On pourrait croire que le monde s'est arrêté, dimanche 15 mai. Même le tour de France de Nicolas Sarkozy, qui s'est poursuivit ces dernier jours, est apparu terriblement vide. « La France s'arrête, mais le monde tourne » écrivait notre confrère Marc Vasseur. Les conseillers de Nicolas Sarkozy croient que leur mentor a le champ libre, face à un François Hollande sans expérience internationale. A quelques jours d'un nouveau et inutile G8, l'INSEE vient de livrer plusieurs études consternantes sur l'état du pays.« It's the economy, stupid ! » scandaient les supporteurs de Bill Clinton en 1992, quand cet obscur gouverneur de l'Arkansas terrassa George Bush senior, président sortant et victorieux de la première guerre en Irak.
« Et l'économie, ducon ? »
Pouvoir d'achat en berne
Dans la métallurgie, le patronat a développé tout récemment une idée étonnante : faire varier les salaires en fonction de l'activité. Cette proposition, héritée d'un autre âge, ne saurait faire oublier la belle arnaque du discours salariale : le pouvoir d'achat, qui aurait prétendument augmenté (modestement) l'an dernier en France se calcule statistiquement à partir du niveau des revenus d'une part, et d'une inflation globale, d'autre part.
Or cette dernière inclut des produits et services coûteux (télécommunication, luxe, etc) qui concernent moins les classes populaires que nombre de dépenses essentielles (logement, loyer, taxe d'habitation, redevance audiovisuelle, eau, éclairage, chauffage, assurance auto-moto, frais de santé, assurance habitation, alimentation de base, etc) qui, elles ont augmenté plus rapidement que l'évolution des bas revenus et des minimas sociaux que Laurent Wauquiez voudrait plafonner. Comme l'écrit un confrère, « il est clair que le pouvoir d'achat des moins riches, à drastiquement chuté, ces 5 dernières années ».
C'est tout l'intérêt des récentes études de l'INSEE sur la précarité énergétique et les dépenses de logement, des services de base pour les Français les moins fortunés.
Logement plus cher
Trois études concernant le « bien-être matériel des ménages dans un contexte de crise ». Le constat général est simple et connu, mais cette fois-ci il est aussi étayé par quelques chiffres: le logement coûte de plus en plus cher aux ménages.
Premier facteur, la pénurie de logements a fait s'envoler les prix d'acquisition : de 1998 à 2010, le prix des logements anciens a progressé de 141%, contre +43% seulement pour les revenus des ménages sur la même période. La défiscalisation des intérêts d'emprunts immobiliers du paquet fiscal de 2007, annulé pour 2011, n'a servi à rien.
Moins fortement qu'aux Etats-Unis ou en Espagne, les ménages s'endettent également davantage : ils sont 30% à rembourser un emprunt immobilier, pour un montant moyen mensuel de 745 euros par mois. L'endettement est privilégié par les ménages aisés (55% d'entre eux), tandis que les ménages modestes sont évincés de l'accès au crédit.
Les tarifs de location ont augmenté moins fortement (les hausses étant freinées par la réglementation), mais tout de même de 33% sur la période, soit 12 points de plus que l'inflation moyenne.
Si l'on ajoute les dépenses énergétiques et les charges connexes, un ménage français consacre 28,5% de son budget aux dépenses de logement en 2006 contre 25,8% en 1996.
Précarité énergétique en hausse
L'INSEE a également mesuré la « précarité énergétique » : 14% des ménages, soit 3,8 millions, consacrent plus de 10% de leur budget mensuel pour se chauffer ou s'éclairer. « 281 000 ménages consacrent plus de 15 % de leur revenu aux dépenses d’énergie ».
La précarité énergétique se mesure aussi à l'inconfort thermique : « plus d'un ménage modeste sur cinq déclare souffrir du froid dans son logement ». Et les plus exposés au froid sont, sans surprises, les familles monoparentales, les inactifs et les chômeurs : « un tiers d’entre elles déclarent un inconfort thermique, contre 16 % des personnes seules ; 40 % de ces ménages sont logés dans le parc social (17 % en moyenne) et 47 % appartiennent à la catégorie des ménages les plus modestes, ce qui explique leur particulière vulnérabilité. » 48% des ménages exposés au froid se chauffent à l'électricité.
Créations d'entreprises en baisse
Depuis janvier, quelques 196.000 entreprises ont été créées en 4 mois, dont 101.000 auto-entreprises. Serait-ce une bonne nouvelle ? Non. Les créations d'entreprises ont gravement chuté par rapport au mois de mars dernier, -22,8 % pour les créations hors auto-entrepreneurs.
La baisse est de 18% sur le trimestre, et de 7,7% sur 12 mois glissants. La reprise ? Quelle reprise ?
Chômage de masse
Le chômage baisserait, s'est réjouit Marc Landré, du Figaro, vendredi 20 mai. Ben voyons ! L'UNEDIC prévoit 138.000 sans-emploi de moins en 2011 (la fameuse catégorie A sur laquelle le gouvernement fixe tous ses commentaires). Le journaliste précise aussi tôt : la reprise passe d'abord par les petits boulots. « Mais cette baisse sera en grande partie effacée par la poursuite de la hausse du nombre de demandeurs d'emploi ayant eu une activité réduite (catégories B et C) ou étant dispensés de recherche : + 98.000 personnes. » L'uNEDIC croit que l'emploi à temps complet ne reprendra qu'en 2012, année électorale.
D'ici 2012, Nicolas Sarkozy aura fort à faire pour masquer la situation économique réelle du pays au profit de sujets et prétextes internationaux plus faciles. Et il sera temps de rappeler un vieux slogan qui fêtera ses vingt ans l'an prochain.
« Et l'économie, ducon ? »