Grenelle et reporting carbone : une approche franco-française …

Publié le 23 mai 2011 par Frédéric Bordage @greenit

L’Union Européenne s’est engagée à réduire de 20% ses émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) et à passer à 20% la part des énergies renouvelables d’ici à 2020. Pour atteindre cet objectif, la France va imposer un « bilan carbone » aux entreprises et collectivités. Le dispositif est précisé dans le décret d’application de l’article 75 du Grenelle de l’environnement.

Malgré une volonté affirmée de s’inspirer fortement des standards internationaux tels que la norme ISO 14064-1 et le GHG Protocol, le dispositif « décret + guide méthodologique » comprend à ce stade quelques spécificités bien « franco-françaises ». Destinées à limiter le poids des contraintes sur les entreprises, ces particularités éloignent de plus en plus ce projet des méthodologies reconnues, y compris du Bilan Carbone de l’Ademe.

Ainsi :
•    Le périmètre est défini selon une vision administrative (celle de la personne morale) plutôt qu’une vision opérationnelle (celle du groupe). De fait, cette approche exclut du périmètre toutes les filiales situées à l’étranger, encourageant ainsi la « délocalisation » des émissions de GES.
•    Les émissions directes sont limitées aux « sources présentes sur le territoire national ». Cela revient à exclure les émissions du transport une fois passée la frontière, ce qui n’a bien sûr aucun sens, puisque le lieu où se produisent les émissions est neutre par rapport à l’impact sur le climat.
•    La loi exige un inventaire tous les trois ans et non pas un bilan annuel. Cela amène la question de la mesure de l’atteinte d’objectifs de réduction.
•    L’omission de la question de l’assurance qualité des données et de la vérification par une tierce-partie, très présents dans l’ISO comme dans le GHG Protocol, constitue le maillon faible de la gouvernance du processus.
•    La disparition totale du scope 3 (émissions indirectes) du périmètre va à l’encontre des initiatives en cours du GHG Protocol et du CDP, qui encouragent très fortement sa prise en compte.

Applicable dès 2011, la loi concerne les entreprises de plus de 500 salariés. Le seuil de 5000 salariés, présent dans la version précédente du décret pour la prise en compte du scope 3 dans le périmètre, a maintenant disparu.

Intégration du scope 3 : et si la progressivité était la solution ?

Si prendre en compte le scope 3 permet d’identifier d’importants leviers de réduction, cela peut engendrer malgré tout de multiples difficultés opérationnelles, lorsqu’il s’agit de mesurer les émissions d’une supply chain (achats, transports) à l’échelle de l’entreprise et non plus du site. Par exemple, l’évaluation du contenu carbone des matériels informatiques (PC, serveurs, imprimantes, équipements réseau, …) - pour lequel un guide sectoriel est en cours de réalisation par l’Ademe avec le concours de GreenIT.fr – est une opération complexe et délicate en l’absence de bases de données d’ACV généralisées.

Aussi, vouloir tout intégrer, dès à présent et pour toutes les entreprises, n’était pas forcément la meilleure façon de faire progresser l’état de l’art et la maturité des organisations sur ce sujet d’ampleur gigantesque. Néanmoins, certains domaines du scope 3 tels que les déplacements professionnels ou les trajets domicile-travail pouvaient être pris en compte immédiatemment.

Aussi, il aurait été judicieux d’introduire dans cette loi une progressivité de prise en compte du scope 3, de façon à inciter les entreprises à entrer dans une dynamique positive d’amélioration dans la mesure et la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. On ne peut donc que regretter vivement que le texte actuel du projet de décret aille en sens inverse de cette approche, en ne faisant plus aucune allusion à l’existence d’émissions indirectes !

L’apport de l’IT for Green

La contribution de l’IT for Green pour accompagner cette démarche, via les logiciels de management de l’énergie et du carbone (CEMS), est un apport essentiel. Cela pourrait même devenir une nécessité pour les entreprises possédant de très nombreuses sources d’émissions (bâtiments, véhicules, déplacements, transports, …), et qui souhaitent intégrer dans le périmètre une part importante d’émissions indirectes.

  

Sources :
http://www.greenadvisor.fr/actu/32-grenelle-et-le-reporting-carbone—une-methodologie-franco-francaise-….php

http://www.arnaudgossement.com/archive/2011/05/11/exclusivite-journal-de-l-environnement-le-projet-de-decret-s.html#more