Après le forfait par défaut de Dominique Strauss-Kahn, le PS va devoir régler pendant l’été la question sur son candidat à la prochaine élection présidentielle. Avec en débat une
primaire difficile à mettre en œuvre et des sondages qui vont sans doute influer sur le résultat de celle-ci.
L’ascension irrésistible de François Hollande
Certes, un candidat à la primaire se retrouve propulsé dans les sondages pour remplacer au pied levé DSK, à savoir François Hollande. Il semble qu’il réussisse le tour de force de séduire une
partie de l’électorat social-démocrate qui réfute les idées un peu trop de gauche. Pour l’instant, le transfert des intentions de vote semblerait massif dans les sondages (l’un d’eux daté du 18 mai 2011 évoquerait 29% soit 10% de plus que Nicolas
Sarkozy et Marine Le Pen à 17% : au contraire de ce qui est régulièrement entendu, la "chute" de DSK ne profiterait ni à Marine Le Pen ni à Jean-Luc Mélenchon).
Cela n’arrange pas vraiment le pôle de direction du PS issu du congrès de Reims et rassemblé autour de trois éléphants : Dominique Strauss-Kahn,
Martine Aubry (la première secrétaire) et Laurent Fabius. D’ailleurs, à la direction du PS, si l’on cite volontiers la candidature de Ségolène Royal dont les chances sont désormais quasi-nulles (elle ne
représente donc aucun danger ; elle ne "décolle" toujours pas), on oublie consciencieusement l’existence politique de François Hollande qui fut pourtant leur plus long premier secrétaire
depuis Guy Mollet (plus long que François Mitterrand !), ainsi que celle d’Arnaud Montebourg toujours en conflit ouvert sur la question de la fédération des Bouches-du-Rhône.
Martine Aubry entre devoir et envie
Malgré les appels pressants de nombreux supporters, en particulier Benoît Hamon et Henri Emmanuelli, Martine Aubry se refuse pour l’instant à s’engager dans la bataille présidentielle. Elle se retrouve en fait dans une position très
inconfortable.
D’une part, son amitié pour DSK l’empêche de prendre trop hâtivement une initiative qui serait considérée comme "indécente" (on se
rappelle que Jacques Chaban-Delmas avait maladroitement annoncé sa
candidature avant la fin de l’hommage de l’Assemblée Nationale au Président Georges Pompidou le 4 avril
1974).
D’autre part, Martine Aubry avait semblé renoncer à cette course à l’échalote. Des indiscrétions distillées il y a quelques semaines
avaient laissé entendre que DSK serait "son champion". Sa personnalité aurait plutôt tendance à ne pas trop se mettre en avant et à favoriser le travail collectif, en équipe, ce qui l’inclinerait
plutôt aux fonctions de Premier Ministre.
Mais la situation est bien différente aujourd’hui et avec le "programme" du PS qu’elle a coordonnée, il est sûr qu’elle serait
naturellement et logiquement la plus apte à le défendre. Benoît Hamon a rappelé sur Public-Sénat ("Preuve par 3" du 19 mai 2011) qu’on n’est jamais candidat à l’élection présidentielle par
devoir, tandis que Laurent Fabius a coutume de dire que l’envie s’emploie pour le chocolat, pas pour une élection présidentielle.
En fait, Martine Aubry montre bien qu’elle n’en aurait pas "envie" mais qu’elle se sentirait "obligée" de remplacer Dominique
Strauss-Kahn. Elle est devenue première secrétaire du PS en novembre 2008 un peu par hasard pour un pacte anti-Ségolène Royal concocté par ses deux malheureux rivaux de la primaire de novembre
2006, à savoir Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius. En quelque sorte, Martine Aubry n’a jamais été que leur "cheval de Troie" et c’est ainsi qu’elle a été "remise en selle" dans le paysage
national, elle qui avait décidé de s’isoler et de se consacrer uniquement à Lille depuis les municipales de mars 2001.
Laurent Fabius
Le troisième allié de l’implicite pacte de Marrakech est l’une des personnalités socialistes qui avait le plus d’avenir. Le plus
jeune Premier
Son avantage, son âge, lui faisait dire qu’il avait le temps avant de se préparer à l’Élysée. Je me souviens notamment d’une réflexion
qu’il avait faite avant 1988 sur le fait qu’il n’aurait que 53 ans en l’an 2000.
Ce qu’il ne savait pas, c’est que le scandale du sang contaminé l’avait disqualifié pour l’élection présidentielle de 1995 (il avait alors
l’âge de Valéry Giscard d’Estaing en 1974), ce qui a permis à Lionel Jospin de regagner la légitimité de ses
camarades socialistes consacrée par la victoire aux législatives de juin 1997. L’élection présidentielle de 2002, celle convoitée dès 1986 par Laurent Fabius, était donc bloquée pour Lionel
Jospin.
Quant à celle de 2007, la candidature fut conquise par Ségolène Royal avec une très large avance, malgré les circonvolutions politiciennes
de Laurent Fabius. En effet, entre temps, après avoir été le Ministre des Finances qui a mis en œuvre l’euro, Laurent Fabius a esquissé un virage contre-européen à gauche en s’opposant au Traité
constitutionnel européen lors du référendum du 29 mai 2005 (sa position a eu probablement une part déterminante dans l’échec du référendum). Pourquoi ? Parce qu’en bon disciple de François
Mitterrand, il a toujours cru que le PS se conquérait par sa gauche (comme au congrès de Metz en 1979).
