Quelles sont les pièces à conviction disséminées dans cette très belle exposition?
- L'exposition évoque les fiançailles avortées de Louis II: le souverain s'était en effet fiancé avec sa cousine la duchesse Sophie-Charlotte de Bavière (1847-1897), fille du duc Maximilien en Bavière, chef de la branche cadette de la Maison Royale de Bavière et de la duchesse Ludovica de Bavière, fille du roi de Bavière Maximilien Ier, l'arrière-grand-père de Louis. Sophie-Charlotte est également la sœur de Charles-Théodore en Bavière, ami d'enfance de Louis et d'Élisabeth, dite « Sissi », impératrice d'Autriche et reine de Hongrie et de Bohême. Les fiançailles avaient été officialisées le 22 janvier 1867 mais le mariage reporté à plusieurs reprises. Le roi appellait sa fiancée Elsa du nom de l'héroïne de Lohengrin, l'opéra du compositeur Richard Wagner, dont Sophie-Charlotte apprécie elle aussi la musique. Mais Sophie-Charlotte se rend compte que son fiancé n'a pas suffisamment d'empressement. Elle aurait dit à sa famille : « Ne voyez-vous donc pas qu'il ne m'aime pas ». En octobre 1867, le duc Max, exige que le mariage soit célébré avant la fin de l'année. Louis en profite pour rompre ses fiançailles. Sophie-Charlotte se mariera dès l'année suivante avec Ferdinand Philippe Marie d'Orléans, duc d'Alençon.
- L'exposition évoque les nombreux films consacrés à Louis II et qui ont contribué à organiser le mythe qui s'est construit autour du Roi. Certains de ces films font croire que Louis II aurait vécu un flirt avec Sissi, ce que les historiens réfutent. Un montage video présente des scènes extraites de la filmographie et qui ont contribué à la légende. Un texte explique clairement que pour deux des films évoqués, la censure a joué un rôle en refusant l'évocation de l'homosexualité de Louis, au point qu'un des metteurs en scène a dû transformer son scénario: Helmut Kaütner, alors qu'il tournait en 1955 Ludwig II-Glanz und Elend eines Königs (Louis II- Grandeur et misère d'un Roi) , a dû faire l'économie du thème de l'homosexualité pour pouvoir filmer dans les châteaux du souverain, en site propre. C'est le premier réalisateur à en avoir reçu l'autorisation , mais le prix de cette autorisation a été le silence. Quelque vingt ans plus tard, en 1973, Visconti évoque clairement l'homosexualité de Louis II, quoique avec décence, et a lui aussi maille à partir avec la censure.
- Un montage video présente de façon théâtrale la relation de Louis II avec Richard Wagner. L'acteur qui joue Louis II développe une gestuelle qui peut donner à penser que Louis II était une grande dame... A vous de voir.
- Les dernières sections de l'exposition sont consacrées aux processus qui ont conduit le Parlement bavarois à déclarer l'incapacité du souverain à gouverner par une médicalisation de la situation, ce qui conduira à sa séquestration. On sait que Louis II, criblé de dettes, refusait tout contact avec son gouvernement et s'était retranché dans le monde imaginaire de ses châteaux. La presse nationale et internationale faisait ses choux gras de la situation et ne manquait pas de mentionner tant les préférences homoérotiques du roi que son comportement dispendieux qui mettait ses finances propres et celles du pays à mal. Les services du gouvernement bavarois avient collectionné des coupures de presse, sans doute dans le but de constituer un dossier à charge contre le souverain. L'exposition présente notamment une coupure de presse française extraite du Gil Blas.
- Les relations privilégiées de Louis avec des acteurs ou des serviteurs, notamment des écuyers ou des palefreniers, sont alors évoquées. On peut voir voir des photographies que Louis avait fait réaliser, notamment deux photos où il s'était fait photographier en compagnie d'un acteur pour lequel il s'était passionné, Joseph Kainz, et avec lequel il avait effectué un court voyage en Suisse (1881). Cette photo avait fait l'objet de retouches, tant elle est choquante: le bas de Kainz est posé sur l'épaule du souverain. Ici, on présente un des rares originaux, avant que les soigneuses retouches n'aient été effectuées....
- On voit aussi les cadeaux somptueux, notamment des bijoux, que Louis faisait à ses favoris. Et par exemple un précieux pendentif en or émaillé représentant un paon, offert à Max Sedlmayer. Ici, le texte du catalogue énonce clairement les penchants homoérotiques du Roi, connus dès avant ses fiançailles avec Sophie-Charlotte. Vu le contexte de l'époque, et la stricte condamnation morale de même que la pénalisation des comportements homosexuels après la fondation du Reich, on imagine que le roi avait dû développer de forts sentiments de culpabilité qui se conciliaient mal avec ses désirs. cela conduisait à des relations au schéma répété: engouement soudain pour un serviteur, un écuyer ou un comédien, l'engouement n'est qu'un feu de paille qui brûle d'autant plus rapidement que le remords s'en mêle, ce qui conduit à la fin rapide et abrupte du rapport. (Cfr les page 242 à 246 du catalogue de l'exposition.)
- Une photo touchante montre que certains des serviteurs de Louis II lui ont gardé un attachement certain, celle de Fritz Schwegler qui s'est fait tatoué un portait du roi sur l'abdomen. Bien sûr, dans ce cas, il ne s'agit très probablement pas d'homoérotisme.
- La dernière salle de l'exposition est consacrée à l'énigme de la mort par noyade du roi, et donne des éléments d'enquête sans prendre position: suicide, bagarre ou meurtre politique. L'énigme reste entière. Aucun élement homoérotique n'est ici évoqué.
Les Ministres bavarois qui ont inauguré en grandes pompes cette somptueuse exposition reconnaissent aujourd'hui des vertus à Louis II, car la Bavière profite pleinement des folies du Roi Bâtisseur, ses châteaux constituent la première attraction touristique du Land. Les énormes profits que cela génère rendent l'homoérotisme du souverain tolérable, mais pas au point d'en faire un de thèmes centraux d'une exposition. (Photo du Ministre-Président Seehofer, inauguration de l'exposition Götterdämmerung)
En matière de reconnaissance des droits ou de simple reconnaissance de la réalité de l'homosexualité, patience et longueur de temps font-ils plus que force ni que rage?
Pour un descriptif en français de l'exposition, cliquer ici.