Ces derniers jours j'ai vraiment compris quelque chose, qui m'avait été plus ou moins difficile à assimiler et que jusqu'ici je n'avais pas encore fait depuis mon arrivée sur Onemic. Je parle du fait d'écrire sur quelque chose qui vous a marqué, tout en ayant le recul, l'objectivité et la pertinence nécessaires…Akram l'a souvent relevé lorsqu'il parle de Six Feet Under par exemple (ceux qui nous suivent depuis un moment savent de quoi je parle).
Alors pourquoi est-ce que je (on) vous bassine autant avec HerFavoriteColo(u)r et surtout avec Blu plutôt qu'un autre? Je pourrais remonter jusqu'en 2007 et faire un blabla historique sur son parcours musical depuis l'année de sa révélation au sein du milieu Hip Hop via la sortie de Below The Heavens en collaboration avec Exile. Oui je pourrais, ou du moins j'aurais pu mais je suis convaincue que si j'arrive à vous faire entrevoir la facette de Johnson Barnes qui m'a le plus touché, peut être que tout cela sera plus pertinent.
HerFavoriteColo(u)r est une histoire d'amour avec pour fond sonore le Hip Hop et le Jazz en ingrédients principaux. Originellement sortie en tant que mixtape le 14 février 2009 sur son myspace, Blu décide de sortir la version masterisée le mois dernier sur New World Color, le label qu'il possède avec Mainframe. HerFavoriteColo(u)r passe donc du statut de tape à celui de LP, à mes yeux il s'agit comme d'une reconnaissance, d'autant plus qu'il s'agit du véritable premier solo du rappeur qui est également producteur… et c'est sans doute son projet le plus personnel, le plus abouti aussi.
L'amour est sûrement l'une des plus grandes inspirations musicales, de la même manière il est aussi une très grande inspiration pour le cinéma. Le lien entre les deux allez-vous me demander…? Beaucoup d'autres avant lui ont utilisé le sample de films, un dialogue par ci ou par là inséré parfois aléatoirement entre un couplet et un refrain, cela, nous connaissons tous. Sauf que Blu, lui, ne se contente pas seulement de combler les minutes avec des bouts de dialogues. Le titre d'introduction "Love" comporte à lui seul la présentation de ce qui va suivre par le biais de dialogues provenant au moins de trois films différents:
" Remember we used to call you gayboy, you get all mad.
What's that?
We used to call you gayboy, remember ...
you'd be fine and then we
call you gayboy you just freak out
We were calling you gay and you got so mad
you threw the hammer through the door.
You remember?
I don't remember that!
Yes you do!
We're calling you gayboy and you got so mad."
- Punch Drunk Love
*****
"May I turn this on?
Fire one.
So what happened in your opinion?
That's your first question?[…] Well no comment. Who told you that? No goddamnit, I'm only 52… How about we start out with some stock dialogue? Her favorite color, blue?"
- The Life Aquatic With Steve Steve Zissou
*****
"Right off the bat, I'd like to apologize, all right? I'm gonna apologize…
Now, what I need you to do is I need you to come to my parents' house with me, all right? Pretend to be my wife. Acting, all right? Today's your big debut, your big break. This is acting, all right? You're my wife."
- Buffalo '66
Cette première track marque le coup avec efficacité, il y a une pertinence dans ses choix qui peut être clairement identifiée, trois dialogues au ton conflictuel de trois films différents, nous permettant de mettre en corrélation les obstacles de la vie amoureuse. Il n'y rappe pas encore, mais laisse un accompagnement au piano nous mettre dans le mood.
Ce que je retiens principalement de cet LP est certainement la qualité des samples utilisés, en commençant par le "Am I Blue" de Billie Holiday qui a été utilisé pour "Amnesia" ou une reprise de son "Getting Some Fun Out Of Life" sur la "When(Terlude)". De Marvin Gaye à Radiohead, il se les ait approprié pour que chaque beat crée oeuvre à l'installation de cette atmosphère si mélancolique et nostalgique.
Ce que certains pourront reprocher à cet album/ep/whatever est sa courte durée, 30 minutes environ, qui pour le coup rapproche HFC peut être plus à un EP, mais uniquement de ce point de vue. Il faut par ailleurs souligner que Blu ne rappe sûrement pas autant que l'on aurait pu espérer, mais ceci peut partiellement s'expliquer par une certaine volonté de l'artiste à faire ressortir le caractère instrumental de l'album. Cela sera considéré comme une faiblesse pour certains, une force pour d'autres, d'autant plus que même si son temps à spitter est plutôt réduit, sa versatilité est toujours bien présente. A mon avis il n'est pas prétentieux de le qualifier un des meilleurs emcees de sa génération, si ce n'est le meilleur, tout dans sa démarche artistique montre une disposition à susciter l'étonnement et la surprise. Il est là où on ne l'attend pas et il s'en fout.
HerFavoriteColo(u)r se termine sur un dialogue "Peace" du film "Paris, Je T'aime" sur la première version de l'album, la version masterisée nous offre un titre bonus "GurlFriend". C'est donc sur un ton léger et innocent que Blu termine cette histoire d'amour, cette histoire d'amour bien à lui qui me fait un peu rêver.