DSK et Ben Laden : les images qui choquent

Publié le 17 mai 2011 par Sylvainrakotoarison

Grandeur et décadence de César Birotteau. Le mois de mai 2011 se déchaîne avec l’actualité. Ben Laden puis Strauss-Kahn… et dans le viseur, après une mort réelle et une disparition politique, une prochaine naissance. Il y en a un qui a de la chance.
Le cauchemar continue pour Dominique Strauss-Kahn : emprisonné à Rikers Island, l’une des prisons les plus dures, pour au moins quatre jours, il risque jusqu’à 74 ans et 3 mois de prison pour sept chefs d’inculpation très crus. Les humoristes seraient capables de dire qu’il pourrait donc se présenter à l’élection présidentielle de 2087.
Le cauchemar l’est aussi pour sa victime présumée qui ne savait pas l’identité de son agresseur désigné quand elle a parlé à la police. Si elle avait su la folie médiatique qui allait s’emparer de l’affaire (somme toute assez banale d’agression sexuelle), peut-être aurait-elle hésité même si ce geste l’honore en cas de réalité des faits (trop de femmes agressées renoncent à déposer plainte).

Passage en boucle

DSK a deux raisons de faire la une des journaux : il est le directeur général du FMI et à ce titre, à l’avant-poste mondial pour faire face aux graves crises financières de certains États depuis septembre 2008, et il était jusqu’à la semaine dernière le candidat potentiel qui avait le capital électoral le plus élevé pour l’élection présidentielle française de 2012.

Et cela justifie, à mon avis, l’emballement des médias français à développer ce "fait divers" car il chamboule complètement les données de la future campagne présidentielle.

Le souci, c’est que le résultat est connu d’avance pour ce qui concerne l’élection présidentielle : sa disqualification dans tous les cas (innocence reconnue, culpabilité prouvée, jugement etc.). Certains proches, comme Jean-Pierre Bel, qui compte bien ravir à l’UMP le Plateau le 1er octobre prochain, croient encore à une résurrection alors que la procédure va multiplier les déballages de sa vie privée. Pour le PS, il pourrait n’être plus qu’un "boulet".

Une situation inédite dans la vie politique

Il reste ensuite l’homme. Les amis de Dominique Strauss-Kahn ont d’ailleurs bien senti le danger à ne parler que de l’émotion qu’a provoquée ce drame humain sans prendre en compte ce qu’une agression sexuelle a de grave. Et ils commencent également à imaginer l’hypothèse du pire, c’est-à-dire celle de la réalité de l’agression.

Le 16 mai 2011, Pierre Moscovici a voulu découpler l’affaire DSK du destin du PS et estime que l’urgence, aujourd’hui, pour Dominique Strauss-Kahn, c’est sa propre vie qui est maintenant en sursis, en insistant sur le côté inédit de la situation.

Il existe certes un précédent lointain : le Président de la République Félix Faure (58 ans) avait perdu connaissance (et la vie) à l’Élysée le 16 février 1899 pour une supposée "affaire de mœurs", mais à l’époque, le Président n’avait pas l’importance politique de la Ve République et surtout, il n’y avait pas eu violence sexuelle. Clemenceau aurait même lâché à la nouvelle de sa disparition, très cynique : « ça ne fait pas un Français de moins, mais une place à prendre. » et : « En entrant dans le néant, il a dû se sentir chez lui. ».

Le choc en image

On peut s’interroger sur les images qui ont été montrées d’un DSK hagard et hirsute, menotté, et filmé en pleine séance de la cour criminelle. Les proches de DSK n’ont cessé dans la journée du 16 mai 2011 d’exprimer leur émotion face à la diffusion de telles images (Manuel Valls parle d’images "insupportables"). Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a demandé aux chaînes de télévision un peu de modération dans la diffusion des images.

Les ennemis de DSK ne pouvaient pas imaginer mieux. Je parle des "ennemis" et pas des adversaires politiques qui, au contraire (l’UMP à l’exception de Bernard Debré), ont fait preuve de retenue et de prudence. Les ennemis, à savoir ceux qui insistent sur ses origines, sa religion supposée, son compte en banque. Ceux qui sont jaloux et ceux qui jouent honteusement avec l’antisémitisme qu’ils traduisent par un antisionisme de façade (loi Gayssot oblige) qui n’a aucune raison d’être dans le débat politique français (que viennent faire sionisme et antisionisme sur le territoire français ?).

Entre transparence et censure

Pourtant, ces images sont ordinaires aux États-Unis et dans un sens, cette affaire montre qu’au moins, la police et la justice américaines font leur travail, et au début de la procédure, traitent les justiciables de manière égale, qu’ils soient puissants ou ordinaires (en France, on en est encore loin). Certes, la méthode accusatoire signifie que le prévenu qui a les moyens de payer de bons avocats (ce qui est le cas ici) a de meilleures chances de prouver son innocence (dans le cas où elle est réelle) ou de transiger en cas de culpabilité et donc, va s’en sortir mieux qu’une personne peu aisée financièrement.

Pour le système américain, cependant, il est plus cohérent de laisser ces images malgré la présomption d’innocence que de publier les photos du cadavre déchiqueté d’Oussama Ben Laden. Et on peut le comprendre : un crâne éclaté a autrement plus d’effets dévastateurs qu’un simple rôle dans une série policière américaine.

Les théories du complot et du piège appliquées à DSK sont dérisoires et exprimées uniquement sous le coup d’une émotion mal contrôlée.

"Tout le monde" savait-il ?

Quelques personnalités (notamment Bernard Debré qui fut démenti dans certaines de ses affirmations) ont même voulu rompre une prétendue omerta sur le comportement de leur collègue. Certains disent, sans connaître mieux l’affaire en question, que le comportement de DSK était connu concernant ses relations ("vigoureuses" selon Christine Boutin) avec les femmes.

Et voici qu’on ouvre un nouveau procès, cette fois-ci de la classe politique française, pour dire que tout le monde était de mèche et que si l’on avait parlé de ce comportement bien avant, il n’y aurait pas eu cette histoire.

Je dis au contraire qu’heureusement que ce silence, de la presse et du milieu politique, a été préservé (jusqu’à maintenant), au même titre qu’on a caché la seconde famille de François Mitterrand (malgré les frais occasionnés par l’État). La vie privée des personnes, qu’elles soient connues ou pas, est un droit inaliénable. Pas forcément pour la personnalité publique qui, effectivement, s’expose et parfois court après les caméras et donc, doit en assumer le revers de la médaille, mais surtout pour les proches de celle-ci, qui, eux, n’ont rien demandé et ont le droit au calme et à la tranquillité.

Bientôt, d’autres photos

J’imagine bien que la nouvelle du jour, ce mardi 17 mai 2011, va sans doute se jouer également avec des photographies données ou volées à la vie privée dans quelques mois. Pendant que son principal concurrent est désormais hors course, Nicolas Sarkozy va bientôt se réjouir d’un heureux événement…

Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (17 mai 2011)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
DSK : un gâchis immense.
Peut-on pardonner à Ben Laden ?


 

http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/dsk-et-ben-laden-les-images-qui-94166