Parfois, on prend sur soi. Et on achète Marianne. Pourquoi ? Parce que l’hebdomadaire (n°735 - semaine du 21 au 27 mai 2011) claironne en Une qu’il a rencontré Dominique Strauss-Kahn. Une conversation « off » en date du 29 avril 2011 [1]. Mazette ! Si ça se trouve, il y a dans ces « offs » des éléments, enfin quelque chose qui pourrait nous aider à comprendre ce qui s’est passé trois semaines plus tard…. Du tout. Pourtant, c’est loin d’être inintéressant.
Oh, je vous avoue que sur trois pages entières, l’intéressant prend en tout et pour tout, un petit paragraphe... Où il est question de « Martine » et de « François ».
Il va sans dire que DSK tresse (et non : trousse) des lauriers à la première secrétaire du PS. Il va même jusqu’à confier qu’elle l’aurait emporté en 2007 face à Nicolas Sarkozy. Ségolène Royal appréciera…
Quant à « François », alors là, c’est du velu.
Il « reconnaît les qualités d’Hollande » mais… « s’il [Hollande] maintient sa candidature dans la course élyséenne au-delà du 13 juillet » DSK confie que : « sa vie politique s’arrêtera et il n’aura rien ». Ce qui signifie ?… Pour comprendre, il faut revenir à la présidentielle 2007.
En 2004, le PS – à l’en croire – « lave l’affront » du 21 avril 2002 en triomphant aux Régionales. Dans ce triomphe, un emblème, un symbole : Ségolène Royal. Elle a bouté hors de la présidence de la région Poitou-Charentes, Jean-Pierre Raffarin alors… Premier ministre. Personne alors, au Parti Socialiste, ne peut se douter que la « dame de Melle » va faire de cette victoire un incroyable tremplin. Véritablement, personne, dans ce qu’on appelle « l’appareil » du Parti ne l’a vue venir. Et pour cause : elle ne bénéficie d’aucun réseau. Elle n’incarne aucun courant.
Pourtant, elle va réussir l’impensable (même Duhamel ne l'avait pas envisagé, c'est dire ! – j'ironise, bien sûr).
On peut ne pas apprécier, pour diverses raisons, Ségolène Royal – ce n’est pas ma tasse de thé, non plus – mais ce qu’elle a fait entre 2004 et 2007, est un vrai tour de force. Elle est parvenue à rendre sa candidature à la présidentielle incontournable. Or, l’appareil du PS n’en voulait pas... Qui ne le sait pas, aujourd’hui ? Ce n’était pas leur candidate. Le « Tout Sauf Ségolène » n’était pas une invention, un fantasme, c’était réel.
Seulement voilà, les sondages (en 2006) étaient avec elle. Ils disaient que c’était la seule qui pouvait battre Sarkozy. De fait, pourquoi vouliez-vous que les militants fassent un autre choix ?... Pour avoir assisté à la dernière réunion des Primaires 2006 (le 9 novembre à Toulouse-Labège), et quand bien même étions-nous dans un fief plutôt « fabiusien », je peux vous certifier que lorsqu’elle prît la parole, les quolibets fusaient. Mais, quand j’interrogeais les rieurs, ils m’avouaient qu’ils voteraient pour elle. Parce que les sondages... Ce n’était vraiment pas leur choix de cœur.
Je ne vais pas refaire ici la liste de toutes les peaux de banane que l’appareil a glissées sur le parcours de Royal. Mais rien, rien ne lui a été épargné. Et, durant sa campagne, celle de 2007, l’appareil ne l’a pas soutenue. Pas d’enthousiasme, frilosité à la défendre quand elle s’est retrouvée en difficulté, etc. ; bref, le strict minimum.
Certes, si elle avait gagné, « ils » se seraient rangés derrière elle, mais « ils » n’y croyaient pas. Pis : « ils » espéraient qu’elle se ramasse, et pourquoi pas, dès le premier tour [2].
