CRITIQUE du film ‘Le Complexe du Castor’ : Ne laissera personne indifférent

Par Hollywoodinside

Au sortir de la projection, mardi soir dernier, je me suis dit qu’il était urgent d’attendre quelques jours avant d’écrire cette critique tant Le Complexe du Castor m’a laissé – sur le coup – perplexe. S’il ne s’agissait pas d’un film réalisé par Jodie Foster, dont la grande sensibilité dans le traitement des sujets qu’elle aborde et le talent indéniable dont elle fait preuve devant et derrière la caméra sont reconnus de tous, je n’aurais peut être pas pris cette précaution.
Mais bon, il s’agit de Jodie Foster. Impossible alors qu’elle ait choisit ce sujet et qu’elle ait abordé sa réalisation de cette manière sans raisons. C’est définitif, il est urgent d’attendre quelques jours pour Quelques jours ont donc passé et me voilà prêt à vous livrer ma critique du Complexe du Castor (The Beaver) de – et avec – Jodie Foster qui retrouve, pour l’occasion, son complice de Maverick (1994) Mel Gibson.
Reprenons donc du début.
Tout d’abord l’histoire, tout à fait commune au premier abord, raconte comment une famille a perdu pieds dans ses repères suite à la très sévère dépression du père, Walter Black (Mel Gibson) qui a complètement perdu le goût de la vie et s’est enfermé dans une sorte de bulle invisible au point de ne plus communiquer avec les siens. Walter vit au ralentit. Seul l’alcool l’aide à oublier on ne sait quoi… il rate tout, même sa tentative de suicide. Sa femme Meredith (Jodie Foster) l’aime toujours et se désole de le voir dans pareil état. Malgré son chagrin et moyennant beaucoup d’efforts, elle s’est finalement résolue à lui demander de quitter la maison familiale. Ce sera mieux pour elle, mais surtout pour ses enfants dont le spectacle d’un père se détruisant petit à petit est des plus traumatisant. Des deux garçons de la famille, l’ainé conscient de cette lente dégradation de sa famille, semble le plus perturbé. Il se réfugie dans sa chambre pour crier – en silence – sa colère et son impuissance face au déclin de son père. Le plus jeune  semble traverser l’épreuve avec plus d’ insouciance. Il est simplement triste de ne plus avoir son père avec lui pour bricoler et passer du bon temps à ses cotés.
Il faut dire que l’ancien Walter – d’avant la maladie – était plutôt du genre enthousiaste, fonceur et imaginatif. On l’imagine bien à la tête de sa compagnie de fabrication de jouets, comme un grand enfant dont les idées se bousculent dans sa tête mais qui ne perd pas de vue la réalité et la profitabilité de son affaire. Affaire qu’il devait, on le sent, mener avec un esprit de famille et beaucoup d’égard vis à vis de ses employés.
Mais cette époque est révolu et RIEN – ni psychothérapie ni médicaments – ne semble pouvoir l’extirper de son état léthargique et sans saveur, de sa vie tournant au ralenti et sans but. Walter va mal finir, on le sent…
RIEN, sauf qu’un soir, alors qu’il se débarrasse du contenu de son coffre pour y entasser plus d’alcool, il tombe sur une marionnette – qu’on devine être la sienne alors qu’il était enfant. Il s’agit d’un castor un peu défraichit. Déjà bien imbibé, Walter l’enfile sur son bras et – étrangement – commence un dialogue entre “lui” Walter et “lui” le castor. Un castor qui ne mâche pas ses mots (dans un accent cockney, langage venant des londoniens issus de la classe ouvrière ) et lui assène au passage trois, quatre vérités que son subconscient avait sans doute enfouit… …Walter! lève toi! Bouge ! Reconstruit ta vie plutôt que de pleurer sur ton triste sort! Et Walter, guidé par cet alter ego protecteur, va progressivement réémerger dans sa vie et dans ses affaires…  …mais pour combien de temps?
Mon avis sur le film
Tout d’abord, le sujet est difficile, “complexe” même comme son titre, et Jodie Foster applique à sa direction d’acteur comme à son jeu toute sa sensibilité et son intelligence. De ce point de vue, le film est plutôt réussi en évitant les poncifs et les situations caricaturales.
Au delà, le film n’est pas d’un abord facile pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, il pré-suppose accepté l’idée d’écouter un castor parler au cotés d’un Walter dont on voit, bien sûr, les lèvres bouger. Certains y seront peut être parvenu, ce n’est pas mon cas. Malgré l’excellent jeu d’acteur de Mel Gibson,je n’ai pu personnifier la marionnette que lors des rares scènes où le castor est seul dans le champs de la caméra.. ..et pourtant, j’ai essayé de faire abstraction, ce qui n’a fait que participer à ma difficulté pour m’immerger dans l’histoire.
Ensuite, il faut aborder le film comme retraçant une tranche de vie de cette famille dont le point de départ est la maladie du père. Aucun réel indice ne nous ait livré pour comprendre la genèse de cet état. Or, personnellement, j’ai trouvé cette famille attachante et éprouvé de l’empathie pour leur malheur. Du coup, j’aurais souhaité – et j’ai attendu tout le film – d’en savoir plus sur les raisons profondes de ce déclin pour mieux comprendre comment Walter aurait pu – ou pourrait – s’en sortir. Sur le sujet, le film est plus – voire trop – économe. Walter est malade, point barre. Le propos est de voir comment il va réussir à faire face à sa dépression et quelles en seront les conséquences pour lui et les siens.
Enfin – et c’est certainement la raison du succès mitigé du film aux Etats-Unis où il est sorti le 09 mai dernier, il s’agit d’une “dramedie”. Le film passe par trois chapitres, la maladie, la solution du Castor, ses conséquences qui ont chacune leur dominante : drame pour la première et la dernière, comédie pour la seconde. Si j’ai plongé avec intérêt dans le drame de sa dépression, et aimé la “relative” légèreté de la cohabitation avec la marionnette, j’ai été surpris et à vrai dire dérangé par la violence des conséquences. Il arrive ce qui doit sans doute arriver mais je reste sceptique quant à l’intérêt d’avoir pousser l’émancipation de Walter vis à vis de sa marionnette à ce point. Je n’en dirai pas plus.
Au delà, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un film, à fleur de peau, brillamment réalisé avec une prestation remarquable de Mel Gibson qui mérite le détour même si le film n’est pas d’un abord facile. Personnellement, au lieu de développer une intrigue secondaire autour du fils ainé, J’aurais préféré en savoir plus globalement sur cette famille et les causes de ce drame, les épreuves qu’elle avait du endurer pour en arriver là. Je trouve que le film aurait gagné en consistance.
Il n’en demeure pas moins que Le Complexe du Castor fait définitivement parti des films qui ne cherchent pas le consensus et qu’il faut voir pour se faire sa propre opinion. En témoigne le grand écart des critiques autour du film, preuve s’il en est que le film mérite le détour.