Il est d’usage, chaque mois, avec la parution des chiffres du commerce extérieur, de désespérer de la résilience du déficit commercial français. De fait, ce dernier se semble guère soluble dans la reprise, si tant en est qu’elle se confirme.
Au-delà de l’inaptitude à capter la croissance là où elle se trouve, c’est-à-dire en Asie et non dans l’UE qui représente encore les deux tiers des exportations françaises, l’on peut se demander si la France n’a jamais été une nation commerçante, n’en déplaise à Colbert et au courant mercantiliste auquel les lois Méline ont donné un coup d’arrêt au 19ème siècle.
L’interrogation en étonnera plus d’un et, au premier rang, les grands groupes, leaders mondiaux dans leur secteur et à l’origine d’un vaste tryptique « investissements-services-commerce » dans le monde, pour reprendre l’expression récente de Richard E. Baldwin, et à qui l’on doit le fort honorable sixième rang mondial (2009) de la France en tant qu’exportateur.
Mais, in fine, l’on constate qu’à travers le monde, « la proportion d’entreprises directement engagées dans une relation internationale est fortement minoritaire » (Economie et statistique, n° 435-436, mars 2011). Par conséquent, inutile de regarder si l’herbe est plus verte ailleurs. L’Italie ne peut ainsi plus se prévaloir de son système de districts rendu obsolète par les délocalisations. Cessons aussi de nous comparer à l’Allemagne, l’exception qui confirme la règle ci-dessus et regardons, par exemple, l’Espagne, pays en grave crise et qui gagne des parts de marché à l’export. Tout cela mérite attention.
Exit, en conséquence, le problème de la taille des entreprises françaises dont on attend qu’elles grossissent pour exporter. Exit aussi la question des freins à l’export parmi lesquels l’on compte bien souvent le manque de financements export, les risques de non-paiement, la difficulté d’accès aux aides publiques, etc.
À qui la faute alors ? Éternelle question à laquelle les essais de réponse ne manquent pas (Economie et statistique, op. cit.). On sait que l’exportation est une démarche chronophage et qu’une entreprise de la taille d’une PME manque généralement de collaborateurs pour la mener à bien sous l’impulsion de son dirigeant. Mais ces facteurs essentiels étant aujourd’hui de mieux en mieux identifiés, l’inhibition des entreprises françaises à l’export ne résiderait-elle pas finalement dans des facteurs plus psychologiques que techniques ?
De même que les Français ont peur de la mondialisation, les entreprises n’auraient-elles pas cette même peur de l’internationalisation qui conduirait au tropisme hexagonal, au mieux européen, que l’on sait ?
- méconnaissance du culturellement « lointain » ou « différent » (L’interculturel, un passeport pour l’international, Accomex n° 97) ;
- peur de divulguer à des organismes d’appui, dans le cadre d’un diagnostic export, des éléments financiers relatifs à l’entreprise ;
- peur d’une maîtrise linguistique trop approximative susceptible de générer incompréhension dans la négociation, quiproquo dans la rédaction d’un contrat ;
- réticence à devoir adapter son modèle, sa stratégie, son produit, dans l’espoir que le marché étranger s’adapte à ce modèle, cette stratégie ou ce bien ;
- peur de s’allier à une autre entreprise [française ou étrangère] de crainte de perdre son identité, son statut, dans le cas des entreprises familiales par exemple ;
- peur de devoir gérer une crise de croissance générant des ruptures que l’entrepreneur ne se sent pas prêt à assumer seul ;
- peur de « perdre gros » dans des batailles commerciales où les concurrents sont des « grands », des opérateurs méconnus, avides de s’approprier les savoir-faire et les technologies au mépris des règles de propriété intellectuelle ou industrielle.
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Alors quand on a peur – et c’est justifié – pourquoi ne pas y aller à plusieurs ? Les groupements d’entreprises à l’export peinent à faire école. Pourtant, il n’est pas d’autre solution qu’une approche coopérative, consortiale, transversale pour appréhender les défis démultipliés de la globalisation.