Contrairement à ce qui est fréquemment avancé, la très probable élimination de Dominique Strauss-Kahn de la compétition présidentielle ne renforce pas les chances de succès de Nicolas Sarkozy. Le statut de « favori des sondages » qu’avait décroché le directeur du FMI ne doit pas faire illusion. Il tenait, pour beaucoup, à des facteurs qui n’auraient pas résisté à sa descente dans l’arène électorale.
Un candidat potentiel éloigné des joutes politiciennes bénéficie toujours d’une prime de popularité, on l’avait vu avec Jacques Delors en son temps. Aussi classiquement, toute personnalité perçue comme plus ou moins centriste, comme ce fut le cas pour Raymond Barre ou Edouard Balladur, est surestimée dans les intentions de vote avant que la bataille électorale ne s’engage. Elle bénéficie, à ce stade, de la sympathie des modérés des deux camps comme de l’appui provisoire de ceux qui n’ont pas de préférence affirmée.
Tout indique que DSK aurait subi une nette décote après sa déclaration de candidature. Le feu de la campagne aurait même pu être beaucoup plus sanglant qu’il ne semblait l’anticiper. L’ancien ministre de l’Economie est certes doté d’une envergure qui lui aurait permis de se poser en futur président capable de gérer une France en crise. Et de rassurer, par là-même, une frange non négligeable d’électeurs, notamment parmi les plus âgés. Mais il incarnait simultanément, par fonction comme par conviction, une forme de mondialisation rejetée par de très nombreux électeurs, si j’en crois les rencontres de mes récents « Voyages en France« .
Sarkozy n’aurait sans doute pas hésité à verser dans une certaine démagogie anti-mondialiste, comme l’indiquent les tentatives de replacer l’immigration au coeur du débat public. Selon une tactique souvent utilisée avec succès par son homologue américaine, la droite française aurait également essayé de présenter le candidat de gauche en champion de l’establishment. Toute la stratégie de l’ancien président aurait alors visé à récupérer, contre DSK, le maximum d’électeurs du FN au tour décisif.
Ces calculs n’ont pas la même portée avec un autre candidat socialiste. Sur le fond, Martine Aubry ou François Hollande n’affirmeront sans doute pas une ligne politique très différente de celle qu’aurait pu défendre Strauss-Kahn. Mais leur image n’est pas la même, ni leur sensibilité. Un candidat socialiste moins atypique que DSK pourra plus aisément rassembler l’électorat socialiste. Jean-Luc Mélenchon aura plus de mal à capter à son profit le rejet que l’ancien directeur du FMI pouvait provoquer dans de larges secteurs de l’électorat de gauche. Le spectre du 21 avril plane certes toujours sur le PS. Mais pas plus qu’avant l’arrestation new-yorkaise, et peut-être moins.
A droite aussi, la disparition de DSK peut compliquer la tâche du président sortant. Elle ouvre un espace au centre dans lequel certains éléments modérés issus de la majorité, comme Jean-Louis Borloo, seront tentés de s’engouffrer. La nécessité de serrer les rangs pour faire face au champion des enquêtes d’opinion s’évanouit. Or il est vital pour Sarkozy d’être le seul candidat de la droite parlementaire.
N’en demeure pas moins une vraie difficulté pour les socialistes. Il leur faut à tout prix maîtriser le processus de choix de leur candidat. Les primaires prennent ainsi un relief particulier. De la manière de conduire leurs débats, et de le centrer sur les priorités de l’action publique au lieu de s’égarer dans les disputes de personnes, dépendra la capacité du PS à franchir heureusement l’épreuve de cet accident historique.
Par Eric Dupin pour ses « murmures »
merci à Section du Parti socialiste de l'île de ré