Pour Laurent Fabius, qui aura 65 ans à la prochaine élection présidentielle, 2012 sera sa dernière chance pour une carrière finalement en
dents de scie qui lui a permis déjà de goûter aux plus grandes responsabilités (Matignon, Bercy, Hôtel de Lassay etc.).
L’un de ses atouts, c’est son bras droit, à qui il a laissé le siège au bureau national, Guillaume Bachelay, régulièrement cité dans les
petites phrases d’humour politique, qui a rédigé l’actuel "programme" du PS (ratifié par les militants le 19 mai 2011).
La stature, l’expérience, la crédibilité, l’habileté et même l’envie ne manquent pas à cet homme plongé dans la politique dès 1974.
Pourtant, il a un handicap majeur : les sondages jouent toujours aux encéphalogrammes plats et finalement, il est d’une autre génération face aux Pierre Moscovici, aux Manuel Valls, aux
Jean-François Copé, aux François Baroin, etc.
Bien que se préparant plutôt au Quai d’Orsay, Laurent Fabius avait cependant déclaré qu’il n’exclurait l’éventualité de sa candidature en
cas de renoncement de Dominique Strauss-Kahn et de Martine Aubry.
Bertrand Delanoë
L’autre inconnue de la primaire du PS, c’est un peu comme l’Arlésienne. Rappelez-vous : au premier semestre de l’année 2008,
alors que DSK avait été oublié par son expatriation à Washington, celui qui tenait le haut de l’affiche était… Bertrand Delanoë, maire de Paris et jospiniste historique qui avait reçu le soutien de Michel Rocard.
Il pensait recevoir le poste de premier secrétaire sur un plateau mais il n’avait représenté qu’un quart des militants, face à Ségolène
Royal,
En lot de compensation, celui qui était son bras droit, Harlem Désir, l’ancien président fondateur très médiatique de SOS-Racisme, était
devenu le numéro deux du PS accourant toujours derrière Martine Aubry à chacun de ses déplacement.
Harlem Désir est le responsable socialiste qui a osé demander le 19 mai 2011, le plus sérieusement du monde, de l’aide à Nicolas Sarkozy
pour faire sortir Dominique Strauss-Kahn de sa prison américaine (c’est inutile depuis la dernière décision du juge). Décidément, cette affaire DSK est un bon révélateur de l’éthique du personnel
politique…
Malgré son échec au congrès de Reims, Bertrand Delanoë, qui va avoir 61 ans quelques jours, jouit encore d’une cote de popularité très
élevée dans les sondages, peu explicable sinon qu’il paraît apprécié des Parisiens (même si sa politique de la circulation ne comprend pas les enjeux franciliens qui dépassent de loin les
frontières du périphérique) mais est quasiment inconnu des provinciaux.
Parmi ses handicaps, Bertrand Delanoë est le "contraire" de Laurent Fabius, à savoir l’absence totale d’expérience ministérielle, un
handicap qu’il partage d’ailleurs avec François Hollande. Et un autre point faible serait sans doute son équipe, qui, à l’instar d’Harlem Désir, a rapidement sauté dans l’influence de Martine
Aubry.
Pour l’heure, Bertrand Delanoë a déclaré vouloir soutenir Martine Aubry… mais à condition qu’elle y aille !
Qui va représenter la "ligne officielle" du PS ?
Il reste encore un mois et demi pour que les candidatures se décantent. Beaucoup de barons locaux socialistes avaient menacé de
se présenter en cas de désistement de Dominique Strauss-Kahn. Tout l’art de Martine Aubry, en tant que chef de parti, sera de maintenir sous pression ces candidats potentiels qui n’auraient pas
beaucoup de chance de réussir à la primaire de 2011 : Manuel Valls (maire d’Évry), Gérard Collomb (maire de Lyon), ou encore, même s’il est plus discret sur ses intentions, Pierre Moscovici
qui serait sans doute le meilleur remplaçant à Dominique Strauss-Kahn.
Pierre Moscovici avait eu pour ambition de devenir premier secrétaire du PS à l’issue du congrès de Reims en 2008. L’aventure personnelle
s’est soldée finalement par un isolement politique qui a été rompu avec la montée en puissance dans les sondages de son mentor, Dominique Strauss-Kahn.
Manuel Valls a par ailleurs estimé le 19 mai 2011 sur France 2 qu’il vaudrait mieux pour le PS un rassemblement sans forcément passer par
la case primaire.
Qui va être soutenu par l’actuelle direction du PS ? Le séisme politique à New York est tel que pour l’instant, seul François
Hollande continue son petit bonhomme de chemin, et après tout, la Corrèze a déjà donné à la France un très récent Président de la République…
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (20 mai 2011)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
François Hollande à 29% (sondage à télécharger).
Le PS et la logique institutionnelle.
La primaire au PS.
Martine Aubry.
Bertrand Delanoë.
François Hollande.
Ségolène Royal.
Arnaud Montebourg.
Affaire Dominique Strauss-Kahn.
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/primaire-du-ps-2011-que-vont-faire-94394