Nos ancêtres les Gaulois : le mythe et la réalité

Par Amaury Piedfer

Les éditions du Seuil viennent de publier le nouvel ouvrage de J.-L. Brunaux, archéologue du Laboratoire de l'Ecole Normale Supérieure. Cette synthèse, sobrement intitulée Nos Ancêtres les Gaulois, fait le point sur les dernières avancées de la recherche historique et archéologique sur la civilisation gauloise, et examine en particulier la société d'avant la conquête césarienne (58-51 av. J.-C.).

C'est ainsi que l'auteur s'est attaché à combattre les idées reçues, produit de l'historiographie du XIXème siècle qui voyait dans la Grèce et dans Rome la civilisation et le "progrès", et dans les sociétés de l'Europe intérieure, Celtes et Germains, la barbarie et l'obscurantisme. En s'appuyant sur une remarquable érudition, J.-L. Brunaux démontre que la réalité était tout autre : la civilisation gauloise fut brillante, eut un poids déterminant dans la formation de l'Europe comme civilisation ; il faut simplement lui appliquer un autre grille de lecture que celle que lui appliquèrent les auteurs gréco-romains de l'Antiquité. Par exemple, le livre démontre que la très célèbre réplique des Gaulois à Alexandre le Grand ("Nous n'avons peur que d'une chose, c'est que le ciel nous tombe sur la tête"), bien loin d'être le reflet d'une naïveté ou d'un primitivisme barbares, ne peut être comprise que replacée dans le cadre de la philosophie et la conception celtes du monde. Elle est l'expression d'une vision complexe du Cosmos, intégrant un discours sur la formation de l'univers, sa structure et la place que l'homme y tient [1].

L'auteur y développe aussi une idée très originale pour notre époque : le fameux mythe républicain "nos ancêtres les Gaulois", loin de n'être que rêveries ou affabulations, correspond à une réalité que l'archéologie a désormais démontré [2]. En effet, les fouilles de sauvetage et l'archéologie aérienne (repérage des structures enfouies et non visibles du sol) ont montré depuis une trentaine d'années que la Gaule, à la veille de la conquête romaine, était très densément occupée, ses campagnes largement mise en valeur : sa population totale comptait probablement, vers 60 av. J.-C., de 12 à 20 millions d'habitants, soit autant qu'au début du XVIIème siècle, au temps de Louis XIII ! Bref, c'est bien à l'époque celtique que c'est fait l'essentiel du peuplement de notre territoire, essentiellement par croissance démographique interne. Les apports postérieurs (Romains, Bretons, Francs, Burgondes, Goths, Vikings), ne furent que marginaux. Evidemment, cela ne signifie pas que tous les Français ne descendent que des Gaulois : ce serait oublier les pays basques, corses, alsaciens, notamment ; mais enfin, le socle essentiel sur lequel repose la civilisation française, le fondement de notre identité ethnique, c'est bien aux Gaulois que nous les devons.


Voici la présentation de l'éditeur :


Les aventures d'Astérix et les souvenirs des leçons d'histoire ont forgé dans nos esprits une image des Gaulois stéréotypée et contradictoire. Entre les guerriers indisciplinés et querelleurs, trop désunis pour résister à la conquête romaine de César, et les druides, prêtres et magiciens adeptes du sacrifice humain, il importait de rétablir la vérité.Jean-Louis Brunaux examine les principales idées reçues sur «nos ancêtres les Gaulois» : pour chacune, il recourt à une documentation précise, et nourrie par les récentes découvertes de l'archéologie. C'est une Gaule désormais libérée de tout préjugé et de toute erreur qui voit le jour.Mais la nouvelle image des Gaulois qui est ainsi offerte, plus proche de la réalité historique, n'en est pas moins fascinante.


[1] Voir l'article de J.-L. Brunaux, "Avant qu'le ciel nous tomb' sur la tête", publié dans la revue L'archéologue - Archéologie Nouvelle, n° 94, février-mars 2008, p. 24-27.

[2] Sur ce thème, voir aussi, du même auteur, l'article "Nos ancêtres les Gaulois...", publié dans la revue L'Histoire, n° 326, décembre 2007, p. 37-41.


Amaury Piedfer.