[Critique DVD] Yo, tambien

Par Gicquel

On dit attention sujet sensible. Au cinéma le traitement du problème des handicapés n’est pas forcément monnaie courante, surtout quand la déficience est mentale. Ici il s’agit de la trisomie qui de mémoire me renvoie uniquement au très beau film de Jaco van Dormael « Le Huitième jour ». Il date de 1996 et raconte l’amitié entre un homme et un jeune mongolien.
Avec les deux réalisateurs de « Yo tambien », les cartes sont redistribuées de manière plus énergique, plus frontale. Le problème de la différence est posé autour du cas de Daniel, un homme de 34 ans, qui malgré sa trisomie a poursuivi ses études cinq ans après le bac. Dans son domaine, le social, il est très écouté et ses conférences universitaires, appréciées. Sa rencontre avec une jeune femme, Laura indépendante et belle, va changer les règles du jeu.

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Si le récit s’impose très rapidement dans la mise en scène de Álvaro Pastor,et Antonio Naharro , (l’attirance au départ loin d’être réciproque, va devenir commune) les préjugés et la morale conformiste vont se nicher ailleurs. Dans le regard des collègues, leurs supputations sur une relation apparemment « contre-nature » (comment un trisomique peut-il avoir une vie sexuelle ?) et l’attitude des parents. La mère surtout, qui tout en souhaitant une vie « normale » à son grand fiston, n’imaginait pas celui-ci au bras d’une fille jugée facile.
Comme quoi les visages n’affichent bien que le paraître. Une évidence pour Daniel, une révélation pour Laura qui en tombant le masque devant son soupirant conserve encore de lourds secrets affectifs.


A chacun sa croix nous disent les deux cinéastes, qui tout en baignant dans une sensiblerie tangible, évitent les écueils du genre. L’apitoiement, le rejet, la compassion… Mieux le regard de Daniel devient très vite au fil du récit un visage comme les autres contrairement à celui de Laura, aux dérives de plus en plus marquées.
Faut-il préciser que l’interprétation est à la hauteur des sentiments ressentis et que les distinctions reçues par Pablo Pineda et Lola Dueñas sont amplement méritées. J’ai appris une fois le film terminé qu’il s’inspirait de la propre histoire de Pablo Pineda. Dans la vie, on dit que ce jeune trisomique s’exprime parfaitement et possède un grand sens de l’humour. Effectivement c’est bien Daniel !

LE SUPPLEMENT

Un long entretien, chapitré, avec Catherine Agte Diserens, sexo pédagogue, spécialisée et présidente de l’association SEHP ( Sexualité et handicaps pluriels)
La première impression de cette rencontre, c’est un discours trop professionnel, presque technique de la part de. l’invitée La mise en parallèle avec des séquences du film, atténue heureusement le sérieux de l’ensemble. Encore plus fort, Catherine Agte Diserens, arrive parfois à délaisser son savoir (qui lui est bien utile pour ce genre d’exercice, j’en conviens) pour le mettre au service d’un décryptage complet de certaines scènes. Le cinéphile s’y retrouve peut-être un plus dans cette approche.
Elle confirme par ailleurs que « l’éducation précoce est un facteur de développement indéniable » en réponse au cas de Daniel qui doit sa capacité intellectuelle à l’écoute d’une mère qui dès sa plus tendre enfance l’a considéré comme un enfant sans problème. Pablo Pineda est le premier étudiant trisomique en Europe à obtenir un diplôme universitaire.