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On a beaucoup dit, au moment d’Étreintes brisées (2009), que Pedro Almodovar tournait un peu en rond. On se demande si, avec ce nouveau film en compétition, le cinéaste espagnol, 60 ans – dont trente de cinéma –, ne touche pas au cœur de ce qui anime son œuvre depuis toujours. Porté par Antonio Banderas et la sublime Elena Anaya, La piel que habito fait à nouveau de lui le cinéaste le plus en phase avec la psyché féminine.
Tourné sous la forme d’un somptueux thriller, le dix-huitième film d’Almodovar met donc en scène un riche et très réputé chirurgien esthétique de Tolède, le docteur Roberto Ledgard, qui mène, en dépit des lois de bioéthique, des recherches visant à créer une peau artificielle beaucoup plus belle et résistante aux agressions que nos enveloppes naturelles.
Une variation autour de la violence physique et psychologique
Difficile d’en dire beaucoup plus, tant le récit, conçu sur un aller-retour entre le présent et un passé antérieur de seize ans, se laisse appréhender à petites touches dans un suspense parfaitement maîtrisé. Tout au plus peut-on préciser que le séduisant scientifique, traumatisé par deux tragédies, tentera d’aller au bout de sa démarche en façonnant une créature à ses yeux parfaite. Sorte de Frankenstein magnifié par la science du XXIe siècle.
La mise en scène à la fois épurée et luxueuse, dominée par des tonalités rouges, noires et chair, offre un écrin à cette vertigineuse histoire. L’omniprésence de caméras livrant des images indirectes, ainsi que l’apparition récurrente de combinaisons révélant les formes mais pas la nudité, induisent une distance, comme une froideur, dans la manière dont ce sorcier des temps modernes mène sa quête.
À d’autres moments, le film insiste, par contraste, sur les pulsions bestiales qui peuvent ramener l’homme à l’instinct de domination brute. On peut donc voir La piel que habito , au premier degré, comme une variation autour de la violence physique et psychologique imposée à un sexe par l’autre, à travers la possession ou la conformation à une image fantasmée.
Une fois de plus, un hommage à la beauté des femmes
Mais le film va beaucoup plus loin dans sa réflexion, la poussant de manière très troublante vers les contrées incertaines des questions d’identité et de genre. Jeu de masques qui évoque le piège parfait de l’apparence, dictant, comme au cinéma, émotions et pensées.
Bien que scellant ses retrouvailles avec un Antonio Banderas parfait, qu’il révéla et qui fut longtemps son acteur fétiche avant de devenir une star hollywoodienne, Pedro Almodovar, une fois de plus, rend hommage à la beauté des femmes.
Sa caméra souligne avec délicatesse la stupéfiante beauté du visage de la comédienne Elena Anaya, au talent par ailleurs éclatant. Reste à savoir si, dans un cru très relevé, le cinéaste frustré – on peut le comprendre – de n’avoir jamais obtenu la palme d’or, fera de ce film celui de la consécration ultime.
ARNAUD SCHWARTZ
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