On connaît l’issue, c’est une défaite.
C’est là, que débute ce que l’appareil appelle « la rénovation », mais qui en réalité, est une « reprise en main » du Parti en vue de 2012.
Elle commence(ra) avec l’élection du premier secrétaire (novembre 2008).
DSK est alors Washington. Mais ses lieutenants (Cambadelis, Moscovici, etc.) sont « aux ordres », et donc, à la manœuvre. Le nom du premier secrétaire est validé, ce sera Martine Aubry. Point barre. Seulement voilà, Ségolène Royal ne l’entend pas de cette oreille. Encore une fois, elle étonne son monde. Sa motion est majoritaire. Vous connaissez la suite… Tricherie ou pas ? Bourrage des urnes ou pas ? Quoi qu’il en soit, comme prévu, c’est Martine Aubry qu’est élue.
Fin du premier acte.
A partir de là, une stratégie se met en place. Elle est simple : « on » va verrouiller les Primaires. Pas question de se faire « doubler » comme en 2006. C’est le fameux « pacte de Marrakech ». Un pacte, qui, on le voit bien, a été conclu bien avant !... Mais bon, restons sur ledit pacte de Marrakech... Il se contracte entre quels protagonistes ? Martine Aubry, Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius. Intéressant, non ? Oh que si ! Car dans ce pacte on retrouve les deux vaincus de la Primaire 2006 : DSK et Fabius. Que le monde du PS est petit, n’est-ce pas ?...
On connaît la nature du pacte. DSK sera le candidat du Parti, l’appareil, pour 2012, mais, si jamais, pour une raison X, il ne pouvait se présenter, alors « tout le monde se rangera derrière Martine »... Mais qu’est-ce qui pourrait empêcher DSK « d’y aller » ? Vu que tout est borduré. N’est-ce pas le tout-puissant Directeur Général du FMI, qui pendant la « crise » aura fait « un excellent travail » ? Un homme dont la stature est clairement « internationale » !
Certes, il y aura une « alerte » en octobre 2008. La fameuse « affaire Piroska Nagy ».
Il ne faut, à ce propos, jamais oublier que concernant cette « affaire » les médias américains ont été particulièrement sévères et virulents avec DSK. Bien plus que nos « complaisants» médias français… Mais qu’en disaient les socialistes à l’époque ? Eh bien ils étaient tous derrière DSK. Y compris, à droite... Il faut relire les déclarations, elles sont éloquentes. En voici une d’un strauss-kahnien :
« S’il est blanchi, on se dira juste qu’il est incorrigible. S’il est contraint de quitter le FMI (…) c’est un gâchis » [Libération – 20 octobre 2008].
« Incorrigible »... Que voilà un terme qui résonne particulièrement aujourd’hui !
Tout comme celui de « gâchis »…
Un autre de ses proches (toujours dans le quotidien Libération du 20 octobre 2008) déclarait que :
« Son seul schéma pour 2012, c’est sa réussite au FMI. Une démission lui fermerait les portes »...
Et que dire de cette phrase :
« Il est important qu’il sorte du FMI proprement »…
Mais l’affaire se tasse puis se résout, DSK reste en place, tout le monde oublie, le voilà intronisé « sauveur de l’Europe » et, cerise sur le gâteau, coucou, voilà les sondages. Ils ne le donnent pas vainqueur pour 2012, mais triomphateur. DSK « écrase » Sarkozy.
Fin du deuxième acte.
Le troisième acte, on le connaît, il est « sidérant ».
Mais que ce troisième acte ne nous fasse pas oublier les deux premiers. Tant ils en disent long sur les Primaires 2011. Un simulacre, en vérité.
Reprenons ce que dit en « off » DSK dans Marianne :
« s’il [Hollande] maintient sa candidature dans la course élyséenne au-delà du 13 juillet (…) sa vie politique s’arrêtera et il n’aura rien ».
