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Lucinda aux Ailes Rouges

Publié le 25 septembre 2007 par Lyskald
Cette nouvelle fut récompensée du Prix de la nouvelle fantastique 2001 organisé par l'Ile des Poètes. Il s'agit d'une de mes premières nouvelles dont je vous laisse seul juge avec cet extrait:

***
"Le couteau perlé de sang s’échappa de sa main alors que Lucinda s’effondrait sur le sol, pleurant d’affolement, tremblant de peur. Un mètre la séparait d’un corps qui gisait là, quelque peu désarticulé et surtout, qui exprimait un dernier râle de souffrance dont l’impact morbide et terrifiant était amplifié par l’écho, frappant irrégulièrement les hauts murs de l’impasse. Les yeux révulsés et injectés de sang de cet homme n’avaient plus aucune lueur, juste un regard dépossédé.
 

Sous son costume chic déchiqueté par la lame, de larges plaies, dentelées de chairs en lambeaux, crachaient en jets saccadés des flots de sang inondant le pavé d’une nouvelle couleur. Ce fluide vital s’écoulait comme un ruisseau qui ne tarit pas car, la furie qui s’était emparée de la jeune fille n’avait eu aucune pitié pour lui. Maintenant que tout s’était calmé, la vision de ce cadavre avait pris une dimension encore plus inquiétante et dramatique qui choqua profondément Lucinda. Pour la première fois de toute son existence, un acte irréparable venait de se produire, le point de non-retour venait d’être franchi. Jamais, elle n’aurait pu croire, même dans un rêve démoniaque, qu’une telle haine l’animerait ainsi. Tuer un homme ou plutôt, enlever la vie d’un inconnu, c’était ce qu’elle voyait comme un reflet persistant dans ce couteau, que sa rage avait manipulé juste l’instant d’avant. Une déchirure béante parcourait son âme, elle avait compris son geste. Un sentiment implacable l’immobilisait, comme un étau qui se resserre, comme un nœud coulant qui se raidit sur son cou. Pourtant, deux mots résonnaient dans son esprit : légitime défense. Elle dévisagea les armes de ce crime, sa main puis ce couteau qui lui criait en silence : « Fuis ! Cours … ! Cours et oublie ! ». Le pouvait-elle ? L’oubli est-il salvateur pour ceux qui agissent dans l’ultime recours ? Ou est-il juste, une fausse voie pour ceux qui n’assument pas le poids de leur remords ? Elle ne savait plus où était le vrai du faux, car oubliant tout ce qu’elle était, l’unique chose qu’elle se remémorait sans cesse comme pour expier ses fautes, c’était son acte. Seulement dans ses yeux s’était éteint l’espoir, une porte qui, une fois close, est blindée de pessimisme et ne s’ouvre qu’après de maints efforts et un rigoureux travail sur soi-même.

   

Lucinda se releva difficilement, car encore pétrie d’un effroi qui engourdissait même les plus infimes endroits de son corps, et prit l’arme dans la main droite, qu’elle essuya maladroitement avec un mouchoir en papier déjà mouillé de pleurs. Elle rangea ces preuves dans son sac à main avant de se mettre à courir jusqu’à en perdre haleine, jusqu’à se perdre dans les rues. Lorsqu’elle arriva sur un vieux pont roman encore fier et inébranlable, elle s’arrêta un instant pour contempler l’eau noire et lugubre qu’il dominait, afin de reprendre un peu son souffle et par la même occasion, éclaircir ses idées grièvement occupées par la crainte et la rage.

  « Petite sotte ! N’es-tu pas stupide d’avoir conclu si rapidement à ma mort ! »   A ces mots résonnant dans le silence, suivi de près par un rire gras, elle se retourna brusquement, secouée de tremblements encore plus vifs que ceux qui s’étaient estompés quelques minutes auparavant. L’homme qu’elle avait laissé pour mort lui faisait face, plus vivant que jamais.   Sa veste noire et sa chemise grise étaient déchirées par les coups de couteau en multiples endroits, eux-mêmes souillés par de grandes auréoles de sang presque complètement séché. Elle fut mortifiée lorsque son regard croisa la peau saine et exempte de toute plaie sous les trous de la chemise de l’homme, plus aucune trace de blessure, seules les taches sur le textile étaient la preuve de leur existence passée, comme si la scène s’était déroulée quelques mois plus tôt. Lucinda perdait pied et ne comprenait plus rien, ni ce que lui voulait cet homme."
Lucinda, artwork par Lyskald
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