programmes Darcos de 2008, inspirés par les chantres de la grammaire traditionnelle, le linguiste Alain Bentolila et l'écrivain Erik Orsenna, entendent corriger le tir. Toutefois, Eric Pellet dénonce le retour de notions grammaticales périmées (le complément d'attribution) et met en garde contre l'illusion d'une " grammaire immuable, celle de grand-papa ". Quant à Philippe Desperier, instituteur seine-et-marnais fort de trente ans d'expérience, il y voit une collection d'" outils froids ". Lui réclame surtout du temps pour pratiquer les manipulations de phrases, l'échange oral, l'imprégnation par les textes littéraires, indispensables pour que les enfants n'aient pas l'impression que " la grammaire descend du ciel ". Or, avec l'introduction de l'anglais, de l'informatique et la récente suppression des cours du samedi matin, l'instituteur se sent dans une " situation d'urgence permanente ", où il risque de " sacrifier l'essentiel ". Bref, la pédagogie de la grammaire est à réinventer pour peu, comme Eric Pellet le souhaite, qu'on cesse de la considérer " d'un côté comme un machin poussiéreux, de l'autre comme une vérité révélée une fois pour toutes ". Et à condition qu'on assure une formation continue massive des enseignants en la matière.
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