Alors que les soupçons sur l’aide qu’aurait apportée l’Algérie au régime de Kadhafi ne se sont toujours pas éteints, le président Abdelaziz Bouteflika vient de se démarquer de nouveau en exprimant publiquement son soutien au président Ali Abdallah Saleh du Yémen, confronté à une révolution démocratique réprimée dans le sang, et auquel il a présenté «au nom du peuple et du gouvernement algériens et en mon nom personnel» ses sincères félicitations ainsi que ses «meilleurs vœux de santé et de bonheur pour vous-même, de progrès et de prospérité continus pour le peuple yéménite frère».
Dans ce message adressé jeudi à l'occasion des 21 ans de réunification du Yémen, le chef de l’Etat algérien a fait part au dictateur yéménite de sa «détermination à continuer à œuvrer avec vous pour le développement des relations de fraternité et de coopération qui lient nos deux pays dans l'intérêt des deux peuples frères». Alger, autrefois la «Mecque des révolutionnaires », carrefour des rebelles du monde en ébullition, Alger aujourd'hui interdite aux marcheurs et aux amoureux, aux rêves et aux légendes, Alger cité d'un vieil instant d'euphorie, tend la main en cette année 2011, aux dictateurs bousculés par leurs peuples. Ce n’est pas la première fois que le pouvoir est surpris dans cette position hostile aux révolutions arabes. Les officiels algériens, par la voix de Daho Ould Kablia sur France 24, et Mourad Medelci dans la presse internationale, ne cachent plus leur inquiétude devant le processus démocratique dans les pays voisins. Dernier en date, le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Daho Ould Kablia, qui vient d'accorder un entretien au quotidien arabophone Echourouk et qui le dit franchement : «Les rebelles libyens étaient les premiers à nuire à l’Algérie.
Je pense que s’ils parviennent au pouvoir en Libye, les relations entre les deux pays seront tendues et instables». Avant lui, dans son discours du 15 avril, Bouteflika a clairement réaffirmé cette ligne. «L'Algérie suit, naturellement, les mutations en cours sur la scène internationale, particulièrement celles survenues dans certains pays arabes. Face à cette situation, l'Algérie réaffirme son attachement à la souveraineté des pays frères et à leur unité, son rejet de toute ingérence étrangère et son respect de la décision de chaque peuple découlant de sa souveraineté nationale.» Deux jours auparavant, Abdelaziz Belkhadem, secrétaire général du FLN et représentant personnel du président de la République, a tenté de minimiser l’ampleur des révoltes populaires dans les pays arabes. Des révoltes qui ont déjà entraîné la chute, et accessoirement le jugement, de deux dictateurs, Hosni Moubarak et Zine Al Abidine Ben Ali, en Égypte et en Tunisie. «En Algérie, nous avons une haute idée de la révolution. La révolution doit avoir des objectifs et une direction», a déclaré le chef du FLN. Belkhadem, lui, s’est ouvertement attaqué à l’opposition libyenne. Les opposants libyens ont fait appel à l’Otan pour massacrer leurs frères. Nous, nous avons combattu l’Otan», a-t-il déclaré lors de l’émission «Hiwar Essaâ» («Débat de l’heure »), diffusée mercredi 13 avril sur la chaîne A3 de l’ENTV. Le premier responsable du FLN, qui n’a, à aucun moment, évoqué ces exactions des proches de Kadhafi, s’est attaqué aux insurgés libyens qui ont parlé de l’existence de «milices algériennes» aux côtés des milices du tyran de Tripoli.