Titre : Francis, T1 : Blaireau Farceur
Scénariste : Jake Rayna
Dessinateur : Claire Bouilhac
Parution : Avril 1996
Francis est un blaireau… Un vrai, un animal… Il se promène donc dans la campagne et plein de choses (souvent terribles) vont lui arriver. Avec un pitch pareil, difficile de croire que cette BD peut être passionnante et pourtant on la dévore d’une traite. Créé il y a quinze ans, le personnage de Francis a eu droit à cinq tomes, tous thématiques. Dans ce premier tome, intitulé « Blaireau farceur », Francis se promène. Dans les autres, il va « rater sa vie », « sauver le monde » ou « chercher l’amour ».
Le titre de l’ouvrage, qui pourrait paraître anecdotique, a une vraie influence sur le contenu. En effet, « Francis » est une œuvre basée sur des strips de 6 cases. La première case est toujours la même et annonce : « Francis se promène dans la campagne ». Dans les autres tomes, la première case n’est donc pas la même. Evidemment, dans ce tome, la première case n’a quasiment aucune importance puisqu’elle ouvre toutes les possibilités. Cependant, certains gags s’amusent du pitch de départ, comme quand Francis se demande pourquoi il se promène dans la campagne, d’où il vient et où il va…
Claire et Jake déroulent le tapis rouge à l’humour noir. La chute est souvent dramatique et les meurtres, suicides ou autres morts accidentelles sont fréquentes. De même, le manque de morale total de Francis mène à des situations complètement absurdes où, après avoir tué trois personnes, il finit par épouser la femme de l’une de ses victimes…
Le côté animalier a un vrai sens ici. Là où certains auteurs utilisent les animaux par seul souci esthétique, ici un véritable aspect bestial ressort. Certes, les bêtes sont humanisées et manipulent des objets, mais c’est uniquement quand il y en a besoin. En montrant des animaux vivant sous la loi de la campagne (à défaut de la jungle !), les auteurs insistent sur le parallèle avec les hommes.
Le point fort de cette série est le côté complètement débridé. Il arrive tout et n’importe quoi à Francis. Il va devenir travesti, prisonnier de guerre, immigré… Les situations sont vraiment variées et originales. En revanche, elles font que le seul fil conducteur est le personnage de Francis, finalement assez flou (puisqu’il n’arrête pas de changer de comportement).
L’humour noir apporte des fins souvent surprenantes, mais à force des lectures, on tend à deviner la fin. Or, les auteurs parviennent à faire des chutes à humour noir non-prévisibles et complètement à contre-pied. Pour cela, ils utilisent le fait que tout se faire sous forme de narration. En effet, il n’y a pas de dialogue dans « Francis » (où alors à la forme indirect). Les auteurs profitent donc plusieurs fois de la confusion possible de la langue française pour nous mener en erreur. Un petit exemple : « Francis décide donc de son opération » indique en fait l’opération de sa femme, pas de lui. L’ambiguïté n’existe même pas car les cases précédentes créent un sentiment de compréhension. Cet aspect-là est de loin le plus original de « Francis ».
Niveau dessin, j’aurais plus de réserve. Le trait est très simple, en noir et blanc, façon strip américain. Cependant, des irrégularités dans le lettrage ou certaines confusions par moment (les personnages dans un couple sont difficiles à discerner parfois) laissent penser qu’un peu plus de soin n’aurait pas été de trop. Cela reste un détail. Globalement, la lecture reste agréable mais le dessin est un peu inégal. Le tout se présente avec un strip par page, chaque strip étant composé de 6 cases carrées. Le petit format carré de l'ensemble est tout à fait adapté à l'ouvrage.
Au final, ce premier tome de « Francis » est une réussite. Drôle, plein d’humour noir et décalé, il surprendra par ses chutes complètement improbables. Une vraie maîtrise du strip avec un univers original et beaucoup plus marqué qu’il n’y paraît au premier abord.
par Belzaran
Note : 15/20