Sophie Quintin-Adali – Le 19 mai 2011. Début 2010, les politiciens européens nous assuraient que la Grèce n'aurait pas besoin de sauvetage. Un an plus tard, le même remède est apparemment prescrit au grand malade de l'Europe. Et l'Union prévoit également pour ses voisins du sud, le même médicament : une aide plus importante. Alors que les soulèvements politiques persistent, les révolutions économiques doivent être préparées et poursuivies de toute urgence. Dans le Caucase, la Géorgie a mis en œuvre certaines des réformes ambitieuses en faveur de l’entreprise et de l’état de droit. Quelques enseignements peuvent être tirés.
Face à un changement de paradigme dans le monde arabe, l'UE doit maintenant traduire sa noble promesse de « solidarité avec les peuples » en actes. Une révision de sa politique de voisinage (dimension orientale) est en cours, mais déjà la déclaration commune sur le « Partenariat pour la démocratie et la prospérité partagée avec le sud de la Méditerranée » [1] fournit quelques indices. La nouvelle relation doit être fondée sur le principe du « davantage pour davantage » (more for more) : en retour de davantage de démocratie et de réformes, les Etats reçoivent davantage d'argent. Le nouvel euro-buzz d'aide extérieure est en fait une resucée du principe de conditionnalité.
Le principe communautaire de « plus de la même chose » (more of the same).
Jusqu'à présent, l'argent des citoyens européens a été pour une large part régulièrement transféré dans les caisses de régimes non démocratiques par le biais des programmes de soutien budgétaire direct (38%)[1] selon le principe de « plus d'argent pour le statu quo », non pour la mise en œuvre de réformes économiques sérieuses ou plus de démocratie. On serait en droit d’attendre une refonte profonde de cette politique.[2] Malheureusement, qu'il s'agisse de problèmes internes ou externes, la direction européenne est désespérément bloquée dans une dépendance de sentier de « plus de la même chose ». Nos politiciens tentent de guérir de la dette souveraine avec plus de dette, de résoudre des sauvetages ratés avec plus de sauvetages ...
Ces 50 dernières années, les politiques de développement ont suivi le même schéma (un mix d'argent et de libéralisation). Ces instruments de politiques inefficaces ont été amplement critiqués et souvent révisés. $500 milliards d'aide internationale ont été déversés en Afrique avec peu ou pas d'effet pour la prospérité ou la liberté de ses peuples. L'aide européenne à l'Afrique du Nord et au Moyen-Orient a augmenté de façon constante, sans casser le cycle de la pauvreté et de l'oppression. Avec toujours plus d'argent offert, les élus locaux ont peu d’incitations à penser en dehors de la boîte de l’aide extérieure. Sans grande surprise les Français et les Espagnols exigent donc que plus d'argent soit alloué à leurs voisins du sud, en le prenant à leurs voisins à l'Est.
Alléger le « fardeau de l'homme européen », fauché.
Paraphrasant le professeur Easterly, le temps est peut-être venu pour l'Europe de se débarrasser de son « fardeau de l'homme blanc » de l'aide au développement qui donne bonne conscience mais pour qui est pour la plupart inefficace et contre-productive. Mais les vieilles habitudes de l’aide au développement ont la vie dure.
Comme l’observe Nicu Popescu, la révision de la PEV dans le contexte de crise de la dette souveraine devrait inciter un large débat sur l'aide au développement de l'UE. L'option de « moins d'aide » devrait être explorée. Pourquoi en effet des pays comme les BRIC reçoivent’ils encore de l'argent public? [3] Est-il judicieux pour les pays en faillite d’aider les autres en creusant leurs propres dettes? Le Royaume-Uni a pris la décision radicale de réduire son budget d'aide internationale au développement de nombreuses économies émergentes. La vie a continué, tout comme le développement, pour la simple raison que l'aide n'est pas un facteur déterminant. L’économiste zambienne Dambisa Moyo a défendu la réduction drastique de l'aide dans son ouvrage L'aide fatale [4].
Bien sûr, les bureaucraties internationales et politiciens récipiendaires clament le contraire... Pour beaucoup en Europe, sa pensée radicale et ses solutions libérales sont une pure hérésie. Oubliant l'échec de leur approche paternaliste souvent opaque et inefficace, ils continuent de conseiller « davantage de la même chose », avec quelques changements cosmétiques.
Les réformes pro-entreprise fonctionnent
Pourtant, la thérapie de choc de l’état de droit, de l’entreprise et de la concurrence est précisément la voie que le monde arabe doit prendre d'urgence pour répondre aux aspirations d'une jeunesse sans emploi déçue. Pour l'économiste Guy Sorman, il est impératif pour la région de s'éloigner de l'économie étatiste pour aller vers des sociétés de marché fondées sur les droits de propriété, l'entrepreneuriat et la concurrence. C’est cette deuxième révolution – et non davantage d'aide – qui concrétisera l'espoir de millions de gens de sortir de la pauvreté de masse. L'afflux de migrants économiques sur les côtes d'Italie est un coup de semonce pour l'Europe : des solutions radicales sont nécessaires, non pas « davantage de la même chose ».
Les dirigeants arabes cherchant à réformer devraient se tourner vers l’Est et non vers le Nord.
Dans son premier livre "Pourquoi la Géorgie a réussi" (2011) [5], l’économiste russe Larisa Burakova retrace la révolution économique du pays. Sous l'égide de Kakha Bendukidze (ministre de la coordination des réformes, 2004-2008), la Géorgie a opéré sa transition d'une économie étatiste étouffée par une bureaucratie d'État corrompue vers l'une des économies post-soviétiques les plus dynamiques. L'augmentation spectaculaire des libertés économiques (12ème en 2011 au classement "Doing Business". alors que la Grèce est 109ème) a inévitablement généré de la croissance économique (6,4% en 2010 contre 0,8% dans l'UE) et une plus grande prospérité. Quelques années seulement après la Révolution des roses de 2003 et une guerre contre la Russie en 2008, cet exploit est vraiment remarquable. L'auteur fait valoir que cette réussite témoigne de l'idée que les réformes économiques libérales radicales peuvent fonctionner n'importe où.
Il n'existe pas de modèle de transition idéal ou indolore, mais seuls les imbéciles peuvent ignorer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Les dirigeants européens seraient bien avisés de prendre quelques leçons de "Bendunomics".
Sophie Quintin Adali, analyste pour le projet www.unmondelibre.org.
[1] http://www.eeas.europa.eu/euromed/docs/com2011_200_en.pdf
[2] http://www.openeurope.org.uk/research/euaid2011.pdf
[3] http://blogs.euobserver.com/popescu/2011/04/04/more-for-more-in-the-neig...
[4] http://www.city-journal.org/2009/bc0410gs.html
[5] http://www.svobodanews.ru/content/article/9503892.html