Les clients du métro parisien peuvent, depuis quelques temps, regarder des affiches publicitaires d’une chaîne de télévision annonçant le film Robin des Bois, qu’elle va bientôt diffuser. Sur l’affiche une main gantée, que l’on suppose être celle de Robin, attrape le cou d’un individu, qu’elle étrangle et qu’elle force à recracher des pièces d’or qu’il avait avalé. La légende de l’affiche est ainsi formulée : « Au Moyen-Âge, l’ISF s’appelait Robin. » Ainsi est resservi le vieux mythe qui fait de Robin des Bois le prince des voleurs, celui qui vole les riches pour donner aux pauvres. Image appréciée en France ou la lutte contre les inégalités, contre les riches, contre les entrepreneurs, est toujours très prisée. C’est le combat des gros contre les petits, et Robin est indubitablement du côté des petits.
Mais cette figure de Robin des Bois a été largement détournée de l’originale. Certes les racines de la légende sont nombreuses, autant que les poèmes et les ballades anglaises qui évoquent ce héros littéraire, mais il n’est jamais fait mention de celui qui vole les riches pour donner aux pauvres, cela c’est une invention française. Que l’on se souvienne du film de 1973, réalisé par les studios Disney, ou de celui de 1991, avec Kevin Costner et Sean Connery ; ces deux-là sont plus conformes à la réalité.
Robin est avant tout un seigneur, fidèle à son roi légitime, le roi Richard, dont le trône a été usurpé alors qu’il participait à la croisade. Chez Disney, c’est son frère Jean sans Terre, chez Kevin Reynolds, c’est le shérif de Nottingham, qui lui ont pris ses terres. Avant de combattre pour les pauvres, Robin combat pour son roi. Avant de dérober les riches, il dérobe les usurpateurs. Robin n’est pas un fiscaliste prélevant l’ISF, il est un monarchiste restaurant la légitimité. Il est compréhensible que cette image heurtant la sensibilité politique française ait été transformée en symbole marxiste. Tout au long de ses aventures, Robin travaille en sous main pour Richard, et s’il refuse de payer l’impôt c’est parce que cet État n’est pas légitime à ses yeux. Il est aussi celui qui combat l’oppression fiscale, les taxes multipliées et ajoutées qui pèsent sur les habitants de son pays, les appauvrissant pour enrichir l’État et les politiques qui vivent de ces impôts. Robin est donc aussi le héraut des libéraux et des contribuables ; une autre image qui n’est guère appréciée.
Enfin, dans les versions du 19e siècle, Robin des Bois est présenté comme étant un seigneur saxon qui combat les Normands après la bataille d’Hastings de 1066. Il est alors celui qui refuse l’envahisseur et lutte pour la survie politique de son pays et le respect de sa culture.
On voit comment l’image de Robin est transhistorique – Hastings est au 11e siècle, Richard Cœur de Lion au 12e –, polymorphe – combattant de l’indépendance saxonne, partisan royaliste, sans-culotte des forêts – et finalement assez malléable pour plaire à différents pays et à différentes cultures.