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Le fugitif

Publié le 20 mai 2011 par Doespirito @Doespirito

La serveuse de ce petit restaurant de la rue Danrémont, dans le 18e, sort des cuisines et lance à la cantonnade, la voix enjouée :
- «Mesdames, Messieurs, Dominique Strauss-Kahn est libéré sous caution!»
Il y a de la jubilation dans sa voix, une drôle de joie, alors que les faits reprochés sont si graves. Comme une sourde vengeance des humiliations subies par procuration, peut-être. Quand DSK a franchi les quelques mètres qui le séparaient de la voiture, en sortant du commissariat de Harlem après sa garde à vue, dans un silence de mort, serré de près par deux flics de série B, les mains menottées derrière le dos. Quand il est arrivé défait et mal rasé la première fois devant un juge. Puis quand il a rejoint la prison de Rikers Island. Quand il a revêtu la tenue du prisonnier. Ou quand un gardien a fait une photo du détenu DSK dans la tenue des prisonniers, photo immédiatement revendue au tabloïd Daily News. A chaque fois, et c'est dur à dire dans ces circonstances, nous avons été humiliés. Autant que lui.

Puis soudain, la scène a changé. Il est arrivé au tribunal, habillé à nouveau en civil. Il a salué sa femme et sa fille, un demi-sourire aux lèvres, rasé de près. La présence d'Anne Sinclair et de Camille Strauss-Kahn était autant destinée à assister DSK qu'à assurer les garanties de représentation et écrire le premier acte de la pièce qui va suivre : une famille unie, soudée derrière un accusé. Les avocats sont entrés dans la danse et, après que le procureur a répété ses terribles accusations, ils ont égréné un à un les arguments en faveur de sa libération conditionnelle. Il fallait avoir les reins solides pour s'en sortir, avoir des moyens hors de la portée du commun. La scène se jouait dans des sphères inaccessibles. Ce n'était pas un duel d'avocats contre procureur. C'était un bras de fer entre la rudesse américaine face aux faits reprochés et la fierté française demandant réparations face aux humiliations subies.
Nous voulions savoir ce qui s'est réellement passé ce samedi-là dans la suite du Sofitel de New York. Mais là, tel le Fugitif, nous avions envie de sortir enfin de ce cauchemar, de desserer l'étau, de nous jouer de la police, échafaudant mille plans d'évasion pour gagner le temps de prouver une innocence encore si incertaine. Et par la même occasion régler son compte au New York Post et à ses diatribes anti-françaises.
1 million de $ de caution, 5 millions de garantie, le bracelet électronique, l'assignation à résidence et la garde 24 heures sur 24 par un garde armé payé par l'inculpé. C'est le prix qui a été payé pour nous évader à Manhattan et venger du même coup nos humiliations.


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