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Voila donc ce nouveau disque de Lady Gaga. Autant le dire tout de suite, à la première écoute, je me suis dit «ouais bof, ok...» et puis voila, à la deuxieme écoute je me suis pris le bon petit coup derriere la nuque, du genre «et ouais pauvre type, tu l’avais pas vu venir celui là».Effectivement je ne l’avais pas vu venir. Ce disque est vraiment, vraiment très bon. J’avais pourtant envie de detester Gaga, une fois dans ma vie, me dire que ça y’est, c’etait fini. Moi qui avait aimé l’artiste pour son image pop, légère et urbaine des premiers titres, qui commençait un peu à m’agacer de l’ultra sophistication des looks, des délires esotériques religieux, de la perte de fraicheur et de la fuite dans un univers un peu trop calculé, j’etais quasi sur de detester ce disque.J’avoue que je préfère visuellement la période poker face/love game que celle d’aujourd’hui à laquelle j’ai du mal à accrocher. A force de trop vouloir trouver des idées pour ne pas être comme les autres on fini par perdre en spontanéité et c’est cette spontanéité que Gaga aurait tout à gagner à retrouver visuellement aujourd’hui. Ce n’est que mon avis, mais stop le blabla sur le look, parlons musique.
Donc pour ceux qui ne veulent pas aller plus loin je résume la suite de l’article : cet album est un must du genre. point. Une dance noire épique hédoniste puissante, une pop electronique vicieuse et saturée et surtout un disque qui se tient, pas une compil de musique d’ascenceur autour de trois singles (hein Katy perry ?)Alors oui comme d’habitude le seul argument des sceptiques adeptes du consensus sera : «C’est bon, rien de revolutionnaire, juste des synthés d’eurodance déjà entendue». Soit, mais expliquez moi en quoi un nouveau son d’instrument est gage de qualité ? les Strokes utilisent les mêmes guitares que Ramones, qui utilisaient les mêmes que Hendrix, qui utilisait les mêmes que The Beatles.De la guitare quoi ! Rien de nouveau sous le soleil depuis les années 60 dans le rock alors ? Oui ? Non ? Bon Iver à la même guiatre sèche que Elliott Smith, donc il faut le boycotter ?Oui il y a des synthés d’eurodance, des batteries 80s, des bass line sorties de production italienne, mais c’est un genre, la dance est un genre, un truc à part entiere, pas seulement une mode d’il y a 20ans. Il faudra l’accepter un jour. Ensuite, désolé pour les amateurs de musique, mais il y a plus d’idée de production dans un seul titre de Born This Way que dans toute la discographie des Strokes. C’est un fait, même si je sais que le snobisme actuel dans la musique ne donne de la crédibilité qu’à ce qui sonne «vintage» voire même rétrograde, tout le contraire de de disque. Un simple casque sur la tête, 2 oreilles et un peu d’attention suffiront amplement pour vous en persuader, sinon c’est que vous etes d’une mauvaise foi encore pire que la mienne, et c’est impossible. Ensuite au delà de la simple production, tout bonnement enorme (non mais le son est enorme, je ne sais pas si je vous l’ai dit ?), il faut les chansons.Là c’est une autre histoire. Non pas que l’album soit moins bon que «The Fame/the Fame Monster», mais le parti pris est radicalement différent. The Fame etait un éventail de la pop musique, de style différents, ici l’univers est tres tres homogène, dense, et compact dans sa réalisation et la composition. Ce disque n’est pas la suite des deux premiers, il y a une volonté d’être cohérent de bout en bout, sans chercher à coller à quoi que ce soit ou d’explorer différents style, juste d’essayer de trouver le parfait mélange entre le rock et la dance.Cette envie de cohérence est un avantage, mais aussi un inconvénient, celui de se couper définitivement du public qui était là pour les singles, ou simplement de mettre une barriere infranchissable devant ceux qui detestaient et qui ne s’arreteront pas sur le disque. Si vous n’aimez ni la dance, voire l’italo-dance (sous amphétamine) il faut oublier Born This Way tout de suite. Il a les défauts de ses qualités : C’est du up-tempo pour les dancefloor sur 80% des titres, un rythme assez frénétique, pas de temps mort et du gros son agressif (pour le style, bien sur). Pour les défauts, je dirais qu’elle joue souvent sur une formule «couplet dark / refrain disneyland», elle sait que c’est efficace, c’est la formule d’écriture de Poker Face, Bad Romance, mais sur tout un album, c’est parfois un peu attendu dans la construction. Les rares fois ou elle s’en éloigne le disque respire, comme sur le surpuissant Government Hooker , mais c’est le seul bémol concernant le songwriting. Oui parce qu'au moins avec Gaga on peut parler de songwriting et de musique, ce qui est à peu près impossible avec 90% des chanteuses pop actuelles qui doivent attendre que Dr Luke ou David Guetta aient fini avec la précédente.On a l’impression à la premiere écoute d’être moins devant un «all killers no fillers» que The Fame : un titre comme «heavy metal lover» semble anecdotique, sans parler de «Americano» qui est sans conteste le titre le plus nul, c’est tout bonnement un furoncle sur le disque (comme ça c’est dit), mais non, au final, le disque est plus vicieux qu’il n’y parait, car pour le reste, que du bon.
