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Les primaires, envers et contre tout

Publié le 21 mai 2011 par Variae

Comme on pouvait s’y attendre, le DSKgate, non content d’avoir mis un coup d’arrêt brutal à la trajectoire politique immédiate du principal intéressé et de ses amis, n’en finit plus de secréter des conséquences pour le Parti socialiste et son avenir proche. Parmi elles, la remise en cause des primaires, pourtant dûment votées par les militants et soutenues par la grande majorité des responsables socialistes lors de leur adoption. Qu’importe, elles sont désormais sur le banc des accusés sous la plume de blogueurs, sympathisants ou dans la bouche de responsables socialistes, avec des expressions variées : qu’on les arrête, qu’on les gèle, qu’on se rassemble, qu’on les mette entre parenthèses (bientôt le moratoire ou la mise sous tutelle ?).

Les primaires, envers et contre tout

Il faut commencer par remarquer que cette tentation n’a rien de nouveau. Sitôt ratifiées, les primaires ont été régulièrement soumises à des tentatives d’annulation ou du moins de minoration, avec l’élaboration très tôt par Laurent Fabius du curieux concept de « primaires de confirmation ». Aujourd’hui, le bénéficiaire longtemps attendu de la confirmation en question, DSK, semble hors-jeu, mais l’idée revient, soit avec des arrière-pensées en faveur de telle ou telle candidature, soit dans un réflexe apeuré et un peu conservateur (« restons groupés et il ne nous arrivera rien »).

Aujourd’hui comme hier, cette position me semble intenable. Sans même évoquer le respect du vote militant, je vois plus de raisons objectives de maintenir (et même de renforcer) le dispositif des primaires que de l’amputer.

Premièrement, dans un contexte de forte abstention et de discrédit de la politique, la gauche et les socialistes ne peuvent gagner qu’en enclenchant une dynamique populaire forte dans le pays. Le plan « regroupons-nous autour de notre champion olympique des sondages, ne touchons à rien et mathématiquement on gagne » était déjà plus que douteux, il devient carrément indéfendable en l’absence dudit champion. Le projet socialiste doit être enrichi, et des risques pris face à un adversaire probable (Nicolas Sarkozy) prêt à tout. Il faudra donc se mettre en danger d’une manière ou d’une autre ; le repli dans l’entre-soi d’un parti bien affaibli n’est pas une option sérieuse.

Deuxièmement, même si la France ne pleurerait pas la disparition des primaires (et encore, c’est à voir), le choc en retour, en termes de crédibilité, serait très dur. Qu’est-ce que ce parti qui annule au dernier moment la procédure dont il a fait la promotion dithyrambique depuis deux ans ? Pourquoi tant de fébrilité ? Par ailleurs, les dégâts seraient encore plus lourds en interne. La promesses des primaires a été, de fait, la seule vraie rénovation qu’a connue le PS depuis le congrès de Reims en 2008. Pour beaucoup de militants, un revirement à ce sujet serait sans doute la goutte de trop dans un vase déjà bien rempli. La démobilisation qui s’ensuivrait serait terrible.

Troisièmement, personne n’explique clairement en quoi devrait consister, concrètement, le rassemblement sans primaires suggéré. Soit tous les candidats se désistent en faveur d’un seul – mais il faut être raisonnable, une connaissance, même minime, des relations entre les candidats restant en course rend cette hypothèse à peu près aussi crédible qu’une démission de Nicolas Sarkozy. Soit un candidat pensant « tenir » l’appareil tente un coup de force – il n’y aurait alors pas de meilleure voie vers l’éclatement du PS ou la multiplication de candidatures hors parti. Soit enfin on se résout à une désignation « à l’ancienne », par un congrès extraordinaire, un vote des militants ; mais alors on aura bien un affrontement … sans la dynamique populaire !

Quatrièmement et surtout, la gauche et le pays ont besoin de refaire de la politique. Pendant qu’on parle de DSK et de ses exactions supposées, pendant qu’on débat de morale publique à la petite semaine et des mérites comparés de la justice et du journalisme des deux côtés de l’Atlantique, on perd un temps précieux pour développer un projet de société, crédibiliser la possibilité d’une alternative au sarkozysme, et accrocher celui-ci sur son bilan et son absence totale de perspectives. Un grand débat populaire tel que celui des primaires ouvertes peut, seul, casser cette spirale infernale qui va, sinon, se nourrir encore durant des mois et des mois des dernières révélations voyeuristes sur les coucheries d’untel ou d’untel.

Pour toutes ces raisons, la question des primaires ne doit même pas être posée. Il faut les organiser, faire tout ce qui est possible pour les élargir, créer les conditions d’une confrontation de programmes et de personnalités, et pourquoi pas accélérer un calendrier qui était – c’est un secret de Polichinelle – déterminé par la date de retour de DSK en France.

Romain Pigenel


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