Louis Renault et Hitler en 1938
« J’ai été scandalisé quand en juillet de l’année dernière, la Cour d’Appel de Limoges, saisie par les petits-enfants de Louis Renault, a condamné le « Centre de la mémoire » d’Oradour-sur-Glane à leur payer 2.000 euros de préjudice et à retirer de l’exposition permanente cette photo de l’industriel entouré d’Hitler et Göring, leur montrant une Juvaquatre au salon de l’auto de Berlin de 1939, avec cette légende : « Louis Renault présente un prototype à Hitler et Göring à Berlin en 1938. Louis Renault fabriqua des chars pour la Wehrmacht. Renault sera nationalisé à la Libération. »Les petits-enfants du collaborateur ne manquent pas d’air ! Profiter du nouveau droit ouvert par l'instauration de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) pour tenter de réécrire l'Histoire n'est pas très glorieux. Aujourd’hui, les héritiers de Louis Renault attaquent l'Etat français devant la justice. Ils contestent la nationalisation-sanction de Renault, en 1945, après la seconde guerre mondiale. L'occasion de se rappeler que le constructeur automobile n'a pas été le seul à être nationalisé à cette période de notre histoire. La thèse défendue par les héritiers de Louis Renault ne fait pas la différence entre nationalisation et spoliation, ce qui n’est tout de même pas la même chose. Selon eux, leur grand-père aurait été dépossédé de manière indue de ses biens à la fin de la Seconde Guerre mondiale sur de fausses accusations de collaboration avec l'ennemi.Mais, Renault est loin d'être la seule entreprise nationalisée par le Conseil national de la résistance au sortir de la guerre. Dans l'aéronautique aussi, l'État a repris en main quelques industriels. Air France, société privée née de la fusion de quatre entreprises en 1933, est nationalisée en 1945. Partiellement privatisée en 1999, elle est aujourd'hui une entreprise privée. L'Etat ne gardant que 15% du capital. La Snecma, quant à elle, voit le jour à cette époque en récupérant les actifs du fabricant de moteurs et de motos, Gnome et Rhône qui pendant la guerre fabriquait des moteurs pour la Luftwaffe en sous-traitant pour BMW. Dans les mines, l'intérêt commun s'impose. Des dizaines de houillères privées sont regroupées en 1946 pour donner naissance à l'entreprise d'État, Charbonnages de France. Objectif : relancer l'exploitation pour répondre aux besoins du pays. Dans l'énergie, 1 450 sociétés françaises de production, transport et distribution d'électricité et de gaz sont nationalisées pour constituer EDF et GDF. Pour le général de Gaulle, ces nationalisations n'étaient pas toutes des sanctions. Même s'il ne manquait jamais de rappeler aux patrons qu'il les avait peu vus à Londres, ces nationalisations constituaient pour lui le seul moyen de redresser l'économie française.La grande bourgeoisie de l'époque n'a jamais digéré la nationalisation de l'industriel par le gouvernement d'union nationale dirigé par le Général De Gaulle, issu du Conseil national de la résistance (CNR). Et pour cause, Louis Renault n'est pas le seul à avoir frayé avec l'occupant allemand. La tâche sur le patronat français demeure et elle est indélébile. Derrière cette histoire se cache l'ultime coup de boutoir contre l'action du CNR, entre autre la nationalisation de l'énergie, des assurances et des banques, la création de la Sécurité sociale. Ces actions qui ont constitué jusqu'à aujourd'hui la plus grande partie de nos acquis sociaux. Denis Kessler ne l'avait pas caché en 2007 : "Il s'agit aujourd'hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance !"
Quoi qu'en disent nos gouvernants actuels, c'est bien cette recommandation funeste qui est en train d'être mise en place. L'action des héritiers Renault n'est qu'un épisode de plus dans le cynisme de l'élite possédante tout comme l’effrayant changement de statut d'Areva qui donnera (vendra) notre indépendance énergétique au plus offrant. Cette guérilla juridique entamée par les héritiers de Renault ne les honorera pas et ne nous fera pas perdre notre esprit de résistance. L’histoire ne changera pas, elle est déjà écrite
Alain Lefeez