Jean-Marie OMONT, scénariste
Quelle a été l'impulsion de cette histoire?
Je ne suis pas directement à l’origine de l’histoire, c’est Patrick Marty. Il m’a contacté pour me dire son envie de faire une série pour enfants qui aurait lieu pendant la guerre sino-japonaise. Il m’a donné deux référence : “Le tombeau des lucioles” que j'ai préféré ne pas voir pour l'instant et “L’empire du soleil”. A partir de là nous avons commencé à travailler.
Pourquoi avoir choisi d'utiliser la seconde guerre sino-japonaise comme cadre de votre scénario?
La guerre vue à travers le regard d’enfants n’est pas chose courante. On se pose la question de l’héritage qu’il faut leur transmettre mais comment faire pour ne pas non plus choquer de jeunes enfants? Fei, l’éditrice, tient aussi à ce que chacun des projets qu’elle développe au sein de sa boîte raconte une part de l’histoire de son pays, la Chine. Pour les gens de sa génération, la guerre sino-japonaise est une plaie encore ouverte, les japonais n’ayant toujours pas reconnu leur responsabilité dans ce conflit
Est-ce typique de la littérature chinoise cette rencontre entre deux individus de milieux sociaux radicalement différents?
Je ne pense pas que cela soit typique de la littérature chinoise. C’est tout simplement un élément dramatique universel riche lorsqu'on fait se rencontrer deux personnages que tout semble opposer; cela permet de poser des situations de contrastes forts.
Peut-on qualifier cette bande-dessinée de "manga" ?
Pour être parfaitement honnête, je n’ai jamais lu un manga de ma vie. La seule chose que je sais, c’est que la lecture d’un manga commence par la fin... Je crois que c’est aux lecteurs qu’il faudrait poser cette question!! Personnellement, j'aime bien l'idée que "la balade de Yaya" a son identité propre, de par l'équipe qui la fabrique, composée essentiellement de débutants en BD ( Patrick Marty, Charlotte Girard (directrice d'écriture) et moi même venons du cinéma et Golo travaillait dans l'animation) et aussi par son format atypique.
Nous échangeons effectivement régulièrement avec Golo, essentiellement par l’intermédiaire de Fei en raison de la barrière de la langue. Pour ce qui est des décors, Golo s’est beaucoup documenté et tout ce qu’il nous propose est très proche de la réalité de l’époque. Pour les personnages, nous lui envoyons une fiche détaillée du personnage tel que nous l’imaginons (son physique, mais aussi et même surtout sa personnalité, ses défauts...). Golo nous propose alors des esquisses sur lesquelles nous demandons parfois des modifications, parfois non et nous avançons comme ça, pas à pas. Il arrive que nous soyons totalement surpris par ses propositions qui vont à l’encontre de ce que nous avions pu imaginer mais que cela soit en fait une très bonne surprise. C’est un vrai travail d’équipe où chacun peut apporter sa touche personnelle quand elle va dans le sens de l’histoire.
Combien de volumes sont prévus pour cette aventure entre Yaya et Tuduo? Quand est prévue la sortie du second tome?
Neuf tomes sont prévus au total. Le tome 2 sortira le 1er juillet et a pour titre “La prisonnière”. Nous nous sommes fixés un rythme de 3 épisodes par an.
Avez-vous fait des recherches historiques sur Shanghai avant de commencer à dessiner cette histoire?
Oui, j’ai fait énormément de recherches. Notamment d’images, de livres, de documentaires, etc… sur l’histoire de Shanghai.
Qu'est-ce qui vous a séduit dans ce scénario?
C'est une histoire intéressante et symbolique car elle raconte l’évolution des enfants tout au long de l’aventure et la manière dont ils en sortent grandis. Elle nous fait comprendre également la laideur de la nature humaine et la cruauté de la guerre. Après avoir discuté de ce projet avec le scénariste et la maison d’édition, j’ai été profondément attiré par cette histoire, je voulais la montrer au monde à travers mes mains.
Vos dessins travaillent beaucoup sur les jeux de lumière, Yaya avec sa robe jaune est un personnage lumineux: pourquoi?
La couleur du premier tome n’est pas aussi vive que ce qu’on pense, c’est plutôt une couleur gris-bleu dans l’ensemble. Vêtue d'une robe jaune, Yaya apporte une sensation de vivacité et de fraîcheur. Le portrait de la fille précieuse d’une famille riche ressort pleinement. Cela permet également de la différencier des autres personnages. Les couleurs dominantes du premier tome sont le bleu et le gris, car je pense que c’est la meilleure nuance pour représenter l'atmosphère d'avant-guerre. Et la couleur jaune de la robe de Yaya fait plus ou moins rêver naïvement les jeunes lecteurs : peut-être cette enfant va-t-elle survivre?… Mais
Vous colorez ainsi vos planches de nuances dominantes qui varient..... selon les humeurs des personnages et la gravité des circonstances?
Oui, certainement. En parallèle, cela a pour but de créer un contraste entre les différents décors. Par exemple, on note le contraste entre la couleur rose chaude de la maison de Yaya et la couleur bleu-vert pâle de la maison de Zhu.
Cette bande-dessinée s'adresse-t-elle selon vous davantage à un public jeune? L'avez-vous conçue ainsi?
Je pense que ce livre est adapté pour des personnes de tout âge. Quand je dessinais, je n’avais aucune tendance particulière à restreindre ce livre à une certaine tranche d’âge. Ma seule préoccupation était de savoir comment faire de mon mieux pour dessiner de superbes planches.
Avec quel matériel travaillez-vous vos planches et en utilisant quelles techniques?
Je fais des crayonnages sur papier et la coloration des planches sur ordinateur.
Cette bande-dessinée est-elle révélatrice d'une esthétique chinoise? Avez-vous choisi d'y appliquer un style "manga" pour mélanger symboliquement les cultures de deux peuples qui s'affrontent dans ce récit?
En fait, je me suis inspiré des grands maîtres de la bande dessinée chinoise des années 1950 et 1990: Lu Ting Guang et He You Zhi. Ce style est également révélateur de mon niveau artistique actuel. Je suis fidèle à ma propre poursuite de l’art.