Basé sur un scénario signé de l'écrivain britannique Neil Gaiman, ce quatrième épisode avait beaucoup fait couler d'encre, et c'est peu dire qu'il était attendu après la parenthèse à thématique pirate de la semaine dernière. L'équilibre entre aventure et mythologie allait-il être cette fois véritablement au rendez-vous ? Et bien, le téléspectateur peut être pleinement satisfait de The Doctor's Wife : il trouve le juste équilibre entre une exploration mythologique touchant à l'âme de la série et une aventure sombre et débridée qui donne du rythme à l'ensemble. De quoi réconcilier tous les publics devant le petit écran, et moi la première.
Alors que le Tardis est en plein vol dans le vide de l'espace, notre trio voit arriver une bien étrange boîte, qui s'avère être en réalité un message de détresse émanant de rien moins qu'un... Time Lord. Elle fait soudain naître comme un espoir fou, déraisonnable : et si, quelque part, un Time Lord avait survécu ? Il n'en faut évidemment pas plus pour que le Docteur mette le cap sur l'origine du signal, laquelle se trouve au-delà et par-delà l'univers connu, qu'une métaphore savonneuse ne permettra pas vraiment d'expliciter à l'esprit rationnel du téléspectateur, mais au sujet de laquelle on se formalisera peu.
Ils atterrissent sur un gros rocher du bout de l'existence, astéroïde-planétoïde non identifié, dont le décor, semblable à une décharge inter-galactique correspond parfaitement à la façon dont notre imaginaire pourrait concevoir de tels endroits. A leur arrivée, le Tardis semble soudain se vider de son énergie, toute lumière éteinte, comme privé de vie. Coincé sur place pour quelques heures au moins, notre trio rencontre les quelques habitants, tous aussi improbables, de cet astéroïde... vivant. C'est en particulier une jeune femme délurée, sautant littéralement sur le Docteur, qui retient leur attention un tantînet perplexe. D'où vient donc le message ? Est-ce un piège ou peut-on vraiment espérer trouver un Time Lord perdu dans ce cadre post-civilisationnel ?
La réussite et tout le charme de The Doctor's Wife tiennent autant à son ambition mythologique qui sert de base à son histoire, qu'à l'émotionnel finissant par l'emporter sur une aventure presque éclipsée, en intérêt comme en intensité. Le titre est d'ailleurs parfaitement révélateur. En effet, l'épisode va explorer un des fondements de la série, à la fois central, incontournable, mais pourtant à peine effleuré dans l'univers Who-ien (du moins depuis 2005) : les mystères du Tardis. Forcément, la thématique est chère au téléspectateur, sujet à la fois familier et pourtant inconnu. Si on mesure bien cette faculté qu'a le vaisseau de toujours conduire le Docteur là où ses services sont requis, mais pas forcément là où il l'aurait souhaité a priori, quelle est la dynamique qui sous-tend cette relation sans doute la plus particulière qui soit, même pour un Time Lord ?
La bonne idée de l'épisode va être de choisir la voie de la personnification de ce seul "voyageur" à avoir accompagné notre Time Lord favori depuis le départ. Le seul élément toujours stable. Le seul à avoir tout partagé, les joies comme les peines. Le seul, à la croisée du continuum espace-temps, à sans doute en savoir plus que lui, plongé dans toutes ces timelines et ces possibilités. En lui offrant un corps pour s'exprimer, une femme - hello, Sexy ! -, c'est l'occasion d'explorer plus avant les rapports qu'entretiennent le Time Lord et sa chère Tardis. C'est la possibilité, enfin, de mettre des mots sur un lien indéfinissable. Les deux peuvent échanger. Logiquement, leur complémentarité s'impose naturellement. Rarement la phrase "ils étaient faits l'un pour l'autre" aura eu autant de sens et de justesse que de voir ainsi les deux intéragir dans la situation de crise du jour.
Episode mythologique au sens noble du terme, parce qu'en évoquant le Tardis, c'est à l'âme même de la série qu'il touche, cette intrigue place logiquement le reste en retrait. Les multiples péripéties du jour resteront une toile de fond divertissante, impulsant un certain punch à l'ensemble, mais ne focalisant jamais l'attention d'un téléspectateur tout entier fasciné par cette invitée inattendue mais qu'on a pourtant déjà l'impression de connaître. Cela explique que le Docteur soit séparé de Rory et Amy. Ces derniers s'en tireront avec leur lot habituel d'émotions et d'épreuves, crapahutant plus que de raison dans les couloirs d'un Tardis hijacké, frôlant, vivant, la mort au plus près. Si l'alchimie des deux jeunes gens fonctionne toujours à merveille, disons que, pour une fois, l'enjeu demeure ailleurs.
Au fond, il y a comme une volonté grisante d'un petit retour aux sources, ou aux fondements, dans The Doctor's Wife. On y retrouve tous les ingrédients de cette magie diffuse qui fait Doctor Who - un Ood, les références au passé du Docteur. Ce cocktail prend ici parfaitement, pour satisfaire petits et grands. Et encore une fois, j'ai été impressionnée par Matt Smith, avec son entrain communicatif, son sang-froid à toute épreuve et ses maniérismes inimitables. L'acteur n'est jamais aussi étincellant que lorsque le scénario lui propose un vis-à-vis à la hauteur de son personnage, avec lequel il peut férailler en réparties piquantes. Jubilatoire.
Bilan : Trouvant le juste équilibre entre mythologie et aventure, The Doctor's Wife propose un de ces cocktails réjouissants et fascinants dont la série a le secret et qui fait toute sa magie. Par la personnification du Tardis qu'il permet, par cette découverte de motivations informulées mais que l'on a toujours perçues inconsciemment, c'est l'occasion d'éclairer des dynamiques inexplorées - mais pourtant centrales - de la série. Désormais, il ne sera plus possible de regarder un épisode sans repenser à cette rencontre, sans songer à ce qui se cache et nous échappe derrière les commandes clignotantes du tableau de bord du Docteur. Superbe !
Et puis, n'oublions pas : "The only water in the forest is a river."
NOTE : 8,5/10
La bande-annonce de l'épisode :