Bis repetita. Si jamais la France et l’Eurogroupe propulsaient Christine Lagarde à la tête du FMI, ils commettraient une grave erreur doublée d’une provocation inutile. Comme l’était DSK, Christine Lagarde est louée par le microcosme de la finance internationale pour ses qualités professionnelles. La ministre n’en reste pas moins sous la menace d’une procédure dans l’affaire Tapie-Crédit Lyonnais pour “abus d’autorité“. Autrement dit, elle est suspectée d’avoir imposé à l’administration de Bercy le recours à un arbitrage privé qui s’est révélé au final très favorable au sulfureux Bernard Tapie.
Une condamnation pénale du successeur de DSK constituerait un nouveau scandale et un second camouflet pour la France. La Tribune de Genève se demande ainsi si la candidature de Christine Lagarde ne constitue “une bombe à retardement“. La Belgique se démarque de l’euroconsensus pour partager cette interrogation. Le plat pays voit dans Didier Reynders son ministre des finances un potentiel successeur à DSK.
Tout irait bien pour madame la marquise et sa coiffure grise si son anglais parfait ne risquait d’être couvert par celui d’une encombrante casserole. Fin 2007, Christine Lagarde avait ordonné la désignation de trois juges-arbitres pour mettre un terme au litige opposant depuis douze ans Bernard Tapie au Crédit Lyonnais dans le cadre de la vente d’Adidas. Pour sa part l’homme d’affaire estimait avoir été spolié lors de la vente d’Adidas, quinze ans plus tôt, par le Crédit Lyonnais, alors banque publique.
Six mois après avoir été saisi, le tribunal arbitral condamnait en juillet 2008 le CDR, structure gérant le passif de la banque, à verser 385 millions d’euros à Bernard Tapie dont 240 millions d’euros de réparation, une centaine de millions d’euros d’intérêts et 45 millions d’euros pour préjudice moral.
Début avril, sur la base de conclusions de la Cour des comptes reprises dans un rapport d’information de la commission des finances de l’Assemblée nationale, des députés socialistes adressaient un courrier au procureur général, M. Nadal pour obtenir la saisine de la Cour de Justice de la République, au motif notamment que la ministre de l’Economie aurait commis un “abus d’autorité” en choisissant de recourir à un tribunal arbitral privé plutôt que de s’en remettre à l’institution judiciaire classique.
Après avoir demandé au ministère de l’Economie, à la Cour des comptes et à la commission des Finances de l’Assemblée nationale des éléments complémentaires, le parquet général devait conclure que “l’ensemble de ces pièces a permis au procureur général de relever de nombreux motifs de suspecter la régularité, voire la légalité du règlement arbitral litigieux pouvant caractériser le délit d’abus d’autorité“. Il saisissait en conséquence la commission des requêtes de la Cour de Justice de la République pour décider d’ouvrir ou non une enquête visant Christine Lagarde. La décision devrait être rendue à la mi-juin.
Nicolas Dupont-Aignan, député et président de Debout la République (DLR) est l’un des rares hommes politique à s’être publiquement déclaré hostile à la candidature de Christine Lagarde à la tête du FMI. “Il serait préjudiciable à son action que le Fonds monétaire international (FMI) soit dirigé par une personnalité soupçonnée d’un possible abus de pouvoir ayant coûté la bagatelle de 385 millions d’euros au contribuable français“, estimait vendredi dans un communiqué le député souverainiste qui ne cache pas sa crainte de voir éclater “un deuxième scandale” pour la France.
Au moment où les classes moyennes européennes sont condamnées à des cures d’austérité, où les jeunes espagnols vont dans la rue pour manifester leur défiance à l’égard de la classe politique et où enfin les pays émergents revendiquent une place plus juste dans les institutions internationales le choix de l’ancienne dirigeante du premier cabinet d’avocat au monde, Baker & McKenzie, prend des airs au mieux de maladresse, au pire de provocation.
Suffit-il d’être une avocate d’affaires anglophone sans qualification monétaire pour diriger le FMI et si oui, avec quel programme si ce n’est de préserver les intérêts des classes possédantes et des vieux pays industrialisés ?