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Urban forest
Il était grand et fort. Beaucoup aimaient se reposer contre son flanc. Même les animaux ne le craignaient pas. La vie coulait en lui. Puis on l’arracha à sa patrie. Le voyage en fourgon fut
long et pénible, la fatigue avait terni son teint. Un matin, bien avant que l’aube ne chasse les drapés noirs de la nuit, on le présenta à sa nouvelle structure de travail. Devant le magasin,
il devait rester fier, fringant et pouvoir attirer le chaland. Beaucoup ne s’arrêtaient pas malgré ses invectives. Puis un soir, une petite fille resta devant lui, sans poser de questions,
comme admirative. Elle jetait des petits regards d’envie à ses parents.
- C’est celui-là que tu veux, ma chérie ?
- Oui, il sent bon !
La vie s’était tarie en lui. Il perdait de son éclat chaque jour. Mais des guirlandes et des boules rouges, vertes et argentées étaient là pour rehausser ses couleurs déjà fuyantes. Quelques
temps plus tard, amoindri et ne cherchant plus la lueur de soleil, on vint le recouvrir de grands sacs plastiques. Il quitta la chaleur artificielle et fut abandonné sur la froideur des
trottoirs. De loin en loin, d’autres comme lui, lesquels, peut-être, avait-il connu à l’époque où il était en pied, agonisaient sur le pavé.