Dans les dojos zen traditionnels, entre deux temps de méditation assise, on pratique une marche appelée kin hin pour développer l'esprit de sérénité et d'éveil dans le mouvement. Maurice Béjart, qui l'aimait beaucoup, la faisait pratiquer à ses danseurs.
Le dos bien déployé et la nuque droite, les yeux mi-clos, on enserre le poing gauche avec la main droite (ou le contraire si on le ressent mieux) de façon à ce que les pouces pliés se retrouvent posés contre le plexus solaire, cette zone située dans l'espace où nos côtes se séparent, juste sous le sternum. On prend une inspiration tout en esquissant un (petit) pas : la jambe qui s'avance est droite comme une colonne et tout le poids du corps se porte sur elle à mesure qu'elle achève le mouvement. On expire en terminant son pas, très lentement et profondément, jusqu'au bout du souffle. A la fin de l'expiration, quand on n'a plus du tout d'air en soi, on inspire rapidement, tout en entament un nouveau demi-pas pour recommencer le processus : expiration longue et lente, s'enfonçant vers le bas de l'abdomen, tandis que l'on presse fortement les deux mains, l'une sur l'autre, contre le plexus. Puis nouvelle inspiration rapide sur un nouveau pas. Il est important de garder ce rythme. Et on recommence.
Cette marche, que la tradition zen compare à celle du tigre sortant de la forêt tous sens aux aguets, s'avère d'une grande efficacité psychosomatique. Des études ont montré qu'elle équilibre nos deux systèmes nerveux, l'ortho et le parasympathique, avec tous les bienfaits d'une hyperoxygénation puissante. Au Japon, on dit aussi qu'elle active le hara, centre énergétique de l'être situé sous le nombril, d'où devraient partir tous nos gestes, comme nous l'enseignent les arts martiaux. Le kin hin est réputé créer l'unité du corps et de l'esprit et susciter un grand dynamisme. La pression de nos mains et de nos pouces contre le plexus durant l'expiration permet aussi de masser cet endroit souvent tendu et douloureux, où viennent se nicher beaucoup de nos angoisses et émotions, en lui apportant une détente salutaire. Essayez !
En cette période printanière, on peut aussi simplement méditer en marchant et en humant les senteurs de la nature. Il suffit d'être conscient du va-et-vient de ses pensées et de revenir sans cesse à une respiration consciente et profonde : celle-ci doit prédominer sur tout ce qui s'agite dans notre tête. Plus nous respirons avec avec la conscience de le faire, plus notre cerveau va se calmer et enfin jouir du spectacle du monde.
Marc de Smedt dans " Clés" (avril-mai 2011)
Pour en savoir plus : ce document sur la posture du Kin Hin