Passionnant petit livre. Edouard Tétreau, ancien analyste financier, y fait le point sur le volcan financier qui se trouve sous nos pieds. L'activité économique mondiale est en effet assise sur un montant extravagant de dollars, dont la valeur pourrait à tout moment être très fortement dépréciée. Il craint en effet que, comme en Allemagne en 1923 ou comme en France lors de la crise des assignats, l'hyperinflation finisse par toucher les Etats-Unis et par mettre à plat leur économie.
Il est réjouissant de lire des remarques fort acérées sous la plume d'un financier qui reste très bien introduit (il est membre du CA du Committe for Economic Development, fondation qui s'est chargée, dans les années 50, de collecter les fonds pour financer le plan Marshall).
Par exemple, que les "banques [ont] perdu tout sens des responsabilités, préférant détourner des crédits utiles à l'économie réelle et à nos sociétés, au profit d'une poignée de financiers et de robots de marché, sans que l'on sache véritablement lequel des deux mène l'autre."
Ou que l'inflation est sous-estimée par trucage statistique massif y compris de l'INSEE, notamment en excluant les coûts du logement.
Sur le constat, je n'ai pas de mal à le suivre.
Je comprends moins ses opinions géopolitiques.
Pour réduire l'impact du comportement extravagant des Etats-Unis, qui inondent la planète d'une monnaie à la qualité douteuse, il suggère un renforcement de l'Europe et même une fusion franco-allemande.
L'Union européenne a, à mon avis, raté sa chance. L'euro pouvait, en effet, être un outil de rééquilibrage des relations monétaires mondiales. Il aurait fallu, pour cela, que les gérants de l'euro poussent cette monnaie : que l'Union achète son pétrole en euros et vende ses Airbus dans la même devise. L'Union ne l'a pas fait parce qu'elle ne peut pas le faire : elle n'a pas l'unité, la cohérence, l'existence, que quelques rêveurs lui prêtent.
C'est si vrai que Tétreau, au détour d'une page, vante de Gaulle qui avait su s'opposer au privilège exorbitant du dollar, et fait ensuite l'éloge de Chirac s'opposant à la guerre en Irak.
Pourtant, tous les européens de l'époque ont exécré de Gaulle pour s'être opposé aux USA.
Plus au fond, ce que Tétreau ne semble pas voir c'est que les "européens" ne sont pas un bloc cohérent. L'Allemagne est coincée dans l'Union parce que cela a été le prix à payer pour retrouver une pace sur la scène internationale. Mon avis est que les élites françaises sont ravies de l'Union parce qu'elles préfèrent retrouver à Bruxelles les élites des 27 plutôt que d'avoir à discuter avec la populace à Paris (je schématise quelque peu, certes). Bref.
On peut trouver des tas de raisons sur le papier de vouloir prolonger l'Europe. En pratique cependant, la France aurait probablement un rôle plus important en discutant, au sein du G20, avec le Brésil, la Chine, l'Inde et d'autres, d'un nouvel ordre monétaire international, plutôt que d'attendre que le couple Barroso/Van Rompuy s'empare du sujet.
On retiendra que si le dollar nous tue, l'Union ne nous rend aucunement plus forts face à ce risque. Nous apparaissons même comme les dindons de la farce : la Chine accumule en effet des dollars qui risquent de ne valoir plus rien, mais en échange elle a décollé économiquement grâce à des fonds américains, et toute l'Asie à sa suite. l'Union européenne réussit l'exploit de se faire piquer des emplois par la sous-évaluation du dollar et par le dumping chinois. Pas étonnant que nous soyons la zone à la plus faible croissance du monde, comme le faisait remarquer Olivier Ferrand (qui en conclut cependant qu'il nous faut, pour sortir de là, plus d'Europe...)
En attendant, un bouquin intéressant pour faire le point sur un aspect important de l'actualité monétaire internationale.