Mis à part «Judas» déjà sorti, je retiendrai «Government Hooker» excellent titre de synth-pop rugueux (en extrait ci dessus), «Sheiße» : synthé de fêtes foraine allemande (ou de trance selon les avis) et un refrain énorme, tube en puissance, «Marry the night» épique à souhait, tout en crescendo et ses couplets ultra saturés, et «Bad Kids» : un peu madonnesque mais surtout très italo-disco...mais avec des guitares...ouais je sais ça parait n’importe quoi sur papier mais c’est en ça que le titre est génial. Il y a vraiment de très bonnes idées dans ce disque, comme l’apport du break de batterie 80s Rock sur un pourtant très dance «Highway Unicorn», des constructions rythmiques intelligentes, des synthétiseurs se melant aux guitares sans pour autant devenir de l'industriel, etc etc... Peu de temps mort, je le disais, et même si il y a une ballade «yoü and i» elle ne déroge pas à la règle de la démesure instrumentale. Et ça me fait tout particulierement plaisir de voir Gaga aller chercher Robert «Mutt» Lange pour produire ce titre et lui refaire le son de Hysteria de Def Leppard (mais oui!! voir l’article à gauche sur Hysteria). Elle rend hommage au 70s Rock qui l’a très influencé et surtout à Queen en se payant le luxe de les sampler et d’avoir Brian May à la guitare. Ce n’est pas le meilleur morceau, mais l’emballage est plaisant.Je pourrais passer en revue quasi tous les titres tant les idées fourmillent sur ce disque de dance-rock qui s’éloigne de la pop attendue. Bien sur, 80% du public n’en aura rien a foutre de la production du disque, ils voudront juste les tubes en allumant la radio, et c’est un peu ça le problème de l’album, pour une artiste dite mainstream, dont on attend surtout de l’efficacité immédiate. A la premiere ecoute, pas de «just dance», pas de «paparazzi», pas de titres legers, frais, assimilables immédiatement, alors comment ne pas se demander si le public ne risque pas de zapper un peu vite ? A la premiere écoute, même étant fan du disque j’avoue que j'étais extremement sceptique sur la qualité de l’album, mais comme tous les grands disques c’est avec plusieurs écoutes qu’on apprécie à sa juste valeur le travail et les morceaux. Born This Way est plus sombre, plus dur, plus sale, plus lourd, et surtout plus dense. The Fame c’etait comme manger un paquet de haribo qu’on pouvait picorer, là on s’attaque carrément à un Cheese Burger avec supplément Bacon et avocat et une fois qu’on a croqué dedans il faut le finir.C’est un disque à ecouter fort, à écouter au casque, à écouter en club, à écouter a fond, un disque pour danser, pour mettre des coups de poings dans le vide, une parfaite bande son d’un univers post nucleaire, la musique d’un club dans les sous sols du New York 1997 de Carpenter. Pour le reste il y a d’autres musiques.
ps. Et puis elle a encore de l'humour et ça ne gache rien (très bon sketch dans SNL ce week end) :
Justin Timberlake, Lady Gaga & Andy Samberg...