Que nous dit cette phrase (qui sonne comme une menace et qui est, de surcroît, particulièrement violente : « sa vie politique s’arrêtera et il n’aura rien ») ?... Sinon que DSK est persuadé de remporter les Primaires !... Tout est fait, organisé, planifié, pour qu’il soit le vainqueur (et les sondages sont avec lui, comme ils l’étaient en 2006 avec Ségolène Royal). Il ne peut pas y en avoir d’autre(s).
Et quand il dit : « il n’aura rien », il est déjà Président de la République ! « Rien » ça veut dire : aucun ministère. Pas même un poste de sous-secrétaire d’Etat !
Or donc, ce sera « la fin de sa vie politique » (vu son âge). Ainsi, en a décidé « l’appareil » du PS : si François Hollande se « maintient », il sera châtié...
Mais quel aveu ! La preuve (en creux) que ces Primaires ne sont qu’une vaste entourloupe.
Oh oui, il y aurait eu un vote, mais l’affaire, vous le voyez bien, était pliée... Ce n’est pas tricher, nous sommes d’accord, c’est juste de la politique politicienne, ou comment rendre évident un choix (ou : forcer un scrutin). Aussi évident que celui (contraint) de 2006.
J’en suis fort marri, mais je dois reconnaître que sur ce coup-là, c’est le triste Zemmour qu’avait vu juste quand il assénait que « ces Primaires n’étaient que du pipeau ». Tu m’étonnes ! Elles sont (étaient, plutôt) « verrouillées ».
Mais voici le quatrième acte. DSK est « out ». François Hollande (tiens donc !) devient le nouveau favori... des sondages. Or, l'appareil n'en veut pas. C'était « Dominique » ou « Martine ». Personne d'autre(s)...
Et l’on voit bien ce qui est train de se passer.
Et qui ne fait que confirmer la thèse des Primaires « bidons ».
Bartolone, lieutenant de Fabius (un des trois du pacte) demande à ce qu’on annule les Primaires et que les socialistes se rangent derrière la première secrétaire. Il n’est pas le seul. Même si tous ne parlent pas de liquider les Primaires. Mais on voit, et très clairement, que les uns, les autres, activent les courants, les réseaux, font pression sur, pour qu’au final, il y ait un vaste mouvement, quasiment une vague, en faveur de Martine Aubry. Parce qu’elle est est LA « candidate (par défaut ou de substitution) » de l’appareil. Et qu’il est hors de question que des « urnes » sorte un autre nom que celui validé par le Parti. Il n’est pas question de revivre 2007.
CQFD.
Mine de rien, cette « petite phrase » de DSK, dans ce numéro de Marianne, est un autre « (petit) coup de tonnerre ».
Décidément, cet homme a(vait) bien des « failles ». Bien trop de certitudes. Péché de vanité. D’orgueil.
Mais par lui, et à travers lui, on parvient à tout démêler. Petit à petit. Et ce n’est pas fini…
Quant aux Primaires, « sympathisants de gauche » vous savez désormais ce qu’elles valent. C’est à vous de jouer.
Si, bien sûr, elles ont lieu…
[1] L’entretien s'est tenu le vendredi 29 avril 2011, dès 13 heures, dans un salon particulier d’un restaurant du XVIIème arrondissement parisien. Etaient présents, outre DSK, les journalistes Maurice Szafran, Jacques Julliard, Nicolas Domenach, Denis Jeambar, et Anne Hommel, chargée des relations de DSK avec la presse française.
[2] A quelques jours du premier tour de la présidentielle 2007, le 19 avril, nous (Sud Radio) recevions François Hollande. Et là encore, ce fut ce qu’il nous confia en « off » (pendant les coupures pub) qui nous intrigua... Plusieurs fois, il nous demanda si nous pensions que Ségolène Royal pouvait passer le premier tour. Insistant sur le score « sondagier » de Jean-Marie Le Pen, peut-être « sous-évalué » d’après lui.
Bref, il craignait, manifestement, un autre « 21-avril ».