A propos de The tree of life de Terrence Malick 2 out of 5 stars
Aux Etats-Unis, Jack, un architecte de renom est hanté par les souvenirs de son frère mort tragiquement à l’âge de 19 ans. Jack repense aussi à son père dont l’éducation rigide à Waco, Texas, l’a marqué à tout jamais…
Le cinquième long-métrage en plus de 40 ans de carrière est aussi le film le plus perché et le plus déstabilisant de Malick. Déstabilisant, parce The tree of life oscille constamment entre sa splendeur visuelle et plastique et l’agacement suscité par ses remarques pontifiantes sur l’existence et la création de l’univers en voix-off.
Dès les premiers plans de The tree of life, tant attendu depuis un an et le projet avorté de le présenter à Cannes 2010, l’ambition du réalisateur est manifeste. The tree of life mélange les souvenirs d’enfance d’un architecte né après la seconde guerre mondiale, marqué autant par la sévérité extrême de son père que par l’amour de sa mère, et une réflexion très personnelle sur les origines et la naissance du monde.
Sean Penn, que l’on ne voit en tout et pour tout qu’une poignée de minutes, joue cet architecte adulte plongé dans ses souvenirs. Son père, Mr O’Brien (Brad Pitt), ancien officier de l’armée, rêvait d’une carrière de musicien mais s’est retrouvé cadre dans une usine qui bientôt fermera, le condamnant à accepter un poste dont personne ne veut (autrement dit un « placard »). Mr O’Brien, dans une confession poignante, s’excusera devant Jack d’avoir été si dur avec lui, ajoutant que la seule chose qu’il ait réussi et dont il soit fier, ce sont ces enfants.
La photographie d’Emanuel Lubezki, le chef opérateur, est sublime, comme les gros plans sur le visage éploré et souffreteux de la mère de Jack (Jessica Chastain), toujours en retrait et qui ne dit rien devant la sévérité du père. Rarement, Malick a atteint cette beauté dans ses images, cette maitrise dans ces plans en flashs back sur l’enfance de Jack, joué par un Hunter McCracken parfait en enfant frondeur et en perpétuelle rébellion contre son père. Malgré une certaine redondance, ces plans constituent la partie la plus réussie du film.
Car pour le reste, The tree of life, entrecoupé de longues digressions où se succèdent visions de volcans en éruption, de cascades, vues sous-marines ou de tissus organiques, a du mal à convaincre. Les effets spéciaux et d’ordinateur ont beau être l’œuvre de Douglas Trumbull, qui avait travaillé sur 2001, ils plongent le spectateur dans l’ennui et une réflexion pompeuse, lénifiante sur les origines du monde (le fameux Big Bang). Où à part donner un coup de vieux à ceux de Jurassic Park (1993), l’apparition de dinosaures provoque davantage de rires que de réflexions sérieuses dans la salle.
Ce n’est pas sévère de dire que Malick, cette fois, s’est égaré malgré une intention de départ et des ambitions louables. Mais les commentaires un rien grandiloquents en voix-off finissent par avoir raison du spectateur le plus téméraire. « Il y a deux voies, celle de la grâce et celle de la nature », entend-on en voix-off au début du film, les parents de Jack ayant choisi la première.
Derrière une sophistication et un maniérisme un peu vains, The tree of life parle d’un homme arrivé à 50 ans, qui revoit défiler son enfance et réalise qu’il ne s’est jamais remis de la mort de son frère (sans doute tué pendant la guerre du Vietnam). Le film aurait gagné en simplicité, en émotion, en pouvoir d’évocation s’il ne s’était pas autant pris au sérieux, tombant parfois dans des élucubrations (pseudo-)mystiques qui en font une synthèse moyenne de Kubrick (2001 : L’odyssée de l’espace), Nolan (Inception) et Eastwood (Au-delà).
Ce n’est pas faire offense au réalisateur de La ligne rouge et de Les moissons du ciel que de dire qu’il s’est perdu en chemin sur ce coup-là, à l’image de la fin naïve et racoleuse du film et ces plans où Jack adulte arrive sur une plage (le paradis ?) où les gens s’aiment et où il retrouve enfin les siens alors qu’il semblait jusque là errer dans les limbes et des paysages méandreux rappelant ceux des canyons labyrinthiques de 127 heures. Malick aurait-il pété les plombs ou pris Zadig au pied de la lettre ?
The tree of life est construit (comme souvent chez Malick) comme un long poème sonore et visuel, un jeu de va-et-vient incessant entre le son et l’image. Tantôt la musique (Berlioz notamment) et les remarques poétiques en voix-off viennent matérialiser l’image, tantôt c’est l’inverse qui se produit (visions d’un portail donnant sur ce que l’on imagine être le paradis).
Mais Malick n’a jamais semblé aussi autobiographique et préoccupé par la religion et la foi que dans The tree of life. Le film s’ouvre d’ailleurs sur cette citation du Livre de Job : « Où étais-tu quand je jetai les fondations de la Terre ? » (Livre de Job, chapitre 34).
Les questions que se posent en voix-off Jack ne sont pas seulement un long monologue intérieur et poétique, un refrain entêtant mais un appel à une transcendance mystique. Il fut un temps où les films de Malick se situaient beaucoup plus dans l’immanence, dans l’idée d’un paradis perdu, une terre originelle qu’il fallait retrouver. On se souvient des cris d’enfants de La ligne rouge, du soleil éclatant de Les moissons du ciel. Cette fois, Malick mélange un peu tout, naissance et mort, aurore et crépuscule, origine et destination de l’homme, ce qui rend confus le propos et perd le spectateur. A la différence de ses films précédents, où le héros rêvait souvent d’une renaissance, Jack pense lui plutôt à l’au-delà, à une libération dont le passage obligé serait sa propre mort s’il veut retrouver son frère. Malick croirait-il soudain au paradis ? A une vie après la mort ?…
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