Depuis son arrestation, la sexualité de Dominique Strauss-Kahn est au centre de tous les débats. On connaît son passif de 'grand séducteur'. Est-il dépendant pour autant ? Un sex addict est-il un agresseur potentiel ? Les accusations portées contre DSK pourraient-elles, si elles étaient avérées, témoigner d'une pathologie éventuelle ? L'avis du Dr Patrick Fouillant, Président de la FFA (Fédération française d’addictologie) et d'Isabelle Palacin, psychanalyste.
Qu’est-ce que l’addiction au sexe ?
'On peut définir l’addiction au sexe comme on le ferait pour d’autres addictions. Peu importe la quantité ou la nature des rapports sexuels concernés, on parle d’addiction dès lors que le besoin prend le pas sur tout le reste.' explique le Dr Fouillant. On évalue le nombre de personnes concernées à entre 3 et 6% des personnes ayant des rapports sexuels (d'après le Professeur Florence Thibaut, du service de psychiatrie CHU de Rouen), dont 80% sont des hommes.
Par quoi se traduit-elle ?
'Masturbation, pornographie, multiplication des partenaires… L’addiction au sexe peut se traduire par des comportements très différents. Il peut s’agir d’un manque de désir, traduit par une séduction exacerbée, ou d’un manque d’orgasme.' explique le Dr Palacin. On distingue cinq caractéristiques particulières qui permettent de poser un diagnostic :
- La séduction : maîtrise de l’anxiété et de l’estime de soi traduit par la drague compulsive et la multiplication des partenaires.
- L’obsession : idéalisation de l’objet amoureux, fixation amoureuse compulsive sur des partenaires inaccessibles.
- Le besoin de rapport amoureux : recherche d’intensité traduite par des rapports compulsifs multiples.
- Le besoin d’orgasme : insatisfaction sexuelle traduite par la multiplication compulsive de rapports.
- L’auto-érotisme : besoin d’auto-satisfaction répété traduit par une pratique de la masturbation excessive et frénétique (jusqu’à 15 fois par jours) allant jusqu’à entraîner des blessures.
'Comme pour toutes les addictions, si le manque n’est pas satisfait, une angoisse s’installe. L’envie de sexe, dans le cadre d’une addiction, prend le pas sur tout le reste dans la vie d’un addict, et peut rendre difficiles les rapports sociaux. Le comportement addictif se manifeste en dépit de tous les risques (infectieux, relationnels, ou même judiciaires)', précise le Dr Fouillant.
Un addict au sexe peut-il commettre un viol ?
'Il faut faire très attention à ne pas faire de lien direct entre addiction et agression', souligne le Dr Fouillant. 'Dans le cadre d’une addiction, un comportement criminel n’est pas prédictible. La violence n’est pas liée à l’addiction, le comportement de dépendance est différent du besoin de domination dont relève le viol', ajoute-t-il. 'Il est important de faire la différence entre addiction sexuelle et perversion sexuelle. Pour un pervers, la loi n’existe pas. Les cas d’agression sexuelle relèvent de la perversion et non de l’addiction. Un addict est bien conscient du monde et des règles qui l’entourent', note le Dr Palacin.
Peut-on soigner l’addiction au sexe ?
Comme l’explique Jean-Yves Nau, docteur et journaliste pour Slate.fr, on trouve deux écoles:
- Ceux qui préfèrent un traitement médicamenteux : 'on préconise de traiter ‘l’hypersexualité’ comme on traite les troubles obsessionnels compulsifs, au moyen de psychotropes antidépresseurs ou anxiolytiques'.
- Ceux qui optent pour une thérapie comportementale: les thérapeutes de Tiger Woods, par exemple, avaient préconisé un acte de repentir public.
Dominique Strauss-Kahn peut-il être malade ?
Isabelle Palacin conseille la prudence : 'On ne peut pas savoir. Les autorités américaines en charge de l’enquête lanceront peut-être une expertise mais pour pouvoir poser un diagnostic, il faut avoir énormément d’informations sur la personne concernée. De plus, Dominique Strauss-Kahn est actuellement inculpé dans une affaire d’agression sexuelle dont on sait peu de choses. Il faut être très prudent et ne tirer aucune conclusion.'
Le Dr Fouillant émet pour sa part quelques réserves : 'Médicalement, je ne pense pas que l’on puisse dire qu’il est dépendant au sexe. On connaît son passif de séducteur, mais cela ne fait pas de lui quelqu’un de dépendant. Aussi, ce qui fait une addiction est le côté envahissant de l’obsession, qui prend le pas sur tout le reste. Si Dominique Strauss-Kahn était concerné, étant donné les responsabilités qui lui incombent, on s’en serait aperçu avant. De plus, il y a un énorme pas entre addiction et acte criminel. Il est donc délicat de faire le lien entre les deux.'
Pour aller plus loin : l’addiction sexuelle ici, ici, ici et là, les traitements possible ici + Article source ici.