Par Richard W. Rahn (*) pour Washington Times
Un vice caché de la démocratie est que les politiciens peuvent obtenir des suffrages en promettant de nouvelles prestations de l’État-Providence à leurs électeurs, en particulier quand ils peuvent promettre que ces prestations seront payées par d’autres ou par les générations futures. Tout homme politique qui promet des prestations de l’État à Pierre mais que celles-ci seront payées avec les impôts de Paul aura toujours le vote de Pierre.
Le problème inhérent à ce modèle est que le nombre de Pierre qui demandent à bénéficier de nouvelles prestations de l’État augmente, que les coûts de ces prestations sont de plus en plus élevés pour les Paul, qui finissent soit par travailler moins étant donné que s’ils produisent plus de richesses, ils seront taxés plus, soit par changer de pays pour échapper à l’enfer fiscal.
Les États-Unis sont aujourd’hui dans une situation où la moitié de la population ne paie pratiquement pas d’impôt sur le revenu et où 1% des contribuables assurent près de 40% des recettes fiscales.
Les États-Unis sont, grâce à la nature fédérale de leurs institutions, la démocratie du monde la plus ancienne sans parenthèse autoritaire. Les Pères Fondateurs américains craignaient les passions momentanées de la majorité ; ils ont donc institué un ensemble complexe de freins et de contrepoids institutionnels dans le but de s’assurer que des changements fondamentaux et rapides soient difficiles à effectuer. Le système a été conçu pour protéger la liberté individuelle et les opportunités économiques.
Malgré ses imperfections, ce système a correctement fonctionné jusqu’il y a quatre ans, lorsque la classe politique a utilisé la crise financière (causée par des politiques gouvernementales défectueuses) comme une excuse pour faire atteindre au déficit et à la dette des niveaux insoutenables.
Quels sont les États démocratiques financièrement sains ?
Pire encore, ce qui est vrai des États-Unis semble également être vrai dans la plupart des grandes démocraties de par le monde. Combien y a-t-il de démocraties fonctionnelles à l’économie développée ayant des politiques fiscales qui ne sont pas en train de les conduire à la ruine financière?
Pour être plus précis, nous parlons ici de démocraties dont l’État aurait un ratio dette publique/PIB de moins de 50%, dans laquelle l’économie croît plus rapidement que la dette. Laissons de côté les micro-États et les pays dotés de ressources naturelles exceptionnelles comme la Norvège.
Bonne nouvelle : au moins une demi-douzaine de pays démocratiques sont sur une trajectoire de croissance à long terme, connaissent la stabilité financière et peuvent servir de bons exemples pour réformer nos États.
Mauvaise nouvelle : toutes les grandes démocraties, comme les États-Unis, le Japon, le Royaume-Uni et la plupart des pays de la zone euro se dirigent vers une crise financière majeure à la grecque, à moins qu’ils n’apportent très rapidement des changements fondamentaux dans leurs politiques publiques.
Suisse, Suède et Chili : trois modèles à copier ?
Les pays énumérés dans le tableau ci-contre ont compris comment combiner un marché parmi les moins contrôlés du monde, une démocratie fonctionnelle et une dette publique gérable.Seulement deux d’entre eux, la Suisse et la Suède, ont été des démocraties indépendantes pendant plus d’un siècle. Le Chili, la Corée et Taiwan ont été de véritables démocraties depuis seulement moins de trois décennies.
Les Suisses, grâce à la hausse du franc suisse face à l’euro et le dollar américain, ont les plus hauts revenus par habitant au monde (en dehors de certains petits États pétroliers), alors que le pays n’a ni ressources naturelles, ni accès direct à la mer. Ils ont réussi à atteindre ce niveau en gardant très faible leur gouvernement central : la Suisse est une république fédérale, la plupart des services gouvernementaux offerts le sont au niveau des cantons.
Les Suédois, après avoir construit l’un des premiers et des plus lourds État-Providences démocratiques du monde, se sont retrouvés sur le chemin de la faillite mais ont commencé un programme sérieux de réformes économiques il y a 15 ans, bien avant de sauter à la grecque dans le gouffre. Ils ont réduit leurs effectifs et libéré leur économie, ce qui a entraîné la plus forte croissance des économies développées en Europe au cours des deux dernières années.
Le Chili, lui, devrait être un modèle pour les pays à faible revenu, car il montre comment une bonne politique économique peut transformer un pays relativement pauvre en pays à revenu intermédiaire en une génération seulement. Le Chili a le plus haut revenu par habitant d’Amérique latine. Même si le gouvernement est tantôt de droite et tantôt de gauche, la base reste la même : marché libre et intrusion limitée du gouvernement, un système conçu avec l’aide des fameux Chicago-boys et par le brillant José Piñera. Le système de sécurité sociale a été largement privatisé : l’idée originale de Piñera a été un tel succès que plus de 30 pays ont adopté des versions de celui-ci, y compris la Suède.
La Corée du Sud et Taiwan se sont tous les deux grandement démocratisés et libérés économiquement au cours des dernières décennies, avec des résultats spectaculaires, mais ils ne sont pas aujourd’hui aussi libres économiquement que le Chili, par exemple.
Les démocraties développées ont tendance à voir leurs artères économiques s’encrasser à cause de l’augmentation incessante de la réglementation, de la complexité fiscale et de la dette publique. Comprendre comment inverser cela est essentiel si l’on perçoit la liberté politique et la croissance économique comme un but à atteindre dans les pays démocratiques et développés.
(*) Richard W. Rahn est chercheur au Cato Institute et président de l’Institute for Global Economic Growth.
Article originellement publié par Washington Times.