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The Tree of Life

Par Metstacapuche @metstacapuche

Critique film : The Tree of Life, réalisé par Terrence Malick, avec Brad Pitt, Jessica Chastain, Sean Penn, Hunter McCracken… sortie cinéma 05/2011

The Tree of Life
The Tree of Life

Terrence Malick est un réalisateur et scénariste rare. En presque 40 années, 5 de ses films seulement ont transcendé le grand écran : La Balade sauvage (Badlands), en 1975, est celui qui lui vaudra la reconnaissance absolue de la sphère cinématographique et qui le portera au rang d’artiste à la vision unique. Après Les Moissons du ciel (Days of Heaven) en 1979, réputé pour son intensité esthétique marquante, il s’absente près de 20 brumeuses années durant lesquelles on sait qu’il vécût à Paris, qu’il se confrontât à sa propre obsession du perfectionnisme, et qu’il abandonnât son projet de film retraçant la création du monde : « Q« , malgré le financement assuré par avance par le studio Paramount. En 1998, il revient avec La Ligne Rouge (The Thin Red Line), inspiré du roman de James Jones sur la bataille de Guadalcanal durant la Seconde Guerre Mondiale, en plein océan Pacifique. En 2005, le réalisateur compose sa version de la légende de Pocahontas. Le Nouveau Monde (The New World) est une fresque à l’esthétique puissante et à la mise en scène poignante qui ravit la critique.

Terrence Malick est un réalisateur qui aime et fait du cinéma pour l’art, pour l’expression, pour lui-même, peut-être pour les autres. Ce qu’il projette n’appartient et ne ressemble qu’à lui. Il le partage comme une opinion, une vision qui lui est propre. Ce qui en fait un insoumis, un isolé, un être exceptionnel, aussi un incompris. The Tree of Life en est l’exemple fondamental. Si vous n’êtes pas conditionnés / pas ouverts à ce qu’il veut vous dévoiler de lui, sur l’instant ou intrinsèquement, si vous ne cherchez que le divertissement aussi, il vous invite cordialement à quitter la salle. Quand il comble une hypothétique frustration du déchu projet « Q« , tout à fait symboliquement, tout à fait magnifiquement, tout à fait légitimement, très tôt dans le découpage, après avoir succinctement installé un contexte tout autre, assez longuement pour provoquer le départ des moins curieux, des moins patients, des plus atterrés, Terrence Malick déclare alors qu’il ne s’agit plus que de cinéma, c’est au delà, et qu’il n’en voudra à personne s’il se sent mieux de partir. Ceux qui restent sont les plus courageux ou les plus radins, les plus inquisiteurs ou les plus captivés. Ils sont récompensés.

Terrence Malick est un réalisateur de génie. Ainsi le qualifie-t-on souvent dans les critiques, qu’elles soient d’amateurs ou de professionnels. The Tree of Life consolide à bien des niveaux cette affirmation. L’image dans sa plus parfaite esthétique, sa plus sublime poésie, se construit de lumières naturelles et divines, de plans glissés, plongés, contre-plongés, entre les feuilles, entre les hommes, entre les étoiles. A cette image il conjugue une musique classique éblouissante, en accord idéal, tantôt emprunte des plus grands compositeurs telle La Moldau de Bedřich Smetana, tantôt composée pour le film par le français Alexandre Desplat. Je regrette pourtant avoir plus admiré que ressenti ou participé. Le film est si long, et sans s’y projeter personnellement, parfois, l’impatience ronge. A la première personne, comme la caméra et ses mouvements le suggèrent, je ne fais souvent que contempler. Je regarde l’écran avec une distance constante. The Tree of Life est une démonstration, magistrale certes, mais fermée. Hélas, et c’est tout à fait personnel, je m’attends aussi parfois (très peu quand même) à voir apparaître un quelconque parfum dont c’est la publicité.

Terrence Malick est un réalisateur chrétien méthodiste. En quatre actes majeurs, il affirme sa foi. Il ne cherche jamais à convaincre ou convertir. Dieu comme une force créatrice, un dénominateur commun à la vie, une présence de l’infiniment grand comme de l’infiniment petit, est sa thématique majeure. En lien avec celle-ci, il approche directement les sujets de l’enfance par l’expérimentation, l’innocence et la rébellion, de l’apprentissage des valeurs par la relation père/fils et mère/fils, et retombe sur ses principes basiques quand il lie l’enfant ou l’homme à la nature. Dans cette famille qui gravite autour de l’Arbre de Vie, à une époque où se divertir et grandir consiste à être dehors, s’approprier un jardin, une prairie, un bois ou une rivière comme terrain de jeu, on ne peut s’empêcher de penser que le réalisateur a crié un peu de lui même, tout en marquant une certaine tristesse quant au cloisonnement des jeunesses d’aujourd’hui. En un sens, The Tree of Life pourrait presque se vouloir une œuvre involontairement ré-éducative, sans qu’elle oppresse ou oblige qui que ce soit.

Sans cesse sur le fil, menaçant constamment de plonger soit dans l’absurdité, soit dans le drame accessible, sans jamais céder pourtant, The Tree of Life s’inscrit comme purement Malickéen. Il redonne au cinéma ses fonctions primaires de véhicule mystique de l’être. Il ne conviendra pas à tous les yeux, à tous les esprits. Son casting éblouissant ne suffira pas à convaincre les plus manichéens. Pour ma part j’ai vécu un moment d’une intensité magnifique. Si subjectivement j’ai été réellement touché, sans me résoudre à avoir profondément aimé, objectivement je ne peux renier la qualité d’une œuvre si unique et personnelle.

9/10


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