Le ministère de l’Économie exulte : les bonus des traders sont en baisse et le PIB est en forte hausse. Génial ! Sauf qu'à y regarder de plus près... c'est un peu l'inverse, en fait. Rrogniturruûûû...
La semaine dernière a été marquée par deux infos économiques majeures : la baisse des bonus des banquiers et la forte hausse du PIB, près d'1% en trois mois, rendez-vous compte... De la belle ouvrage. Sauf que deux perturbateurs (certainement adeptes des théories du complot ?) sont venus calmer les ardeurs de nos fougueux économistes gouvernementaux.
Bonus fumeux
Le premier, Olivier Fluke, ne cesse, depuis des années, de décortiquer les bilans de nos banques nationales. Et à la lecture des communiqués de son ministère préféré, il s'est littéralement étranglé. Les chiffres de Mâme Lagarde ne correspondaient à rien. Il a donc fait chauffer sa calculette et remouliné les calculs. Au cas où... Et le résultat est à mourir de rire, accrochez vos ceintures : notre valeureuse marquise ministre a tout simplement divisé le montant des rémunérations variables de BNP-Paribas-Fortis par les effectifs de... BNP-Paribas seulement ! Ce qui faisait artificiellement monter les chiffres de 2009. De là, il était alors plus simple de prétendre que les bonus ont baissé en 2010. Forcément.
Las, le bonhomme a calculé qu'entre 2009 et 2010, au lieu de la baisse annoncée (de 303.000 euros en 2009 à 290.000 en 2010 par personne concernée), les bonus avaient en fait grimpé de 290 000 € à 291 000 €. Et au final, l'augmentation de la rémunération moyenne (fixe + variable), qui n'intéresse visiblement personne, est passée de 380 000 euros en 2009 à 434 000 euros en 2010 : soit une augmentation de 14%, alors que les revenus de la banque de financement et d'investissement (BFI, le secteur spéculatif de la BNP) ont diminué de 11% en valeur absolue et de 19% à périmètre et charge constants. Et pour la Société Générale, aussi citée par Bercy dans son communiqué ? La rémunération totale moyenne s'est établie à 309 000 euros en 2010 contre 319 000 euros en 2009, une baisse de 3%... alors que les revenus des activités pérennes de la BFI ont diminué de 21% !
Et, au fait, il y en a combien de ces "professionnels de marché" éligibles aux bonus ? Entre 2009 et 2010, ils sont passés de 2 600 à 3 663 à la Société Générale (+40%), et de 3 972 à 3 464 (-13%) à la Société Générale : difficile de faire plus absurde. Mais puisqu'on vous dit que tout va bien... Rfff...ZzZ...Pffuuuu...
PIB aléatoire
Le deuxième agitateur, Jean-Pierre Chevallier, s'est attaqué à l'évaluation du PIB par l'Insee. Surprise ! L'économiste ultra-libéral a noté une étonnante divergence entre les chiffres du déficit commercial fournis par la Banque de France et ceux de l'Insee, depuis 2004 (auparavant, les chiffres étaient quasiment identiques). Et pas qu'un peu : au premier trimestre 2011, le déficit commercial a été estimé à 11,2 milliards par l'Insee, tandis que la Banque de France l'a évalué à 19,7 milliards, et Eurostat à 15,9 milliards. A vous de choisir. Et alors ? Si l'on majore les chiffres de l'Insee de 5 milliards, comme ça juste pour s'amuser, affirme notre "Business économiste monétariste béhavioriste", on obtient un taux de croissance... négatif du PIB réel. Et vlan.
Une idée pour les enquêteurs chargés d'évaluer la responsabilité de Christine Lagarde dans l'affaire Tapie : vérifiez la calculatrice.
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(Article publié sur le site "Les mots ont un sens")