La plupart des fois, lorsque des activistes ou des politiciens font de l’agitation en présentant l’éventail d’un changement par la prise de pouvoir, il est souvent épatant de noter le déphasage avec le peuple. Ils se comportent souvent comme si de fait, ils seront suivis et les faits démontrent bien souvent qu’il y a quelque chose qui cloche. Cet article ne se veut pas une panacée, mais une piste pour penser et agir autrement.
En général, le peuple, soumis et inféodés par les thuriféraires des régimes en place, ont besoin d’un quelque chose qui les mette en mouvement, d’une sorte d’électrochoc. Au Cameroun, en 92 lorsqu’il y a eu le sentiment d’une renaissance autour d’un leader charismatique, le peuple est allé voter massivement Ni John Fru Ndi et a suivi avec minutie le mot d’ordre des villes mortes. Plus tard quand il a eu le sentiment de ne pas se trouver en phase avec une force capable de faire émerger sa volonté, il s’est tourné vers autre chose…c’est-à-dire le silence. Ce n’est qu’avec l’avènement de l’ADDEC que l’on a observé dans la moitié des années 2000 une nouvelle puissance sociale que l’on a retrouvé en 2008 à l’occasion des émeutes de février 2008.
Dans tous ces cas de figure, ce qui a fait la différence, c’est une force capable de mettre en mouvement le peuple. Mais dans le fond, cette force s’est toujours retrouvée dans les questions de fonds. Le peuple a toujours eu l’impression d’être en face d’une solution pour lui avant de se mobiliser. Le discours politique de Ni John Fru Ndi en 92 était différent et présentait une sorte d’alternative socio-économique puissance et bien encadrée. Celui de l’ADDEC dans les années 2005 avait le même caractère : quelque chose de bien construit, de cohérent et de puissant. Quelque chose de crédible. Et les émeutes de 2008 ont reposé sur une idée de changement profonde portée par des problèmes déjà trop ressurgissant.
La mentalité débonnaire, enfouie, handicapée, se réveille chaque fois qu’elle a l’impression d’une solution réelle, cohérente et puissante. C’est l’une des raisons pour lesquels le réveil des mentalités est difficile dans la plupart des contextes africains et au Cameroun en particulier. Trop préoccupés par l’action, les politiques et agitateurs ne font plus un travail qui puisse réveiller, même brutalement les consciences…Ils travaillent comme si celles-ci sont acquises. Elles le sont de manière enfouies…il faut réveiller cela.
Les hommes politiques ont contribué en premier à laisser l’impression qu’il n’y avait aucune cohérence et aucune puissance dans leurs actions. Les agitateurs sociaux aussi. Peu ont tenu un travail d’explication qui permette aux gens de prendre conscience d’un vrai possible et de sa puissance. La vérité est aussi que beaucoup n’avaient pas ce possible.
Il est important avant d’engager simplement une dynamique d’agitation de lui donner un caractère de solution possible et puissante. Il faut que l’agitation puisse apparaitre pour le peuple comme ce qui PEUT faire quelque chose….comme ce qui VA faire quelque chose…comme ce pour quoi il peut se battre et se sacrifier.
Aujourd’hui, il y’a une immense peur de se battre et de se sacrifier pour des agitations qui n’en valent pas la peine, pour des choses qui ne vont déboucher sur rien. Tous les acteurs d’une dynamique de prise de pouvoir doivent faire très attention sur ce point. Il ne s’agit pas de faire des mails, des articles, des vidéos sur internet (nous reviendrons sur la méthodologie), mais de semer par des moyens populaires une conscience du possible…de puissance. Les gens interprèteront toujours les signaux et les communications qui leur sont donnés avant de s’engager. Ils ne manqueront pas de voir que celui qui les envoie dans la rue ne manque pas de bons sandwichs dans son studio à New york…ou se garde bien de sortir de sa belle villa…ils ne manqueront pas de remarquer les détails qui feront de tout mouvement et des leaders de ces mouvements. Ils seront sensibles à l’information donnée à voix basse par l’adversaire et apprécieront l’impact d’une dynamique en lien avec cette information. Ceci fera des leaders des dynamiques de changement, des héros ou des traitres, des personnes respectées ou des salauds qui se moquent des gens.
Mais il faut que tout ceci soit bien expliqué au plus grand nombre et par des moyens populaires.
Le discours « Biya must go » ne sera jamais efficace parce qu’il ne représente rien d’autre que de la simple frustration. Il faut lui donner un contenu, un contenu de possible et de puissance. Il faut que les gens aient envie de porter au-delà du slogan, cette réalité simplement parce qu’ils voient et croient que ceux qui les entrainent dans cette dynamique ont les moyens de les y conduire au bout et de les faire déboucher sur quelque chose…C’est cela l’électrochoc à la mentalité dégradante, rétrograde et esclavagées aux systèmes en place depuis des années.