Le dégoût

Publié le 18 mai 2011 par Sammy Fisher Jr
Je suis atterré, dégouté, un petit peu triste, mais au final, pas vraiment étonné par tout ce que je lis et entend depuis 5 jours à propos d'une certaine "affaire" qui déchaine les passions, passionne les éditorialistes et révèle l'état d'esprit de certaines personnes, de gauche ou de droite, connues ou anonymes, de la plupart des deux sexes, mais surtout des hommes il faut bien le dire, sur leur vision de l'homme et de la femme, du degré d'appréciation de la "normalité" des relations que les premiers devraient entretenir avec les secondes, et de la notion de viol, si différente selon que l'on est un homme, blanc, appartenant à ce qu'il faut bien appeler une classe dirigeante, ou une noire, jeune, et femme, dite "de ménage" de surcroît, comme si la fonction pouvait définir l'individu.
Même si je partage l'analyse d'Aliocha selon laquelle, au grand tribunal médiatique, DSK a déjà été condamné, tant la violence des images, l'obsédante répétition de non-informations creuses reprises en boucle jusqu'à la nausée sur tous les canaux médiatiques a d'ores et déjà réduit à néant la réputation d'un homme qui trainera quoi qu'il advienne cette histoire derrière lui ; 
même si je suis le premier à hurler à la présomption d'innocence pour tous les faits divers avec coupable livré clé en main dont certains médias nous abreuvent complaisamment ; 
même si moi aussi, quand j'ai entendu cette nouvelle à la radio samedi matin au réveil, j'ai été obligé d'aller vérifier sur internet si j'avais bien compris ; moi aussi j'ai pensé au complot, j'ai imaginé le scénario incroyable,  le piège digne d'un film hollywoodien, ou plutôt le chantage de bas étage digne de la crapulerie de la pire espèce ; 
même si je suis mal à l'aise en voyant les images d'un homme tombé, qui passe en 48 heures des rangs des puissants de ce monde au statut de suspect menotté exhibé aux photographes, même si je reconnais une certaine compassion pour un individu dont la fin de partie est d'une exemplarité dans le catastrophique qui me fait penser à du Maupassant, voire à Houellebecq au vu des circonstances ; 
même si j'ai compris que nous vivons dans un monde où la réalité a depuis longtemps dépassé la fiction, même si j'ai limité ma philosophie à accepter que le plus improbable est du domaine du possible,
je suis choqué. Je suis choqué de tout ce qu'Olympe a relevé dans un article court mais édifiant (allez cliquer sur les liens qu'elle liste) : une femme qui prétend avoir été victime d'un viol, ou d'une tentative (vous m'excuserez d'être assez peu indulgent pour ce genre de nuance) devra systématiquement faire face au scepticisme, à la remise en cause et pire, à l'attitude goguenarde et machiste qui semble être la règle, du moins en France. Est-ce cela, notre fameuse "exception culturelle" ? 
Si une femme se plaint, elle sera forcément suspectée d'exagération, voire de mensonge. D'avoir provoqué ce qu'il s'est passé, voire d'assouvir une vengeance ou d'exercer un chantage. Je ne nie pas, sans pour autant adhérer aux thèses complotistes, que de telles choses soient possibles. Mais force est de reconnaître que la réalité est bien souvent tragiquement simple. 74 % des viols sont commis par une personne connue de la victime. On estime que seulement 2% des violeurs sont condamnés.
Je suis choqué que certaines personnes, que l'on nomme "intellectuels" par facilité sémantique se livrent à ce genre d'exercice. En mettant en doute le professionnalisme de la femme de ménage, par exemple - et ce n'est que le début. Je suis révolté, j'ai honte de lire que les faits qu'elle relate sont qualifiés de "troussage" par un célèbre journaliste que je ne nommerai pas, car je ne veux pas faire connaissance avec son avocat.
Car ces gens là, on ne viole pas monsieur, on ne viole pas, on trousse. On trousse une soubrette, comme sous l'Ancien Régime, comme dans les pièces de Molière et de Marivaux. C'est un amusement de puissant, un plaisir d'homme au-dessus des lois. Tant pis pour les soubrettes, tout au plus leur concède t-on qu'elles devraient être flattées de cette attention qu'on leur porte.
On serait dégouté à moins.
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Promis, la prochaine chronique sera plus légère ; du moins je l'espère...